A l’assemblée nationale mardi 5 mars, le député Nassirou Bako Arifari a soulevé une question préjudicielle avant l’ouverture du débat général. L’élu BR a d’abord rappelé que les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans recours et rappelle que la décision de la Cour constitutionnelle demande au parlement d’établir l’égalité entre les maires à l’occasion de la présidentielle 2026. La Cour a demandé une mise en conformité d’un article de la Constitution et du Code électoral, a-t-il souligné.
Le député Nassirou Bako Arifari a fait remarquer que les deux propositions de loi portant modification du Code électoral dont l’étude est soumise à l’Assemblée nationale vont au-delà de la décision de la Cour constitutionnelle. Il juge qu’en proposant de réduire à 35 jours la durée qui sépare le dépôt de candidature et l’élection présidentielle, la proposition de loi du député Aké Natondé touche au droit de parrainage des députés de la 9e législature. Lire l’intégralité de son intervention.Intervention de l’Honorable Nassirou Bako-Arifari
Député membre de la 9eme Législature de l’Assemblée nationale du Bénin
Objet: Question préjudicielle
Monsieur le Président,
Conformément aux dispositions de l’article 86.2 et 86.3 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, je voudrais soulever une question préjudicielle dans le cadre de la discussion générale engagée sur le rapport de la Commission des lois relatif aux modifications à apporter au code électoral en application de la décision DCC 2024-001 du 4 janvier 2024.
Monsieur le Président,
Il est une donnée constitutionnelle constante que conformément à l’article 124 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990 modifiée par la Loi No. 2019-40 du 07 Novembre 2019, je cite :
Ainsi, l’assemblée nationale invitée à agir suivant la décision ci-dessus citée à l’obligation de mettre en œuvre ladite décision.
C’est en réponse à cette décision que deux propositions de loi portant modification du Code électoral ont été déposées par les Honorables Députés AKE Natondé et Nourenou ATCHADE aux fins de contribuer à la mise en application de la décision de la Cour Constitutionnelle.
Cependant, les deux propositions, me semble-t-il sont allées au-delà du contenu et des indications claires contenues dans la décision de la Cour Constitutionnelle.
En effet, l’article 3 de la décision DCC 2024-001 stipule ce qui suit :
“ Dit que l’Assemblée nationale est invitée à modifier le Code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires, et d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution les dispositions de la Loi No 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral”.
De ce qui précède, on peut aisément déduire que la Cour demande à la Représentation nationale de résoudre deux problèmes, l’un relatif au parrainage des maires et l’autre une correction d’une erreur matérielle, qui du reste n’est qu’une correction de forme pour mettre en harmonie un article du Code électoral, norme inférieure, avec un article de la constitution, la norme fondamentale.
Il est clair que dans son esprit et dans sa lettre, la Décision de la Cour est une demande de mise en conformité à la Constitution de ces deux préoccupations à travers la relecture des articles pertinents du Code électoral.
Or, les propositions AKE Natondé et Nourenou ATCHADE touchent à des questions qui ne relèvent pas de la mise en conformité demandée clairement par la décision de la Cour constitutionnelle. Ainsi la proposition AKE Natonde en demandant de fixer à 35 jours le délai de dépôt de candidature à l’élection présidentielle touche par exemple au droit de parrainage des députés de la 9eme Législature que la Décision de la Cour constitutionnelle n’a jamais mis en cause. La Cour dans sa décision indique ainsi clairement que la mise en conformité ne doit en aucun cas toucher le droit de parrainage des députés actuels.
S’agissant de la proposition ATCHADE, elle soulève par exemple la question de l’attribution des sièges dans le cadre des élections législatives d’une part et celles municipales et communales de l’autre relatives respectivement aux articles 146 et 184 du Code électoral en vigueur.
Sur cette dernière proposition, je voudrais rappeler par exemple que la fixation du seuil électoral à 10% des suffrages exprimés au plan national pour l’attribution des sièges, est issue de deux assises nationales successives : Séminaire national sur la réforme du système partisan tenu en 2018 à l’hôtel Azalai de Cotonou avec l’ensemble des acteurs de la classe politique, notamment les dirigeants de partis politiques de l’époque au lendemain duquel la première modification du Code électoral sous le régime de la Rupture a été opérée, et confirmée par le Dialogue politique national d’octobre 2019 tenu au Palais des Congrès de Cotonou au lendemain de la crise électorale des législatives du 28 avril 2019. Il s’agit donc d’un élément de Consensus qui ne saurait être touché que par le même canal du dialogue pour un nouveau consensus. Sur cette question de Consensus, il existe une jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle du Bénin selon laquelle le Consensus est à valeur constitutionnelle. Il ne peut donc être procédé à une modification d’une disposition relevant du consensus sans passer par le même canal.
C’est bien en pleine conformité avec ce consensus que la Proposition de loi Ahouanvoebla et consorts portant modification du Code électoral objet de la Loi 2018-31 du 9 octobre 2018, fut introduite à l’assemblée nationale le 28 octobre 2019. On peut lire à juste titre parmi les considérants de l’exposé des motifs ce qui suit :
“- Considérant, toutefois, que l’application de cette nouvelle loi à l’occasion de l’élection des Députés du 28 avril 2019 a mis en relief des difficultés relatives notamment aux conditions d’attribution des sièges ainsi qu’aux conditions de validité des listes de candidatures.
Considérant qu’en prenant la mesure de cette situation, le chef de l’Etat a organisé un Dialogue national du 10 au 12 octobre 2019 dont certaines recommandations engagent la représentation nationale à examiner et adopter la modification du Code électoral.
Que pour donner suite à ces recommandations consensuelles, nous députés soussignés, soumettons à la représentation nationale, en vue de son examen et adoption, la présente proposition de loi modifiant et complétant la loi No 2018-31 du 9 Octobre 2018 portant Code électoral.” Fin de citation.
Il est donc clair que la loi No 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral actuellement en vigueur est le résultat absolu d’un processus consensuel à la fois sur les conditions de validité des listes de candidatures et les conditions d’attribution des sièges. Ces dispositions relèvent du Consensus à valeur constitutionnelle et sont réputées relevées de l’autorité de la chose jugée, sauf nouveau consensus issu d’un autre dialogue inclusif.
Par conséquent, tous les points contenus dans les propositions AKE Natonde et Nourenou ATCHADE qui vont au-delà de la demande de mise en conformité découlant de la décision DCC 2024-001 du 4 janvier 2024 relèvent d’une volonté unilatérale de rupture du Consensus. Ces points supplémentaires ne devraient en aucun cas être examinés dans le cadre de la présente mise en conformité du Code électoral à la Constitution.
Enfin, il revient aux membres de la représentation nationale d’agir conformément à l’article 35 de la Constitution qui dispose que :
“Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et respect du bien commun.”
Cette disposition constitutionnelle a été renforcée par le point 4 du 10ème considérant de la décision DCC 2024-1 du 4 janvier 2024 qui dit ceci et je cite :
“ Or, il incombe au législateur d’exercer pleinement sa compétence en adoptant des lois claires, intelligibles et accessibles afin de prémunir, conformément au préambule de la Constitution, les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou le risque d’injustice et d’arbitraire.”
La Cour en prenant sa décision nous appelle ainsi à notre sens de responsabilité en tant que représentants de la Nation élus pour agir dans l’intérêt supérieur de la Nation Béninoise tout entière pour la préservation de la paix sociale, de la stabilité et de la sécurité de nos concitoyens que j’espère nous représentons ici dignement.
Je demande en conséquence l’ajournement du débat jusqu’à ce que les préoccupations soulevées soient levées par le retour aux deux seuls points demandés par la Cour Constitutionnelle.
Tel est monsieur le président de l’assemblée nationale, le contenu de la question préjudicielle que je soumets à l’appréciation de l’auguste Assemblée nationale et dont la réponse, je l’espère, déterminera la suite de nos délibérations.
Je vous remercie.