A Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine, le sommet extraordinaire des chefs d’Etat s’est ouvert ce samedi 12 octobre. Au cœur des discussions, la relation des pays africains à la CPI, et l’éventuel retrait de certains pays – qui semble s’éloigner. La nuit dernière, le chef de la diplomatie éthiopienne a annoncé que l’UA allait demander à l’ONU l’ajournement des procédures de la Cour pénale internationale contre les présidents et vice-président kényans et contre le président soudanais. Les chefs d’État doivent encore en débattre ce samedi.
Un retrait pur et simple du traité de Rome, fondateur de la CPI, ne semble pas à l’ordre du jour. Selon une copie d’un rapport d’étape de la commission de l’Union africaine que RFI a pu se procurer, les chefs d’États de l’Union africaine pourraient en revanche saisir le Conseil de sécurité des Nations unies pour demander le gel des travaux de la CPI pendant au moins douze mois.
Mais comment justifier une telle demande ? L’Union africaine considère que les actes d’accusation posés à l’encontre du président kényan Uhuru Kenyatta et du vice-président, William Ruto, peuvent constituer une menace contre « les efforts en cours visant à promouvoir la paix, la réconciliation nationale, et donc la stabilité, non seulement au Kenya mais également dans la sous-région ».
Ce ne serait pas la première fois que l’Union africaine formule une telle demande, prévue d’ailleurs par l’article 16 du traité de Rome. Mais jusqu’à présent, aucune démarche de ce type n’a abouti.
« C’est pour les victimes que je me bats »
Un gel des travaux de la CPI pourrait laisser le temps au Kenya de se doter d’une justice conforme aux standards internationaux et donc de demander à juger William Ruto et Uhuru Kenyatta dans leur pays. La cour de La Haye n’est en effet compétente qu’en dernier recours.
De passage cette semaine à Abidjan, l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan a pris la défense de la CPI lors d’une conférence de presse. Le Ghanéen défend les efforts de la justice internationale pour mettre fin à l’impunité en Afrique. « Tous ces efforts, c’est pour protéger des victimes, les « sans voix », les petits », considère-t-il.
Selon Kofi Annan, « on entend beaucoup parler, mais c’est pour protéger des leaders. Je n’ai pas entendu de leader parler de protection, de justice pour des milliers et des milliers d’Africains qui ont perdu la vie ou qui ont été blessés, qui ont été obligés de fuir leur foyer. C’est pour eux que je me bats. C’est pour eux qu’il faut la justice. »
? En attendant, le procès de William Ruto continue
Pendant ce temps, le procès du vice-président kényan, entamé il y a un mois à La Haye, se poursuit. Plus de 600 victimes des événements correspondant aux accusations qui pèsent contre William Ruto et Joshua Arap Sang sont sur la liste des participants. Non pas comme témoins, mais en tant qu’observateur de ce procès. Et des milliers de demandes sont encore en cours d’examen.
« Certains veulent participer pour obtenir des compensations à la fin du procès, explique Wilfred Nderitu, le représentant des victimes. D’autres souhaitent être informés et comprendre ce qui s’est exactement passé en 2007. Enfin, il y en a qui voit cela comme une manière de soigner un traumatisme ».
Wilfred Nderitu, avocat depuis 24 ans, spécialisé dans les questions des droits de l’homme, a accepté cette position il y a près d’un an. Mais l’extrême politisation de ces procès ne lui rend pas la tâche facile tous les jours : « À un moment, ma ligne téléphonique était sur écoute. J’ai parfois des coups de fil provenant de numéros étranges. Je dis « allo ? » et mon interlocuteur ne dit rien, mais ne coupe pas non plus la ligne. Juste le silence ».
Lorsqu’il va à La Haye, son activité principale consiste ensuite à se rendre dans la vallée du Rift pour informer les victimes de la procédure en cours. Il en sélectionnera par la suite un petit nombre, qui livreront leur expérience devant la cour de La Haye, une fois que tous les témoins de l’accusation auront été interrogés.