Le débat historique entre les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle 2016 (Talon # Zinsou) a eu lieu ce jeudi à 21h 10 comme prévu sur les antennes de la télévision publique, Ortb. Pendant deux heures d’horloge, les deux candidats ont mouillé le maillot. Chacun est allé de sa manière pour convaincre les citoyens et surtout électeurs béninois. Et pour ce test qui annonce les couleurs du scrutin du dimanche prochain, on peut sans ambages affirmer que Lionel Zinsou a convaincu avec des propositions concrètes
Parlons d’abord du décor. Les conseillers à l’image du candidat Talon n’ont pas pris la mesure du symbolisme vestimentaire pour venir à cet exercice. Comme les deux animateurs du débat à savoir Georges Amlon et Benjamin Agon, le candidat Lionel Zinsou qu’on présente pour « le blanc, le Français, le colon »était habillé en locale donc à la Béninoise alors que Patrice Talon lui, était en mode occidental. Ne faut-il pas qu’on mette en valeur notre culture vestimentaire ? Zinsou l’emporte à ce niveau.
Parlant encore de colon et autres, sans vouloir verser dans des attaques quand Talon l’a traité d’être dans la peau du gouverneur, Lionel Zinsou lui a subtilement rappelé l’origine de leur nom respectif. Talon était plutôt étranger. C’est à dire, provenant de nos arrières bourreaux, les marchands d’esclaves venus vider notre pays de ses bras valides. Ce qui n’est pas le cas de Zinsou. Zinsou l’a précisé. C’est les subtilités de cet entretien.
« Talon a proposé de nommer Zinsou dans le gouvernement Yayi », dixit Lionel Zinsou
Opposant déclaré au régime dont il a été pourtant l’un des artisans, le candidat Patrice Talon dans son intervention a fait son job en peignant en noir l’état du Bénin. Tout va mal, dit –il pour justifier son thème « nouveau départ ». Talon qualifie l’Etat de « voyou….sauvage », et traite la république de « bananière ». Talon savait bien qu’il était devant le Premier Ministre, un membre du gouvernement de Yayi qui l’a contraint à l’exil en 2012. C’est de bonne guerre. Loin de verser dans des élucubrations dithyrambiques, et avec la manière, Lionel Zinsou a rappelé à Talon que le Bénin n’était pas dans un chaos ; le Bénin a des institutions dont il faut en être fier, tout ne va pas mal, il y a des acquis et il faut dans l’unité avancer pour le « Bénin gagnant ». Talon oublie qu’il est quand-même tout aussi responsable de ce qu’il condamne puisqu’il nommait souvent des ministres dans le gouvernement Yayi. Le malheur donc de Lionel Zinsou. Il n’a pas participé à la gestion des dix ans de Yayi. Seulement une gestion de moins d’un an et il ne connaît pas tous les grands dossiers du régime. Or Talon était au centre de tous les chantiers avant de tomber en disgrâce. Zinsou va plus loin en rappelant à Talon qu’il lui avait même proposé de le nommer dans le gouvernement Yayi. Une intervention qui a balayé d’un revers de la main la peinture que Talon voulait faire de la gestion Yayi qui, du reste, avouons-le, n’est pas sans tâche.
De la question de la gouvernance
Le fonctionnaire international Lionel Zinsou a fait des démonstrations sir la question de la bonne gouvernance. Il explique les chances futures du Bénin dans une bonne gouvernance. Patrice Talon préfère utiliser une de nos vieilles recettes maison pour déstabiliser son concurrent, en l’insultant à la limite. « Tu ne connais pas le pays ». Talon a répété ces propos à plusieurs reprises…Mais Lionel Zinsou a usé de sa rhétorique pour contenir Patrice Talon sans lui emboîter le pas dans cette vieille recette. Là, Lionel Zinsou le remporte également.
De la question de la santé
C’est le volet autour duquel Lionel Zinsou a dérouté son challenger. Sa maman française étant du corps de la santé comme son père René, Lionel a montré dans son rêve pour le Bénin, qu’il était dans son rôle. Là encore, le candidat Patrice Talon qui, visiblement ne partage pas la vision de son concurrent d’équiper les hôpitaux, pense plutôt à l’aspect social des soins de santé.
Talon a fustigé la gratuité de la césarienne, le Ramu qu’il a présenté comme un truc bâclé. Il penche plutôt sur l’assistance aux artisans. Une structure de cotisations pour la retraite. On voit visiblement que le candidat Patrice Talon en bon politicien béninois a voulu faire un clin d’œil à la masse.
En réponse aux propositions de Talon, Zinsou a félicité son challenger d’avoir parlé du Ramu. Et là il félicite les députés qui viennent de voter la loi sur le Ramu qui a commencé. Il faut poursuivre. En bon pédagogue, Lionel Zinsou a réajusté l’intervention de son vis à vis en améliorant tout ce qu’il venait de dire, plus ou moins sommairement.
Chiffres à l’appui, Lionel Zinsou a rassuré sur tout ce qu’il entend faire en allant plus loin que les rêves du candidat Talon.
De la politique énergétique
Sur ce volet Zinsou a montré à son concurrent toute sa classe. Il a d’abord remercié Patrice Talon qui reconnaissait récemment sur une radio française, que la politique énergétique entreprise par le régime dont lui Zinsou est le premier ministre, est géniale . Cette remarque a eu le mérite de mettre Talon dans un rôle d’observateur, son égo ayant été flatté, il n’a pas vite compris que son concurrent était dans un registre plutôt hautement politique pour lui clouer le bec sur la question de l’énergie. Zinsou a parlé du programme Lumière pour tous, du bénéficce que cela rapportait aux familles qui chaque mois dépensent 8.000 f pour le pétrole lampant et les piles. Les lampes solaires permettent aux populations non seulement de bénéficier de l’énergie mais aussi de charger leur portable, de faire d’économie et de pouvoir subvenir aux besoins d’un enfant de plus qu’il faut envoyer à l’école.
Mais curieusement, quand Patrice Talon a pris la parole, il est revenu sur l’autre vieille recette : insulter son vis à vis pour essayer de l’ébranler. Évidemment, Talon était choqué que Zinsou ait parlé du coton et de ce dont il souffre en proposant que les usines génèrent elles-mêmes de l’énergie électrique.
Bref, on retiendra de ce face à face que Patrice Talon était préparé pour imprimer à travers ses interventions, dans le subconscient des Béninois, que Zinsou ne connaissait pas le pays.
Un piège que Lionel Zinsou a su éviter car, faut-il encore le rappeler, Zinsou avait plutôt à convaincre les Béninois sur les à priori qui pèsent sur lui. Et il a réussi sa sortie puisqu’il est parvenu, chiffres à l’appui, à montrer que non seulement il connaît le pays, mais qu’il a les moyens de régler ses problèmes avec des propositions concrètes.
En évoquant la question de l’armée, Talon a fustigé son effectif pléthorique. Ce qui ne l’est pas, selon Lionel Zinsou.
À l’analyse, on retiendra de ce face à face, que les deux candidats ont convaincu. Avec bien évidemment, l’avantage pour Zinsou, professeur de sciences et banquier d’affaires, d’utiliser ses qualités d’universitaire pour damner le pion à celui qui avait tout pour être son étudiant sur les questions évoquées.
Dommage le temps n’a pas suffit pour aborder certains thèmes importants. Reste enfin aux Béninois de faire leur idée chacun du débat pour le vote du dimanche 20 prochain.