Après des semaines de chaos et de querelles fratricides, l’élu républicain de Louisiane Mike Johnson a été élu ce mercredi 25 octobre à la présidence de la Chambre américaine des représentants.
Il y avait de la fatigue, voire de l’épuisement après des échecs à répétition de trois candidats successifs et le spectacle de la division offert pendant trois semaines. C’est donc un peu de guerre lasse que Mike Johnson a été choisi à la présidence de la Chambre des représentants, rapporte notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin.
Mike Johnson a réussi à obtenir 220 voix lors du vote en session plénière. Il a été soutenu par le chef de la majorité républicaine à la Chambre Steve Scalise et par le président de la commission des affaires judiciaires Jim Jordan, qui ont tous deux échoué à se faire élire au perchoir. Il a aussi pu compter sur l’appui de Matt Gaetz, farouche trumpiste et instigateur de la chute du précédent « speaker » Kevin McCarthy. Son élection a été accueillie par les acclamations et une ovation debout des membres de sa formation politique pourtant majoritaire à la Chambre, le Parti républicain, visiblement soulagés de voir le bout du tunnel.
« Ami de tous, ennemi de personne », selon les mots de l’élue républicaine Elise Stefanik qui l’a présenté à l’hémicycle, Mike Johnson va devoir aussitôt s’atteler à de lourdes tâches. D’abord en se lançant dans des discussions qui s’annoncent ardues pour éviter une paralysie budgétaire de l’administration fédérale à la mi-novembre, non seulement avec des négociateurs chevronnés comme le sénateur démocrate Chuck Schumer et le président Joe Biden, mais aussi les membres de son propre parti.
Ensuite, il devra naviguer entre les positions de ses collègues républicains – ceux-ci affichent au grand jour depuis des semaines de profonds désaccords – pour répondre à la demande de fonds demandés par Joe Biden pour l’Ukraine et Israël. Sitôt élu, Mike Johnson a promis que le premier texte qu’il soumettrait serait sur Israël, en guerre contre le Hamas. « Le plus grand allié de notre pays au Moyen-Orient est attaqué. La première proposition de loi que je vais soumettre à cet hémicycle dans un petit moment sera en soutien à notre cher ami, Israël », a-t-il déclaré. Mais tant que cela reste dans l’orthodoxie budgétaire. Quant à financer l’aide militaire à l’Ukraine, ce sera plus compliqué : il a déjà voté contre.
Le « speaker » le moins expérimenté depuis un siècle
Son élection intervient à l’issue d’un véritable feuilleton qui a exposé les luttes intestines entre élus de droite au grand jour. Mike Johnson était le quatrième républicain à être choisi par son parti en 21 jours pour remplacer Kevin McCarthy, destitué lors d’un vote historique. Le nouveau « speaker » va devoir maintenant rattraper ces trois semaines perdues.
L’élu de Louisiane est un « speaker » relativement jeune par l’âge, 51 ans, et par l’ancienneté. Alors qu’il siège à la chambre depuis six ans et n’a donc pas eu le temps de se faire trop d’ennemis, il sera le président de la Chambre des représentants le moins expérimenté en plus d’un siècle : il n’a jamais présidé de commission.
Ce fils d’un pompier d’un district défavorisé de la Louisiane, dans le sud du pays, se présente lui-même comme un conservateur « traditionnel ». Chrétien évangélique, il est farouchement anti-avortement et a fait son entrée à la Chambre des représentants en 2017 après avoir suscité la controverse avec des législations considérées comme hostiles aux personnes LGBT+ en Louisiane. Ce père de quatre enfants a aussi voté contre la codification des protections fédérales pour le mariage homosexuel l’an dernier.
Ce juriste est à l’origine d’un texte théorisant la non certification de l’élection présidentielle de 2020 : il fait partie de ceux qui ont voté contre la validation des résultats donnant la victoire à Joe Biden.
C’est sans doute un point clé qui explique son élection : Mike Johnson ne déplait pas à Donald Trump, Et pour cause, il était l’un de ses principaux défenseurs lors de ses procès en destitution. Il était par ailleurs le chef de file de plus de 100 républicains qui ont signé une note juridique appuyant une plainte visant à annuler les résultats de l’élection de 2020 dans quatre États remportés par le président Joe Biden. ABC News l’a interrogé mardi soir sur cette plainte sur laquelle la Cour suprême a refusé de statuer, mais il s’est contenté de répondre « question suivante » pendant que ses collègues huaient la journaliste.
(Et avec AFP)
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À quoi sert le « speaker » ?
C’est un simple marteau de bois, que les titulaires du poste brandissent comme un trophée ou abattent parfois avec rage. Au-delà de l’objet, le marteau du « speaker » représente une part importante du pouvoir politique américain. Le « speaker » est le troisième personnage de l’État. Si le président est empêché, c’est le vice-président qui lui succède, mais le « speaker » arrive juste derrière. Son rôle est donc éminemment politique.
C’est aussi le cas dans les circonstances moins exceptionnelles. Même si cela varie au fil des époques, le « speaker », notamment depuis le républicain Newt Gingrich au milieu des années 1990 est devenu plus partisan que par le passé. Il est un véritable chef de la majorité. Il met en avant les priorités de celle-ci et s’efforce de les faire avancer. C’est lui qui négocie au nom de la chambre basse avec les représentants de la minorité, les chefs du Sénat et bien sûr le président, dans les dossiers difficiles. C’est ce qu’il s’est passé au printemps dernier pour éviter un défaut de paiement des États-Unis. Sans son accord, rien n’est possible. Car le « speaker » dispose d’un pouvoir décisif : il détermine l’ordre du jour de la Chambre et ce qui est mis au vote. Autrement dit, pour fonctionner, la démocratie américaine a besoin d’un « speaker » qui veut bien faire des compromis. Une denrée manifestement de plus en plus rare dans le climat politique actuel.