Invité Afrique sur RFI : Wilfried Houngbédji parle de Yayi, de Madougou et confirme que Talon ne sera pas candidat en 2026  

Actualités

Au Bénin, Thomas Boni Yayi a effectué un retour inattendu le 15 octobre 2023 sur le devant de la scène politique. L’ancien chef d’État a pris la direction de son parti Les Démocrates, jusque-là occupé par Éric Houndété. Comment le pouvoir béninois interprète-t-il ce retour au premier plan de l’ancien président ? Que répond le gouvernement à ceux qui accusent le président Patrice Talon d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ? Quel avenir pour l’opposante Reckya Madougou et pour le constitutionnaliste Joël Aïvo, emprisonnés depuis plus de deux ans ? Wilfried Houngbédji, le porte-parole du gouvernement béninois, est ce matin l’invité de Pierre Firtion

RFI : Wilfried Houngbédji, Thomas Boni Yayi revient sur le devant de la scène politique, il a été désigné président des Démocrates il y a dix jours, comment interprétez-vous ce retour au premier plan de l’ancien président ?

Wilfried Houngbédji : Je crois que ses camarades chefs de partis politiques sauront mieux que moi vous dire ce qu’il faut en penser. Vu du gouvernement, pour nous, rien de nouveau sous le soleil, car à la vérité, il n’aura jamais été loin de la scène qu’il n’a jamais quittée.

Mais est-ce que cette désignation ne traduit pas une volonté du parti Les Démocrates d’être plus présent dans le débat politique, selon vous ?

Je ne saurais le dire, je sais simplement que ce sont des tendances humaines et même politiques : ceux qui ont perdu une bataille rêvent de revanche. Mais dans le cas d’espèce, je pense qu’il n’y a plus de place pour une revanche quelconque, si tel était le projet de ceux qui sont en face, parce que le match a déjà été joué en aller et retour, et à chaque fois, Patrice Talon l’a emporté. Il a reçu le trophée de vainqueur et si vraiment il lui reste encore un match à jouer, à Patrice Talon, c’est son jubilé, qui consiste pour lui à partir grand en 2026, en grandissant le pays, par ailleurs, après avoir posé les bases de la modernité et du développement durable, en un temps record, et dans des conditions particulièrement difficiles.

La Constitution béninoise ne permet pas d’être président de la République plus de deux fois. Vous nous confirmez donc que Patrice Talon ne se représentera pas en 2026 ?

En réalité, le président Talon n’a attendu personne pour corser les conditions de limitation du nombre de mandats présidentiels au Bénin. C’est lui qui a fait mettre dans la Constitution, à l’occasion de sa révision en 2019, que nul ne peut de sa vie effectuer plus de deux mandats présidentiels. Et ceci a été fait, il faut le souligner, dans un contexte où il avait une Assemblée nationale acquise à 100% à sa cause, ce qui veut dire que le président Talon, à cette occasion-là, a montré au monde, et au Bénin en particulier, qu’il est possible en Afrique de réviser la Constitution, sans penser à s’éterniser au pouvoir. Et donc ce débat-là pour nous est définitivement clos.

L’opposante Reckya Madougou et le constitutionnaliste Joël Aïvo sont en prison depuis plus de deux ans. Plusieurs organisations internationales appellent à leur libération. Les Démocrates ont déposé une proposition de loi d’amnistie. Cette proposition pourrait-elle être adoptée selon vous ?

Il y a dans nos prisons quelques milliers de concitoyens condamnés à l’issue de procès réguliers, et les mesures d’aménagement de peine prévues par les lois béninoises peuvent profiter à tous ceux qui en remplissent les conditions substantielles à un moment ou à un autre. Et par ailleurs, notre pays dispose, je peux le rappeler, d’une loi qui autorise les personnes condamnées pour certaines catégories de crimes à solliciter la suspension de l’exécution de leur peine. Jusqu’à plus informé, il ne me semble pas que quelqu’un ait sollicité le bénéfice de cette mesure et ne l’ait pas obtenue. Par rapport à une quelconque loi d’amnistie, je ne suis pas député à l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale appréciera souverainement, si une telle démarche était portée à la connaissance de sa plénière.

Wilfried Houngbédji, que répondez-vous à ceux qui accusent le président Talon d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ?

Ceux qui continuent à parler ainsi sont, me semble-t-il, nostalgiques de cette démocratie désincarnée que Boni Yayi appelait « démocratie Nescafé », au point même de proposer comme antidote une certaine dictature du développement. Ils sont nostalgiques, me semble-t-il, de cette démocratie où nous avions, pour 83 sièges de députés à l’Assemblée nationale, 40 à 50 partis représentés au sein de cette Assemblée. Ce qui, vous en conviendrez, ne permet pas une action politique lisible et homogène. À la vérité, il faut considérer, avec le recul, que Patrice Talon aura plutôt normalisé la démocratie béninoise, et je ne doute pas que demain, mise à part la politique politicienne, tous lui rendront justice et salueront son mérite historique.