L’élection présidentielle au Bénin devait avoir lieu le 28 février, mais le premier tour a été reporté au 6 mars, car la distribution des cartes d’électeurs a pris du retard. La campagne ayant débuté depuis le 19 février, ce sont en tout 33 candidats qui se présentent pour ce premier tour. Des économistes, des banquiers, des hommes d’affaires, deux généraux et beaucoup d’anciens ministres ou conseillers de l’actuel président Boni Yayi briguent la magistrature suprême. Ce vendredi est le dernier jour de la campagne électorale. Qui sont les 33 candidats ?
Saliou Youssao Aboudou
Ce cadre du ministère des Finances, qui a eu 46 ans le 26 février, a dû quitter son poste de directeur adjoint au Budget pour faire campagne. Ancien député, il est fier d’être le premier candidat originaire de Parakou, la grande ville au nord du Bénin, où il est très investi dans le milieu associatif.
Simon Pierre Adovelande
Annoncé en 2011, c’est en 2016 que Simon Pierre Adovelande, 56 ans, se présente en indépendant avec « son parti, le peuple béninois ». Formé en partie à l’université Harvard aux États-Unis, il a été coordonnateur du premier Millenium Challenge Account, le fonds d’aide au développement américain, de 2004 à 2009. Cette année-là, son arrestation après des accusations de malversation dans un groupe immobilier avait suscité l’émoi. Son frère, Christian, préside la Banque ouest-africaine de développement.
Lionel Zinsou
Nommé Premier ministre en juin 2015 à la surprise générale, le Franco-Béninois Lionel Zinsou, 62 ans, a été choisi par les Fcbe sous l’impulsion du président Boni Yayi comme candidat des Forces cauris pour un Bénin émergent. Candidature à laquelle se sont ralliés le Parti du renouveau démocratique (PRD), du président de l’Assemblée nationale Adrien Houngbédji, et la Renaissance du Bénin (RB) de Léahdy Soglo, maire de Cotonou. Ce proche de l’ancien Premier ministre français Laurent Fabius, dont il fut la plume, enseignant puis banquier d’affaires, est connu en France pour son afro-optimisme. Au Bénin, il divise : certains l’accusent d’être « le candidat de la France » quand d’autres pensent qu’il est le seul à pouvoir développer le Bénin. Une de ses filles, Marie-Cécile, dirige la Fondation Zinsou à Cotonou dédiée à l’art contemporain
Elisabeth Agbossaga
Pour Elisabeth Agbossaga, la présidente du parti Union pour la démocratie et le changement (UDC-Nounagnon), c’est une première. Entrée en politique il y a dix ans pour soutenir Boni Yayi, elle a été candidate aux législatives de 2011 sur une liste FCBE (l’Alliance des forces cauris pour un Bénin émergent) avant d’être élue conseillère communale en juin à Bohicon, sa ville natale, au centre du Bénin. Elle est importatrice d’intrants depuis 2011 et transitaire.
Gabriel Ajavon
Frère aîné de Sébastien Ajavon, Gabriel Ajavon, 54 ans, est lui aussi dans les affaires, depuis l’âge de 21 ans, et sans patron, comme il aime le préciser. Il dirige actuellement une société d’importation de spiritueux et de vins. Candidat indépendant, il estime que les politiciens ont failli et il veut que les choses changent.
Sébastien Ajavon
Sébastien Ajavon, 51 ans, a fait fortune dans les volailles et poissons congelés, en grande partie réexportés vers le Nigeria. Ce self-made man, qui reconnaît qu’il n’a pas fait d’études et qui a commencé dans la poissonnerie familiale, détient aujourd’hui une entreprise agroalimentaire, une société de transport ainsi qu’une chaîne de télévision et de radio. Il est aussi le président du Conseil national du patronat et sa fondation vient en aide aux démunis. Il s’est lancé en politique « pour être utile à sa nation ». Sa candidature, parfois moquée, a rallié des figures de la vie politique, comme le bouillant député de la mouvance présidentielle Rachidi Gbadamassi.
Fernand Amoussou
Un des deux généraux en lice, Fernand Amoussou, 60 ans, est le candidat de l’Alliance des forces de l’avenir. Chef d’état-major général des armées sous Mathieu Kérékou de 2000 à 2005, il a ensuite commandé l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire pendant cinq ans. Désormais retraité, il est consultant pour des organisations internationales. Il est aussi le petit frère de Bruno Amoussou, figure de la politique béninoise, président de l’Union fait la nation, coalition d’opposition qui ne présente pas de candidat.
Mohamed Atao Hinnouho
A 40 ans, il est le plus jeune candidat à cette présidentielle au nom du parti qu’il a créé : le RésoAtao. En 2011, il avait déjà été le plus jeune député. Cet homme d’affaires a bâti sa fortune en vendant des médicaments. Il est très populaire et influent, dans le quartier d’Akpakpa à Cotonou grâce à ses œuvres de charité, et auprès des jeunes issus des milieux défavorisés.
Issa Badarou-Soulé
Né un 24 décembre peu avant minuit, Issa Badarou Soulé, 62 ans, a fait une grande partie de sa carrière au Port autonome de Cotonou, le poumon économique du Bénin : directeur général dans les années 1990, il fut nommé au tout nouveau ministère de l’Économie maritime, des Transports maritimes et des Infrastructures portuaires en 2008 par Boni Yayi. Il est aussi le promoteur de Radio Wéké, très écoutée à Porto-Novo, la capitale, sa ville natale.
Nassirou Bako-Arifari
Lui aussi a été ministre de Boni Yayi, aux Affaires étrangères de 2011 à 2015. Il est actuellement député et président de la Commission des relations internationales au Parlement. À 53 ans, ce professeur d’université, plusieurs fois député, porte les couleurs de sa formation Amana, qui veut dire « la vérité ». Pour les Béninois, il est l’homme qui a mis en place la première liste électorale permanente informatisée, qui fut contestée par l’opposition, avant l’élection présidentielle de 2011, remportée dès le premier tour par Boni Yayi.
Abdoulaye Bio-Tchané
Parmi les « gros » candidats, ABT, comme on l’appelle, est le seul à avoir déjà participé à une présidentielle : le candidat de l’alliance Avenir pour un Bénin triomphant avait fini troisième en 2011. Il est aussi le seul natif du Nord. Cet économiste et banquier de 64 ans a travaillé à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, puis a été ministre de l’Economie sous Mathieu Kérékou, directeur Afrique du Fonds monétaire international et président de la Banque ouest-africaine de développement. Il a promis de rembourser tous les spoliés d’ICC Services, une structure de placements qui a ruiné des milliers de Béninois en 2010.
Karimou Chabi Sika
Député de l’alliance FCBE (Forces cauris pour un Bénin émergent), qu’il a contribué à mettre sur pied avec Marcel de Souza et Alexandre Hountondji, il fait, lui aussi, partie du groupe de frondeurs et se présente en indépendant. Cet ingénieur de 61 ans, enseignant à l’université d’Abomey-Calavi, a fait partie de la commission chargée de mettre en place la liste électorale permanente informatisée, puis de celle chargée de son actualisation. Il a récemment publié un livre à ce sujet.
Marcel de Souza
Le beau-frère de Boni Yayi, député FCBE, est en rupture de ban avec sa famille politique à cause du choix de Lionel Zinsou comme candidat de la majorité présidentielle. À 62 ans, il se présente sous l’étiquette du Front républicain du Bénin. Ministre du Développement de 2011 à 2015, Marcel de Souza a fait ses débuts en politique avec l’avènement du régime de Boni Yayi, après une carrière à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Homme de confiance du chef de l’État, il avait été son porte-parole pour sa réélection.
Daniel Edah
Ancien fonctionnaire de l’Organisation internationale de la Francophonie, Daniel Edah, 43 ans, préside le Mouvement pour la prospérité solidaire. Actif dans le milieu universitaire puis militant politique dans les années 1990, il a été élu conseiller communal en juin dernier. Son projet de société est intitulé : « Il fera beau. »
Azizou El-Hadj Issa
Sur son logo, un tracteur. Et pour cause : l’ancien député FCBE Azizou El-Hadj Issa, 57 ans, connaît bien le monde agricole. Éphémère ministre de l’Agriculture de Boni Yayi, ce colonel en retraite des Eaux et Forêts a dirigé l’administration du même nom de 2009 à 2011. Auparavant, il a été directeur du parc national du « W », un grand parc à cheval sur le Bénin, le Niger et le Burkina Faso. Il est candidat indépendant.
Kamarou Fassassi
Kamarou Fassassi, 67 ans, a déjà été candidat en 2006 avec son parti, le PRD-Nouvelle génération. Retiré de la scène politique, le dissident du PRD refait surface et se présente en indépendant avec comme logo son surnom : Kfas. Il a été deux fois ministre sous les deux mandats du président Kérékou, d’abord des Travaux publics et des Transports, puis en charge de l’Énergie.
Marie-Elise Gbedo
Surnommée « l’Amazone », la flamboyante Marie-Elise Gbedo se présente pour la quatrième fois, après les élections de 2001, 2006 et 2011. Elle a été la première femme candidate avec le slogan « hwenusu » qui signifie « l’heure a sonné » en fon. Elle utilise toujours ce slogan aujourd’hui. Cette avocate, militante de la cause féminine, a été ministre du Commerce sous Mathieu Kérékou, et de la Justice sous Boni Yayi. Elle avait alors fait voter une loi contre les violences faites aux femmes. Son discours féministe a encore du mal à passer dans une société patriarcale.
Robert Gbian
Le général Robert Gbian, 64 ans, surnommé « GGR », est le leader du mouvement aux mêmes initiales, Générations pour une gouvernance républicaine. Il a fait connaître ses intentions depuis deux ans. L’ancien directeur de cabinet militaire du président Boni Yayi, dont il est le cousin maternel, s’est lancé en politique à sa retraite en 2012. Elu député aux législatives d’avril 2015, il est actuellement le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale.
Zacharie Cyriaque Goudali
Zacharie Cyriaque Goudali, 54 ans, est le candidat du Mouvement du 6-Mai, mis en place l’an dernier par d’anciens étudiants opposés au régime révolutionnaire de Mathieu Kérékou. Ce juriste, opérateur économique, a dirigé pendant onze ans la principale association des commissionnaires et transporteurs actifs au port de Cotonou.
Omer Rustique Guezo
Omer Rustique Guezo a été le responsable du service de sûreté de l’Unesco à Paris. Aujourd’hui, il est le président de l’Association internationale du personnel de l’Unesco et vice-président de la Fédération des fonctionnaires internationaux des Nations unies. Après vingt-cinq années en France, il est rentré pour la présidentielle dont il est, à 43 ans, un des plus jeunes candidats.
Gatien Houngbédji
Gatien Houngbédji, 66 ans, est un vieux routier dans la course à la Marina puisqu’il se présente pour la quatrième fois. Cet ancien ministre du Commerce de Mathieu Kérékou, aujourd’hui Haut Commissaire à la Solidarité nationale, dirige l’alliance Union démocratique du développement économique et social (UDES). Il est le jeune frère d’Adrien Houngbédji, président du Parti du renouveau démocratique et actuel président de l’Assemblée nationale.
Jean-Alexandre Hountondji
Jean-Alexandre Hountondji, 61 ans, est lui aussi un dissident FCBE, alliance qu’il a pourtant contribué à créer pour soutenir Boni Yayi après son accession au pouvoir en 2006. Spécialiste de médecine interne et de santé publique, il a été ministre en charge des Relations avec les institutions puis conseiller politique du chef de l’État. Il a contesté la candidature de Lionel Zinsou et représente son parti, La nouvelle marche.
Soumanou Issoufou Moudjaïdou
Ancien ministre du Commerce dans le premier gouvernement de Boni Yayi, Soumanou Issoufou Moudjaïdou, 56 ans, a connu des « difficultés », comme il l’écrit pudiquement sur son site internet. Accusé de complicité dans l’affaire de tentative présumée d’empoisonnement du chef de l’État, qui éclata fin 2012, il a passé vingt mois en prison. Ancien directeur de la Société de développement du coton (le candidat Patrice Talon a été son patron), il prône lui aussi la rupture.
Issifou Kogui N’douro
Encore un proche du président dans la course : Issifou Kogui N’douro, 67 ans, est son cousin. Pour son rôle dans l’élection de Boni Yayi en 2006, ce géographe a été nommé ministre d’État en charge de la Défense. Poste qu’il a perdu en 2012, affecté à un ministère nouvellement créé, celui des Affaires présidentielles, avant de faire les frais d’un remaniement ministériel. Les éditorialistes y ont vu le signe d’une rupture entre les deux hommes. Issifou Kogui N’dourose lance en indépendant.
Bertin Koovi
Ce consultant en communication politique gère l’image du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Il a d’ailleurs œuvré pour le rapprochement entre Malabo et Cotonou. À 45 ans, ce psychologue de formation est le candidat de son parti, l’Alliance Iroko. Sûr de lui, il dit avoir un destin de président.
Pascal Irénée Koupaki
Pascal Irénée Koupaki, surnommé « PIK », c’est la transformation d’un technocrate en homme politique. Cadre de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest et du Fonds monétaire international, il s’est fait connaître des Béninois en 2006 en devenant ministre des Finances, puis du Développement et enfin Premier ministre. Après sept ans au gouvernement, il démissionne pour divergences avec le chef de l’État. À 64 ans, il est le candidat du Rassemblement nouvelle conscience, un mouvement pour changer fondamentalement la société par la vertu et le travail. Si les Béninois apprécient sa droiture, ils n’oublient pas son silence sur l’affaire ICC-Services, du nom d’une structure de placements qui a ruiné des milliers d’épargnants en 2010.
Christian Lagnide
Cet ancien footballeur professionnel au FC Metz en France est le père de LC2, la première chaîne privée en Afrique francophone. Toujours présent dans le ballon rond, il détient jusqu’à cette année les droits de diffusion des matches de la CAF. Protégé de l’ancien président Mathieu Kérékou, il avait été son ministre de la Jeunesse et des Sports, puis son conseiller spécial. À 53 ans, il est candidat pour la deuxième fois.
Aké Natondé
Réélu député FCBE en avril, Aké Natondé a été deux fois ministre sous Boni Yayi (Enseignement secondaire et technique, puis Travaux publics et Transports). À 46 ans, le candidat de la coalition Le chemin du Bénin se démarque de son camp en faisant cavalier seul. Il est connu au Bénin pour avoir participé à la création de la Haute Ecole de commerce et de management (HECM).
Zul-Kifl Salami
Docteur en économie, Zul-Kifl Salami, qui approche des 70 ans, est administrateur de la Banque islamique de développement. Fort de son réseau dans les pays du Golfe, il joue l’intermédiaire entre l’Afrique et les monarchies pétrolières. Mathieu Kérékou le fera ministre d’Etat chargé de la Planification et du Développement, un an avant la fin de son mandat. Le président centrafricain François Bozizé lui donnera aussi un portefeuille de ministre d’Etat. Candidat du Parti national du congrès, il se présente pour la troisième fois.
Issa Salifou
Déjà candidat il y a cinq ans, Issa Salifou, 53 ans, est candidat de l’Union pour la relève, son parti. Celui qu’on appelle « Saley » est à la tête du groupe de presse Fraternité dont fait partie la chaîne de télévision privée Canal 3, très critique envers le pouvoir en place. Député depuis 2003, il s’était rallié au camp présidentiel avant de rejoindre l’opposition pour militer contre la révision de la Constitution.
Richard Senou
Richard Senou, 65 ans, a été ministre des Travaux publics et des Transports de Boni Yayi pendant sept mois en 2006-2007. Devenu critique à l’égard du gouvernement, il avait même défilé aux côtés de l’opposition fin 2014 pour demander la tenue des élections législatives à bonne date. Cet ancien fonctionnaire de la Banque mondiale a déjà été candidat en 2006. Il se présente sous l’étiquette La différence.
Patrice Talon
Après trois ans d’exil en France, l’homme d’affaires Patrice Talon est rentré en octobre dernier. Il avait été accusé d’être le commanditaire d’une tentative présumée d’empoisonnement du président Boni Yayi, avec lequel il s’était brouillé après avoir financé ses campagnes de 2006 et 2011. Les poursuites ont été abandonnées. Cette proximité avec le pouvoir lui avait permis de monopoliser le marché du coton et d’investir dans le port, poumon économique du Bénin. À 58 ans, Patrice Talon, qui a toujours été dans les coulisses de la politique, devient un acteur de cette élection, avec son programme « Un nouveau départ » et prône la rupture. Ses détracteurs le soupçonnent de vouloir se venger.
Kessile Sare Tchala
Ministre de la Santé pendant quelques mois de 2007 à 2008, le docteur Tchala avait l’ambition d’améliorer le système de soins mais il a vite déchanté. Pourtant le praticien, qui a fait carrière dans les hôpitaux de Paris, a un CV de référence : spécialiste de la greffe rénale, il soigne de nombreuses personnalités sur le continent. Déjà candidat en 2011, il tente une nouvelle fois sa chance, à 62 ans, avec son parti Le Bénin vivra mieux.