Une rencontre d’action conjointe s’ouvre à Cotonou ce jour

Economie & Tech

Le Bénin accueille du 7 au 9 juin 2018 à Golden Tulip Hotel de Cotonou un colloque international sur l’agriculture biologique. Durant trois jours, les ministres en charge de l’agriculture et ceux de la recherche scientifique des pays membres du programme WAVE vont sensibiliser gouvernants et leaders africains sur l’urgence de la mise en place d’une stratégie régionale. Une déclaration dite ‘’Déclaration de Cotonou’’ va sanctionner cette rencontre, informe-t-on.

Le choix de Cotonou pour accueillir cette rencontre de haut niveau est clair. Selon le Professeur Corneille Ahanhanzo, (coordonateur du Projet Wave au Bénin) qui intervenait ce mercredi dans le journal TV de 20 heures de la télévision nationale, le manioc est un tubercule phare qui occupe une place de choix dans le programme d’action du gouvernement Talon. Source de revenu au-delà de sa contribution alimentaire, le manioc fait face à la menace de certaines maladies virales sur la sécurité alimentaire en Afrique.

Selon les informations du Professeur Ahanhanzo, le manioc est consommé par plus de 500 millions de personnes sur le continent. Face aux menaces auxquelles ce pécule est exposé, à savoir le virus Ebola du manioc qui dévaste beaucoup de plantations de manioc en Afrique de l’Est, il faudra être pro actif en Afrique de l’ouest, donc ne pas croiser les bras.

La rencontre de Cotonou permettra de focaliser l’attention des gouvernants, des têtes couronnées, des acteurs de la société civile sur les menaces potentiels de ces pathologies.
En effet, si rien n’est fait, l’Afrique de l’Ouest risque de perdre tout ce qu’il y a de variété de manioc, prévient le Professeur Corneille Ahanhanzo.
La rencontre de Cotonou a donc pour objectif général de sensibiliser les gouvernants et leaders africains sur l’urgence de la mise en place d’une stratégie régionale pour répondre à la menace des maladies virales du manioc sur la sécurité alimentaire.
Les participants à cette rencontre auront à présenter au cours des assises l’état des lieux des maladies virales du manioc aux gouvernants et leaders des pays impliqués. Ce sera aussi l’occasion de sensibiliser les acteurs de la filière manioc, les responsables institutionnels et les leaders traditionnels sur les enjeux socio-économiques des maladies virales, explique le Professeur Corneille Padonou, coordonateur du Projet Wave au Bénin

Sont attendus à la rencontre de Cotonou, les Ministres en charge de l’Agriculture des pays membres du programme WAVE ; les Ministres en charge de la Recherche Scientifique des pays membres du programme WAVE; les Rois et chefs traditionnels des pays membres du programme WAVE; les représentants de Bill & Melinda Gates Foundation et du Department For International Development du Royaume uni ; les responsables pays du programme WAVE ; les responsables des institutions abritant le programme WAVE ; les experts techniques de chaque pays abritant le programme WAVE ; les représentants des institutions partenaires de WAVE ; les représentants des organisations internationales et régionales (BID, BAD, CEDEAO, UEMOA, CORAF, IITA)

Les participants proviennent d’une dizaine de pays d’Afrique : Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Gabon, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigéria, la RD Congo, la Sierra Léone et le Bénin, pays hôte.
La rencontre de Cotonou dira le professeur Fidèle Tiéndé Ouédraogo, coordonnateur du projet Wave au Burkina-Faso entre dans le cadre de la prévention de l’attaque des tubercules (le manioc) par le virus dit Ebola du Manioc. Selon ses explications, les assises de Cotonou permettront dans un premier temps de mettre l’accent sur cette maladie et faire en sorte que les gouvernants puissent prendre la mesure de l’attaque.

Au terme du sommet, les participants lanceront un appel dit de Cotonou pour empêcher cette nouvelle maladie virale qui sévit en Afrique centrale et australe d’atteindre l’Afrique de l’Ouest. Le projet Wave vise aussi à éviter les erreurs du passé comme celles liées au Virus Ebola qui n’a pas été vite prise en compte. Le virus, une fois qu’il attaque le manioc le détruit totalement en le pourrissant. C’est pourquoi le programme veut prévenir la catastrophe en équipant les laboratoires, soutenir les techniciens et informer les populations.
Même s’il y a des solutions, la surveillance doit être de mise dira le coordonnateur burkinabè. Le projet est mise en place depuis 2015, afin de façon synergique faire des actions concrètes pour soutenir la production de manioc et éviter la perte de nos productions. Il faut noter que le directeur exécutif du projet est le béninois, le professeur Justin Pinta.

Pour votre gouverne, mieux connaitre le projet wave

Le manioc, troisième plus grande source de glucides pour l’alimentation humaine est devenu une culture de subsistance et de rente pour les producteurs. Cette culture rustique et résiliente s’est imposée comme une culture stratégique pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté. Il constitue un aliment de base pour près de 800 millions de personnes dans le monde, dont près de 500 millions d’Africains.

Les produits dérivés multiples du manioc (gari, tapioca, pâte fermentée, attiéké, farine, amidon, chips, etc.) font l’objet de consommation et de commerce sous régional. L’Afrique est le plus grand producteur mondial de manioc (57%) avec malheureusement le plus faible rendement moyen (10t/Ha) comparé à l’Asie qui affiche un rendement de 21,34t/Ha en 2016. Cependant, l’Afrique dispose de variétés hautement productives dont le potentiel peut dépasser 40 tonnes/Ha. Selon des estimations, d’ici 2050, en raison de l’augmentation de la population et de l’urbanisation grandissante, ce rendement devrait être supérieur à 25 t/Ha pour couvrir les besoins alimentaires et industriels liés au manioc. Cependant, si la situation reste en l’état, le rendement ne pourrait atteindre que 15 t/Ha.

Malgré les atouts que présente le manioc, sa culture est sujette à plusieurs contraintes qui affectent la productivité. En dehors des maladies mineures que représentent les mycoses (cercosporiose, anthracnose, pourridiés), les bactérioses (feu bactérien, bactériose vasculaire, pourriture molle), les maladies virales demeurent les plus dommageables. De ces maladies, la mosaïque africaine du manioc et la striure brune du manioc tiennent une place très importante mais peu soupçonnée par plusieurs acteurs de la filière manioc.

De par sa distribution géographique, la maladie de la mosaïque africaine du manioc (Cassava Mosaic Disease, CMD) causée par les Gémini virus, constitue, la première contrainte de production. Elle peut entrainer 40% à 70% de perte de rendement pouvant se traduire par une perte économique annuelle de 2 à 3 milliards de dollars (USD) pour l’Afrique sub-saharienne. De plus, l’apparition récente de la maladie de la striure brune du manioc, (Cassava Brown Streak Disease, CBSD), en Afrique Centrale vient s’ajouter au péril sur les productions avec des pertes de rendement pouvant atteindre 90% voire 100%. Ces deux maladies virales sont transmises par les insectes vecteurs que sont les mouches blanches (Bemisia tabaci) et disséminées par l’homme à travers l’utilisation de boutures de manioc infectées pour établir de nouveaux champs.

Prenant conscience de la gravité de la situation, des scientifiques africains ont conçu le programme Ouest africain d’épidémiologie virale ou West African Virus Epidemiology(WAVE) pour la sécurité alimentaire. Lancé en mars 2015, il est financé par Bill &Melinda Gates Foundation et le Department for International Development du Royaume uni.
Le programme WAVE mène ses activités en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria et en Afrique du Centre (République Démocratique du Congo) et collabore avec des partenaires techniques aux Etats-Unis d’Amérique et au Royaume Uni.
Le programme WAVE a pour objectif global d’augmenter de façon durable la productivité des plantes à racines et tubercules (PRT)en Afrique de l’Ouest et du Centre, à travers le développement de méthodes de lutte efficaces contre les maladies virales. Étant donné que toutes les maladies qui affectent le manioc ont un impact immédiat sur l’approvisionnement alimentaire des populations, la priorité de WAVE est accordée à la lutte contre la mosaïque du manioc et la prévention contre la striure brune du manioc. Cette dernière, la plus dévastatrice, qui sévit actuellement en Afrique de l’Est et du Centre, s’oriente inéluctablement vers l’Afrique de l’Ouest.

En tenant compte de la pluralité des insuffisances constatées dans la lutte et la prévention contre les maladies virales du manioc, le programme WAVE a pris un certain nombre d’initiatives depuis 2015.Afin de faciliter la sensibilisation des populations par rapport aux menaces que constituent les maladies virales du manioc sur la sécurité alimentaire et dans le but de les prévenir, les gouvernants et les leaders traditionnels africains sont sollicités pour leur adhésion à la cause.

• État des lieux de la lutte contre les maladies virales du manioc au début du programme WAVE

La lutte contre les maladies virales affectant le manioc était trèslimitée en raison des facteurs suivants:

– insuffisance de financement pour construire et équiperdes laboratoires adaptés et pour acquérirdes consommables ;
– insuffisance de personnels qualifiés pour le diagnostic des maladies virales des plantes ;
– manque d’outils de diagnostic standardisés et de protocoles harmonisés;
– insuffisance de connaissances sur les virus existants, leurs vecteurs et leurs hôtes alternatifs;
– absence de matériel végétal de plantation de qualité;
– faibles systèmes de certification de la qualité des semences;
– manque d’interaction et de coordination entre les principaux acteurs de la recherche dans les pays et entre pays de la sous-région;
– manque de sensibilisation des décideurs politiques et des agriculteurs sur les dégâts causés par ces maladies.

Les acquis du programme WAVE

La phase-1 du programme WAVE qui s’achève en 2018, a connu un succès significatif dans plusieurs domaines :

– les fonds nécessaires pour l’implémentation de la phase-1 de WAVE ont étémobilisés par un collège de chercheurs Ouest Africains ;
– des laboratoires ont été construits (ou réhabilités), équipés et sontfonctionnels dans les dix institutions des 7 pays abritant le programme WAVE ;
– un réseau fonctionnel de virologuesdes pays membres de WAVEa étéétabli ;
– des outils et des protocoles de diagnostic harmoniséspour une surveillance régionale efficacedes maladies virales du manioc sont utilisésdans tous les pays membres du programme WAVE ;
– la formation de personnels qualifiés est effective : Vingt-cinq mémoires de master ont été soutenus et 25 étudiants en thèse conduisent leurs travaux de recherches dans les laboratoires de WAVE ;
– une cartographie détaillée de la distribution des maladies virales du maniocest disponiblepourtous les pays membres du programme WAVE ;
– les virus responsables des maladies virales du manioc ont été identifiés et caractérisés dans tous ces pays ;
– l’absence de la maladie de la striure brune du manioc en Afrique de l’Ouest est confirmée par le Programme WAVE ;
– des mesures proactives ont été initiées pour l’identification de variétés Ouest Africaines de manioc résistantes à la CBSD ;
– les capacités des acteurs de la filière manioc en termes de gestion des maladies ont été renforcéesdans tous les pays membres ;
– une réduction de la prévalence de la maladie de la mosaïque Africaine du manioc a été observéedans tous les pays où le Programme WAVE est exécuté ;

Compte tenu des performances satisfaisantes réalisées parWAVE,

1) BMGF aimerait accompagner les gouvernements du Bénin et de la Côte d’Ivoire dans la mise en place d’un programme pilote appelé PAVE, Panafrican Virus Epidemiology.

2) Une deuxième phase de WAVE pourrait s’étendre à cinq autres pays : Cameroun, Gabon, Liberia, Sierra Leone et Guinée Conakry.


• Les perspectives résultant des activités du programme WAVE

Les perspectives suivantes pourraient être envisagées dans le cadre d’une deuxième phase du programme WAVE:

– accroître la visibilité du programme WAVE dans la lutte contre les maladies virales affectant le manioc ;
– poursuivre le renforcement des capacités des acteurs de la filière manioc dans la gestion des maladies virales affectant le manioc ;
– mettre en place un système de veille par une surveillance participative innovante utilisant les dernières technologies ;
– développer des stratégies régionales d’alerte et d’intervention rapide contre laCBSD ;
– approfondir la connaissance sur les maladies virales du manioc ;
– poursuivre le renforcement des capacités humaines en tenant compte de l’aspect genre ;
– bâtir une stratégie efficace de communication sur les maladies virales du manioc ;
– développer une synergie entre sélectionneurs, entomologistes et virologues pour une lutte efficace contre les maladies virales du manioc ;
fournir aux petits producteurs le matériel sain de plantation

Source : MAEP