Vladimir Poutine a bénéficié d’un accueil en grande pompe, en Mongolie lors d’une visite de 24 heures, malgré les appels internationaux pressant les autorités mongoles de l’arrêter. Le président russe, visé par un mandat d’arrêt de la CPI depuis mars 2023, est pourtant revenu sans encombre en Russie mardi soir.
Une visite express sans être inquiété. Le président russe Vladimir Poutine a été accueilli sur un tapis rouge en Mongolie, lundi 2 septembre, lors de sa première visite dans un pays membre de la Cour pénale internationale (CPI) depuis que celle-ci a émis un mandat d’arrêt à son encontre.
Son déplacement est apparu comme un geste de défiance envers la CPI, alors que l’Ukraine en guerre, ainsi que de nombreux pays occidentaux et des organisations de défense des droits humains réclament son arrestation. Malgré ces appels, le président russe a été accueilli lundi par la garde d’honneur. Il a ensuite été reçu mardi par son homologue Ukhnaa Khurelsukh lors d’une cérémonie fastueuse sur la vaste place Gengis Khan.
En se rendant en Mongolie, Vladimir Poutine lance un défi à l’ensemble de la communauté internationale », analyse sur France 24 Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris et à la CPI, qui qualifie cette visite de « pied de nez » et de « bras d’honneur » à la CPI.
D’ailleurs la semaine dernière, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, disait n’avoir « pas d’inquiétude » à ce sujet. « Bien entendu, tous les aspects de la visite ont été soigneusement préparés », avait-il ajouté, vantant l' »excellent dialogue avec nos amis mongols ».
Depuis mars 2023, le président russe est visé par un mandat d’arrêt de la CPI pour des suspicions de déportation illégale d’enfants ukrainiens vers la Russie. Compte tenu du risque d’arrestation, le dirigeant avait préféré ne pas participer aux réunions des Brics en Afrique du Sud en août 2023 et du G20 en Inde la même année.
Remontrance verbale
La semaine dernière, en amont de cette visite, la Cour pénale internationale, dont le siège est à La Haye aux Pays-Bas, avait rappelé « l’obligation » de ses membres d’appréhender les individus faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, selon l’article 59 du Statut de Rome, signé en 1998. La Mongolie, qui fait partie des 124 États membres, était donc tenue de l’arrêter.
Mais dans la pratique, la CPI ne peut pas forcer ses signataires. « La CPI ne dispose d’aucune force de police pour faire exécuter ses mandats d’arrêt », rappelle Reed Brody, procureur spécialisé dans les crimes de guerre. « Elle dépend entièrement de la coopération des États membres, qui peuvent s’y opposer. Et je pense que Vladimir Poutine cherche à tester cette résistance. »
En revanche, lorsqu’un pays membre ne remplit pas ses obligations vis-à-vis de la CPI, cette dernière peut saisir l’Assemblée des États parties qui se réunit une fois par an mais dont les éventuelles sanctions se limitent essentiellement à une remontrance verbale.
Selon Emmanuel Daoud, la Mongolie ne devrait pas faire l’objet de sanctions. « Ce sera davantage une démarche pédagogique, car la justice pénale internationale, notamment au niveau de la CPI, reste assez jeune et cherche à asseoir sa crédibilité. Il s’agit donc d’une question de crédibilité et de respect des engagements internationaux. »
« Aucune condamnation définitive »
Dans le passé, d’autres individus faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour se sont rendus dans des pays signataires du Statut de Rome sans être inquiétés. C’est le cas de l’ex-dictateur soudanais Omar el-Béchir, visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par la CPI en 2009 et 2010 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour.
« Jusqu’à présent, aucun État n’a jamais remis un représentant d’un autre État à la CPI […] et aucune condamnation définitive pour des crimes graves n’a jamais été prononcée contre un représentant de l’État par cette cour », note Reed Brody. « Il s’agit d’une véritable faiblesse de la CPI. »
De son côté, la Mongolie a signé le Statut de Rome en 2000, avant de le ratifier en 2002. Coincé entre la Russie et la Chine, ce vaste pays de 3,5 millions d’habitants ne peut se permettre de se brouiller avec Moscou, qui lui fournit « 20 % de son électricité » et « 85 % de son pétrole », selon notre correspondante Yena Lee qui mentionne une « question de dépendance » . L’ancien État-satellite de l’Union soviétique semble prêt à encaisser les critiques de la communauté internationale.
Le pays, qui n’a pas condamné l’invasion russe en Ukraine et s’est abstenu lors des votes sur ce conflit aux Nations unies, « est forcé d’être complice de l’impunité de Vladimir Poutine », juge Reed Brody qui estime toutefois que « la Mongolie n’est pas satisfaite de cette situation ».
Après la fin de sa visite mardi, l’Union européenne a dit « regretter » que la Mongolie « n’ait pas respecté ses obligations en exécutant le mandat d’arrêt » lancé par la Cour à l’encontre du président russe, a précisé un porte-parole de l’UE dans un communiqué.