L’opposante béninoise et ancienne garde des Sceaux, Reckya Madougou, du parti Les Démocrates, a écopé d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle et de 50 millions de francs CFA d’amende. Trois autres prévenus sont aussi condamnés à la même peine. Il y a eu un acquittement. Me Antoine Vey, avocat de Reckya Madougou parle si son conseil va –t-il interjeter appel du verdict final. L’information est publiée sur la page facebook de l’opposante et ancien ministre de la justice.
Me Antoine Vey sur le procès de Reckya Madougou
» Ce que j’ai vu au Bénin : arrivé devant la juridiction « spéciale », il était absolument manifeste qu’il est impossible d’exercer des voies de recours internes, puisque l’appareil judiciaire est totalement noyauté par le pouvoir. Il n’y a aucun formalisme, aucune procédure.
Les avocats n’ont pas chacun une copie du dossier. Certains accusés n’ont pas d’avocats. Le Procureur « Spécial » est à la table des « juges ». A l’ouverture, le Président écarte la demande de faire entendre des témoins. Il n’y a pas de droits effectifs de la Défense
Le dépôt de conclusions aux fins de nullité n’est prétendument pas prévu. Agacé par le principe même d’une prise de parole contradictoire, le Président somme de parler « 5 minutes » (là où les accusés encourent 20 ans…).
Devant cette pièce de théâtre grotesque, il n’y a aucun intérêt à cautionner cette audience, surtout pour un défenseur extérieur à ce système. La défense ne fera que dire et redire par la suite ce que tout le monde sait déjà : il n’y a pas de dossier, pas de Droit (s). A la suite des déclarations publiques justifiant mon départ de l’audience. Je quitte la juridiction. Et la, partout, dans la rue, dans les couloirs, a l’aéroport, je vois des visages qui s’éclairent derrière leur masque. Des visages amis, mais qui ont peur.
Le Benin – jadis un pays bien classé – a rétrogradé drastiquement dans tous les classements internationaux qui constatent un recul sans précédent des libertés publiques. Les gens me le confient publiquement partout où ils me reconnaissent, en me disant « ne nous lâchez pas »
La vérité, c’est que dans un système sans droits, on se sent bien impuissant. Et Madougou Reckya a sans aucune surprise été condamnée à une peine injuste et absurde. Les recours internationaux sont en cours, mais ils prendront des mois, et le pouvoir les ignorera.
La libération des opposants politiques ne viendra que du dialogue diplomatique international. Il ne s’agit pas de pressions, mais de renvoyer une image juste de ce pays qui ne respecte pas ses engagements internationaux et viole les droits civils et politiques de ses habitants
A l’annonce du délibéré, les proches de Reckya se sont effondrés. Elle m’a dit qu’elle allait rester la tête haute, et qu’elle continuera de faire valoir sa voix pour le respect du processus démocratique. Les idées se combattent par les idées, pas par le musèlement « .
Antoine Vey, Avocat aux barreaux de Paris et de Genève