L’extrême droite à nouveau au second tour de la présidentielle ce matin en France avec 27,6% pour Emmanuel Macron, 23,4% pour Marine Le Pen, selon des résultats quasi complets. Le président sortant et la candidate du Rassemblement national se retrouveront le 24 avril. Le face-à-face est identique, mais le résultat le sera-t-il, lui aussi ? En 2017, Emmanuel Macron l’avait emporté largement avec 66% des voix contre 33%. Les sondages sont, cette fois-ci, plus incertains : 54% au mieux pour le président sortant, selon notre partenaire Ipsos.
C’était le duel annoncé et c’est bien le duel qui aura lieu : Marine Le Pen contre Emmanuel Macron, comme en 2017. L’affiche reste donc la même, mais les protagonistes ont beaucoup changé et n’abordent pas la campagne du second tour de la même manière.
Repartir sur le terrain
Emmanuel Macron repart sur le terrain dès ce matin dans le bassin minier, dans les Hauts-de-France où son adversaire le devance, lui qui, en 2017, avait pris son temps avant de redémarrer. Objectif : enchaîner les déplacements et passer à la vitesse supérieure après une entrée en campagne en demi-teinte. Les leçons de la précédente présidentielle ont été tirées.
Du côté de Marine Le Pen aussi, la candidate a déjà planifié deux meetings, mais surtout de faire une pause pour préparer le débat de l’entre-deux-tours et ne pas rééditer une piètre performance comme celle de 2017 qui l’avait disqualifiée. Et chacun des deux candidats va aller à la pêche aux voix des perdants du premier tour.
Un second tour qui n’est pas joué d’avance
Certains candidats ont tout de suite donné le ton : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Valérie Pécresse et même Fabien Roussel ont appelé à voter Macron, quand Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan se sont prononcés en faveur de Marine Le Pen. Le troisième homme de cette élection, Jean-Luc Mélenchon, a profité du vote utile d’électeurs qui ont acté le fait que l’écologiste Yannick Jadot, comme la socialiste Anne Hidalgo, n’étaient pas dans le match. L’issue du scrutin le 24 avril dépendra en grande partie du choix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui a dit : « Pas une voix pour Marine Le Pen », mais sans appeler à voter Macron. Que vont faire les quelque 20% d’électeurs qui avaient choisi l’Insoumis : ce sera l’une des clefs d’un second tour qui n’est pas joué d’avance.
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Analyse. Avec trois candidats au-dessus des 20% : Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, trois pôles bien distincts se créent. Pour Erwan Lestrohan, directeur d’études à l’Institut de sondages Odoxa, « c’est vraiment très impressionnant. C’est vraiment une élection qui confirme la recomposition politique qu’on avait observée en 2017. Aujourd’hui, Valérie Pécresse ne capte le vote que d’un tiers des électeurs de François Fillon en 2017 et moins de la moitié du vote des sympathisants Les Républicains. Idem pour Anne Hidalgo qui capte à peine la moitié du vote des sympathisants PS. On est à des niveaux très bas. Et je pense que ces partis paient aussi la difficulté, étant donné qu’ils sont anciens, à rendre visible leur offre électorale. Finalement, des partis récents comme La France insoumise, La République en marche, ou même Europe Écologie-Les Verts ont une offre politique qui est mieux identifiée et mieux perçue par les électeurs, puisqu’on voit pour Les Républicains que, avec le score de Valérie Pécresse aujourd’hui, c’est que vraiment son électorat semble avoir été absorbé par Emmanuel Macron qui réalise des scores très élevés auprès des Français les plus âgés, auprès des Français les plus aisés, auprès des cadres qui étaient des moteurs électoraux aussi des Républicains ».
L’effondrement des partis traditionnel
« On a vraiment, poursuit Erwan Lestrohan, la France, qui est à l’abri de la crise, qui a voté pour Emmanuel Macron avec des très hauts niveaux, un vote chez les 65 ans et plus, chez les habitants des métropoles, dans les foyers les plus aisés, chez les retraités, chez les cadres. Ça, c’est vraiment cette France à l’abri de la crise qui a voté pour Emmanuel Macron. Puis une France fragile a voté pour Marine Le Pen, c’est la France des 25-64 ans, des actifs, des communes rurales, des petites villes, des foyers les plus modestes, des employés, des ouvriers, des demandeurs d’emploi. Donc, une population peut-être plus susceptible d’être fragilisée par le contexte de crise économique. Et une troisième France qu’on a retrouvée dans ces gros pôles électoraux observés lors de ce premier tour, qui vote pour Jean-Luc Mélenchon, c’est la France de gauche : 36% des 18-25 ans ont voté pour lui. C’est une France qui est jeune, c’est une France qui comporte les salariés du public. Ils sont 26,4 à avoir voté pour le leader insoumis. Et on voit que la gauche, dans son ensemble, s’est reportée sur Jean-Luc Mélenchon, ce qui était assez inattendu. Et 36% du Parti socialiste ont, par exemple, voté pour Jean-Luc Mélenchon, tout comme 25% des sympathisants d’Europe écologie-Les Verts. Donc, on voit qu’il y a eu un vote utile et une mobilisation de la gauche derrière le candidat de la France insoumise. »
Face au RN, y aura-t-il un front républicain ?
« Le front républicain, c’est très intéressant, parce qu’on peut se demander si 2022 est l’élection présidentielle qui fera vaciller ce principe électoral, surtout à gauche, signale le directeur d’études à l’Institut de sondages Odoxa. On a demandé aux Français aujourd’hui si le second tour de l’élection présidentielle opposait Emmanuel Macron à Marine Le Pen, quelle serait votre attitude ? Et on a 4 Français sur 10 qui disent : « J’irai voter pour l’un de ces candidats, parce que je souhaite le soutenir », mais on a 21% des Français qui nous disent qu’ils iront voter pour faire barrage à Marine Le Pen. C’est quasiment la même proportion que ceux qui iront voter pour faire barrage à Emmanuel Macron, 18%. Donc, on voit qu’il n’y a pas de surcroît de vote pour faire barrage à Marine Le Pen par rapport au barrage Emmanuel Macron. C’est vrai qu’il y a une volonté de faire barrage à Emmanuel Macron qui est également très importante dans la population. Et c’est tout l’enjeu que va avoir l’entre-deux-tours, c’est vraiment de voir dans quelle mesure la mobilisation, soit contre l’un, soit contre l’autre, soit pour l’un, soit pour l’autre, va conduire les candidats à utiliser leur réserve de voix alors qu’aujourd’hui, ils apparaissent à des niveaux assez proches le soir du premier tour », conclut Erwan Lestrohan.
RFI