Le procès de Nicolas Sarkozy, jugé à partir de ce lundi pour corruption, ce qui est inédit pour un ancien président français, a été suspendu peu après son ouverture et jusqu’à jeudi, le temps d’une expertise médicale pour l’un des co-accusés, un magistrat.
Le tribunal correctionnel a ordonné « une expertise » de l’état de santé de l’ancien juge Gilbert Azibert, 73 ans, absent de l’audience pour raisons médicales. En costume noir et chemise blanche, Nicolas Sarkozy est arrivé vers 13H20 entouré d’une nuée de caméras. Dans la salle d’audience, il a salué les avocats et les procureurs financiers.
Alors que la présidente du tribunal correctionnel, Christine Mée, énonçait son identité complète, Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa, il a répondu : « Sarkozy, c’est suffisant ». La magistrate a précisé que la procédure le prévoyait pour le casier judiciaire. Il a rétorqué, en haussant les épaules, « pour l’instant je n’ai pas eu besoin de l’utiliser », avant de s’asseoir au côté de son ami avocat et co-prévenu Thierry Herzog.
L’affaire des « écoutes » trouve son origine dans un autre dossier qui menace Nicolas Sarkozy: les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Dans ce cadre, les juges avaient décidé en septembre 2013 de placer l’ancien président sur écoute, et découvert, début 2014, qu’il utilisait une ligne secrète, sous le pseudonyme « Paul Bismuth », pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog.
Selon l’accusation, certaines conversations ont révélé l’existence d’un pacte de corruption: Nicolas Sarkozy a, par l’intermédiaire de Me Herzog, envisagé d’apporter un « coup de pouce » à M. Azibert pour l’aider à obtenir un poste dans la Principauté de Monaco qu’il convoitait, mais qu’il n’a jamais obtenu.
En contrepartie, selon le parquet, ce haut magistrat a fourni des informations, couvertes par le secret, sur une procédure engagée en Cassation par M. Sarkozy en marge d’un autre dossier (affaire Bettencourt), et a tenté d’influer sur ses collègues.
« Je ne suis pas un pourri »
Après avoir bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt fin 2013, Nicolas Sarkozy avait en effet saisi la Cour de cassation pour faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels, susceptibles d’intéresser la justice dans d’autres procédures.
Dans les discussions avec son avocat, socle de l’accusation, l’ex-président s’engageait à intervenir en faveur du juge Azibert. « Moi, je le fais monter », « je l’aiderai », disait-il ainsi à Me Herzog.
Peu après, il déclare avoir renoncé à faire « la démarche » auprès des autorités monégasques. Pour les enquêteurs, ce revirement pourrait venir de la découverte par les deux hommes que leurs téléphones officieux étaient sur écoute.
« Tout ça, ce sont des petits bouts de phrase extraits d’un contexte », a balayé ce lundi matin sur France Info Paul-Albert Iweins, avocat de M. Herzog, évoquant uniquement « des conversations entre amis de très longue date ». Dans un réquisitoire en octobre 2017, le Parquet national financier a de son côté comparé les méthodes de M. Sarkozy à celles d’« un délinquant chevronné ».
Les trois prévenus contestent tout « pacte de corruption ». « M. Azibert n’a rien obtenu, je n’ai pas fait de démarche et j’ai été débouté par la Cour de cassation » concernant les agendas, a argué l’ancien président dès 2014. « Je m’expliquerai devant le tribunal parce que moi, j’ai toujours fait face à mes obligations », a-t-il réaffirmé récemment sur la chaîne française BFMTV. « Je ne suis pas un pourri », a-t-il ajouté.
Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse de dénoncer une instrumentalisation politique de la justice, multipliant sans succès les recours. La validation des écoutes en mars 2016 par la plus haute juridiction judiciaire avait constitué une défaite majeure pour l’ancien président, qui estimait que la retranscription d’échanges entre un avocat et son client était illégale. Cette question sera à nouveau âprement discutée lors du procès.
(Avec Afp)