SONACOP : LES LEÇONS D’UNE PRIVATISATION

Opinions

Dans le cadre des tractations en cours pour la privatisation de grandes entreprises hautement stratégiques, il est fort indiqué que les insuffisances qui ont caractérisé la « dénationalisation » de la SONACOP servent de leçons ; les mêmes causes pourraient en effet, produire les mêmes effets…  » TANT QU’ ON NE L’AURA PAS APPRISE ; L’ HISTOIRE SE REPETERA. »

I-/ INTRODUCTION
04 Décembre 1974 – 04 Décembre 2016, la Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers (SONACOP) vient de boucler il y a juste quatre mois, dans une indifférence générale, 42 ans d’existence ; quarante deux ans dont une triste parenthèse de près d’une décennie, qui a très profondément altéré le statut de principal moteur de l’économie nationale que cette grande entreprise a été durant un quart de siècle.
La réintégration de la SONACOP dans le giron de l’Etat objet du décret gouvernemental N° 2009-383 du 22 / 07/ 2009, suite à la décision de justice du 14 Janvier 2008, portant annulation de la cession de 65% du capital de la SONACOP ; est un acte hautement patriotique dont le Chef de l’Etat d’alors, doit continuer d’être félicité pour avoir pu obtenir par voie de justice, le retour de la SONACOP dans le patrimoine national…
C’est pour que les nombreuses lacunes mises en évidence dans le Diagnostic du Processus de Privatisation de la SONACOP, soient rigoureusement évitées dans la mise en œuvre des imminents projets de liquidation ou de mise en concession ; que le présent dossier Intitulé « SONACOP : LES LEÇONS D’UNE PRIVATISATION », publié la première fois dans Courrier National du 10/ 08/ 2012, est repris en guise de contribution pour un meilleur pilotage des projets de privatisation.
Maintenant que les désengagements de l’Etat risquent de se généraliser ; malgré le fait que de nombreuses hautes autorités des institutions de Breton Wood avouent publiquement aujourd’hui, que les fameuses conditionnalités de privatisation, étaient de très graves erreurs à ne plus commettre ; les Gouvernants à défaut d’une politique de filialisation des secteurs stratégiques de l’économie, doivent tout mettre en œuvre pour éviter un bradage systématique du patrimoine national…

II-/ CADRE JURIDIQUE DES PRIVATISATIONS
Pour garantir une bonne gestion du patrimoine national, les législateurs ont estimé qu’il est juridiquement et politiquement nécessaire que des dispositions soient définies pour clairement fixer les conditions de cession de la moindre partie de ce patrimoine, afin de décourager toutes tentations de désenga – gements massifs de l’Etat, des entreprises publiques.
Les lois sur les dénationalisations déterminent donc les catégories d’entreprises non-privatisables, précisent les processus et procédures de privatisation, définissent les organes de pilotage des programmes et mettent un accent particulier sur les conditions de protection des intérêts nationaux…
La LOI N°92–023 du 06/08/92 portant DETERMINATION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DES DENATIONALISATIONS AU BENIN, adoptée par l’Assemblée Nationale et promulguée le 06 Aout 1992, est la base légale des privatisations au Bénin. Structurée en 22 articles, elle détermine les conditions de pertinence et de transparence des désengagements de l’Etat et limite le champ des privatisations, en excluant les entreprises des secteurs stratégiques, de toutes formes de dénationalisation. Ses dispositions couvrent toutes les phases du processus de privatisation…
Outre les procédures spécifiques en matière de désinvestissement, le diagnostic source de la présente publication, a exploité, article par article, toutes les dispositions de cette loi qui, selon les experts, est l’une des meilleures en Afrique.

III-/ PRINCIPALES FAIBLESSES DU PROCESSUS
DE PRIVATISATION DE LA SONACOP

La réussite de toute dénationalisation dépend de la qualité du pilotage (compétences et transparence) de toutes les principales phases du processus ; phases s’articulant comme suit :
• Bases juridiques de la décision de privatisation ;
• Opportunité économique de la décision ;
• Gestion intérimaire (Diagnostics et Audits) ;
• Inventaire et Evaluation du patrimoine ;
• Détermination de la valeur-plancher ;
• Négociation du volet social ;
• Répartition des actions ;
• Appel d’offres et Dépouillement ;
• Transfert des actifs non-cessibles ;
• Rédaction et signature de la convention de cession ;
• Suivi et Contrôles post-privatisation… etc.
Un respect strict des dispositions de la loi N°92-023 du 06/08/92 dans la gestion de ces différentes phases, aurait réservé tout un autre sort à l’ouverture du capital de la SONACOP; l’étude a en effet mis en évidence la violation systématique de la quasi-totalité des articles de cette loi ; un document incontournable de référence pour les membres de la Commission Nationale de Dénationalisation. Ces violations ont induit les graves faiblesses ci-après :
3.1- UNE DECISSION SANS BASES LEGALES
Point n’est besoin de chercher à démontrer le caractère stratégique de la Société de Commercialisation des Produits Pétroliers (SONACOP) qui fut créée en catastrophe par le Décret N 74 – 320 du 04 Décembre 1974, pour mettre un terme à une prise en otage de l’économie nationale, par les opérateurs pétroliers d’alors, qui refusaient d’approvisionner le pays tant que les prix qu’ils proposaient ne seraient agréés…
Durant vingt cinq ans, la SONACOP a desservi sans failles, tout le territoire national en produits pétroliers à des prix fort compatibles avec le pouvoir d’achat du consommateur du Bénin profond. Grâce à l’extension de ses capacités d’entreposage, elle a régulièrement constitué d’importants stocks s’apparentant aux stocks stratégiques d’hydrocarbures que tout Etat souverain se doit d’entretenir pour se prémunir contre toute rupture de longue durée…
L’idée d’une éventuelle privatisation de la SONACOP fut vaguement évoquée en Février 1990 à la conférence des forces vives de la nation, par ceux qui étaient fermement convaincus que cette société était le principal pilier économique qui soutenait le régime révolutionnaire.
En 1995 en se conformant à la loi sur les dénationalisations qui protège les secteurs stratégiques, le Président SOGLO a créé une commission ad’ hoc, pour des propositions d’une simple restructuration de la société, afin de la préparer à la concurrence consécutive à la libéralisation du secteur.
Mais outrepassant son mandat, ladite commission composée en majorité de dirigeants et de syndicalistes de la SONACOP, proposa contre toute attente, la privatisation totale de la Société. « En évidence, le vers était déjà dans le fruit »…
Après les élections présidentielles de 1996, ce qui n’était qu’une simple suggestion sans aucun fondement, s’est furtivement transformée en conditionnalité, et sans tenir compte de ses indéniables performances, la dénationalisation de la SONACOP fut formellement décidée et mise en œuvre sur des bases approximatives.
Cette décision prise en violation de la loi N°92-023 du 06/08/92 qui, dans son article N°07, exclut les entreprises des secteurs stratégiques de toute forme de privatisation, a installé le Bénin dans une longue période d’incertitudes en matière d’approvisionnement en produits pétroliers, et de constitution des stocks stratégiques d’hydrocarbures …
3.2 – UNE PRIVATISATION ECONOMIQUEMENT INOPPORTUNE
L’entreprise publique qui devient de moins en moins performante en dépit de nombreuses tentatives de redressement, et dont la survie a tendance à dépendre des subventions de l’Etat, est une entreprise qui risque de se retrouver tôt ou tard sur une liste de structures privatisables. Par contre, une entreprise particulièrement rentable et financièrement autonome ne pourrait en principe, se retrouver dans un programme de dénationalisation.
Une rapide étude des documents financiers régulièrement produits par la SONACOP, montre que jusqu’en 1999, elle a été la principale société contributrice du budget national, en tenant compte de la consistance des droits de douanes, des impôts et taxes et surtout des résultats reversés à chaque exercice ; sans compter de nombreuses sollicitations que lui impose son statut de société d’Etat.
Les cinq derniers bilans de la SONACOP révèlent que, même les dysfonctionnements induits par la valse des Directeurs Généraux (06 DG en 5 ans), et l’obsolescence d’une organisation vieille de 25 ans, n’ont en rien entamé l’excellente santé financière de cette grande entreprise ; pour preuve, le résultat de son dernier exercice avant la privatisation, dépassait de loin le prix de cession de 65% de son capital ; sans oublier qu’elle disposait en comptes bloqués ou non, et en divers placements, d’énormes fonds dans de nombreuses institutions financières… Dans ces conditions, aucune décision de dénationalisation ne pourrait être « économiquement justifiable ».
Malgré les brillantes performances de cette grande société depuis un quart de siècle, sa privatisation fut pourtant mise en œuvre ; alors que l’article N°4 de la loi sur les dénationalisations, stipule qu’une entreprise publique en bonne santé financière ne pourrait faire l’objet d’une décision de cession…
3.3- DEFAUT DE GESTION INTERIMAIRE
La privatisation d’une grande entreprise doit toujours être précédée d’une période de gestion intérimaire; période au cours de laquelle les hauts dirigeants sont partiellement, voire entièrement dessaisis des rênes de commande de l’entreprise dont le pilotage se retrouve provisoirement confié à une équipe de consultants en Management, spécialistes du secteur d’activités de l’entreprise.
Par des diagnostics et des audits opérationnels, cette équipe intérimaire, tout en assurant la gestion courante, évalue les performances de la société et apprécie la pertinence de l’avant-projet de privatisation. La présence de gestionnaires intérimaires à la tête de l’unité à privatiser permet non seulement un inventaire exhaustif et une évaluation correcte du patrimoine, mais surtout de limiter les risques de collusion entre dirigeantshabituels et acquéreurs potentiels ; collusion qui entraine toujours la production d’informations biaisées…
Un collège de gestionnaires intérimaires à la tête de la SONACOP durant seulement un trimestre, aurait permis à l’Etat d’éviter une aventure qui en fin de compte lui est revenue très chère ; l’inopportunité de la privatisation aurait été en effet, clairement mise en évidence, avec de fermes recommandations de restrucration et de diversification des activités par un investissement judicieux des importants fonds abandonnés dans plusieurs établissement financiers ; fonds qui, au lieu de profiter à l’Etat, n’ont servi qu’à développer diverses banques privées qui se sont toutes retrouvées en grandes difficultés dès la privatisation de la SONACOP…
Même si contre leur avis, la décision de dénationalisation était maintenue, les gestionnaires intérimaires auraient au moins contribué à déterminer une valeur de mise en vente beaucoup plus en rapport avec l’importance, la diversité et la spécificité du patrimoine de la SONACOP.

3.4- SOUS – EVALUATION DU PATRIMOINE
La réussite d’un projet de privatisation est toujours fonction non seulement de la transparence qui caractérise sa mise en œuvre, mais surtout de la bonne détermination de la valeur de l’entreprise à privatiser. Une sous-évaluation des patrimoines à vendre, débouche toujours sur une forme de bradage difficilement justifiable.
Il n’est pas superflu de rappeler que la détermination de la valeur de mise en vente d’une entreprise ne doit pas avoir pour bases estimatives son capital social et encore moins la valeur comptable des différentes composantes de son patrimoine ; en effet, ni le capital social, ni la valeur comptable des infrastructures, n’ont de rapport direct avec la valeur marchande de l’entreprise à privatiser.
Pour enclencher les travaux de dénationalisation de la SONACOP, le Gouvernement l’a transformée en Société Anonyme Unipersonnelle, dotée d’un capital social de trois milliards de francs, réparti en trois cents milles actions de 10.000 F(CFA) chacune.
Sans la moindre estimation de la valeur marchande de ses nombreux domaines bâtis ou non, et de ses nombreux immeubles commerciaux ou administratifs dont le tout nouveau siège construit érigé et équipé à près plus de trois milliards et inauguré en 1995 ; sans aucune évaluation de ses infrastructures techniques et sans même tenir compte de ses importants stocks d’hydrocarbures et de pièces de rechange ; la SONACOP SA, en violation délibérée de toutes les dispositions en matière de détermination de la valeur d’une entreprise, fut mise à prix sur la base de son capital social, soit seulement trois milliards de francs. Une flagrante sous-estimation qu’aucune considération ne pourrait justifier…
Un inventaire exhaustif du patrimoine de cette société aurait pourtant aisément mis en évidence, l’importance et la diversité de ses infrastructures techniques composées entre autres de :
• Six dépôts multifonction d’une capacité totale de plus de 100.000 m3 ;
• Un vaste réseau de distribution de plus de 120 stations ;
• Plusieurs parcs de matériels de transports : camions et wagons citernes, autcamionnettes s et véhicules utilitaires ;
• Nombreux parcs spécifiques de divers ’équipements d’exploitation, de maintenance et de sécurité ; Etc. …
Une estimation correcte de la valeur de ces infrastructures, aurait permis de déboucher sur une valeur de mise en vente au moins vingt cinq fois plus élevée. En effet, même quand l’évaluation est réalisée par des cabinets spécialisés, l’organe en charge de la gestion des opérations se doit de procéder à un réajustement des estimations afin de les rapprocher de la valeur marchande des différentes composantes du patrimoine, pour une détermination correcte de la « valeur plancher » de mise en vente qui doit en outre, tenir grand compte de tous les avantages concurrentiels de l’entreprise.
La mauvaise évaluation du patrimoine de la SONACCOP a été la plus grave des faiblesses du processus de sa privatisation, et aurait dû entrainer la suspension des opérations de désengagement, pour ne pas déboucher comme ce fut le cas, sur une situation de bradage caractérisé…
3.5- MAUVAISE REPARTITION DU CAPITAL
La répartition du capital de SONACOP SA, en réservant 55% au repreneur avec en plus, la possibilité de portage des 10% des travailleurs, ne protège nullement les intérêts nationaux. En faisant la part belle à un acquéreur unique qui pourrait être une compagnie étrangère, ce schéma a exposé l’Etat à une perte à court terme, de toute souveraineté sur un secteur fort stratégique.
Un schéma qui ne tient pas compte des droits de préemption du personnel en lui accordant des facilités pour le financement des 10% qui lui sont réservés ; un schéma qui ne réserve aucune part ni aux opérateurs économiques locaux, ni à l’actionnariat populaire, ne pourrait promouvoir la participation des nationaux au renforcement du tissu économique national .
Pourtant l’article N°5 de la loi sur les dénationalisations stipule clairement que toute opération de privatisation doit être conduite dans la transparence et dans le souci de la protection des intérêts nationaux de manière à assurer : l’égalité des soumissionnaires – l’intéressement des salariés – la promotion d’un actionnariat populaire – la création des conditions d’émergence d’entrepreneurs nationaux, aptes à prendre des risques industriels…
Il convient de souligner qu’à défaut de dispositions légales fixant clairement la répartition de l’actionnariat des grandes entreprises, comme c’est le cas dans de nombreux pays, la meilleure formule dans le cadre des privatisations, est de ne céder à unau partenaire stratégtechnique qu’entre 25 et 40% du capital de la future structure ; le reste devant se repartir entre :
– L’Etat central ;
– Les collectivités locales ;
– Le personnel (retraités y compris) ;
– Les opérateurs économiques locaux ;
– L’actionnariat populaire, auquel il faut toujours réserver des parts suffisamment consistantes, étant donné qu’il dispose d’une capacité insoupçonnable d’investissement.
Conforme aux articles N° 5, 10 et 13 de la loi 92-023 du 06/08/92, un tel schéma aura l’avantage de décourager toutes pressions d’où qu’elles viennent et de mettre l’Exécutif à l’abri de tout soupçon de corruption, de collusion, de concussion et de bradage…
3.6- INCONSISTANCE DU VOLET SOCIAL
La position du personnel étant le premier obstacle deà toutes projet formes de dénationalisation, les prescripteurs de cette ultime décision font souvent très attention aux conditions d’adhésion des travailleurs au programme de privatisation de leur entreprise. La consistance du volet social est en effet directement fonction du degré de leur résistance du personnel…
Généralement la garantie du maintien des emplois et des niveaux de rémunération est plus ou moins facilement obtenue ; mais de nombreux autres avantages spécifiques comme : le niveau de participation au capital, le degré de gratuité des actions réservées au personnel, les facilités de financement desdites actions, les conditions de départ volontaire et l’importance de diverses primes et indemnités, dépendent des capacités de négociation des représentants des travailleursu personnel…
En violation des articles 5 – 10 -12 de la loi sur les dénationalisations, la protection des travailleurs n’a pas été suffisamment prise en compte dans la privatisation de la SONACOP ; pour preuve, peu après la cession de l’entreprise, des cadres supérieurs qui pour leur professionnalisme, devraient être protégés, se sont immédiatement retrouvés écartés de toutes responsabilités, et abusivement contraints à un isolement plus ou moins total.
Le cas le plus grave est celui de ce dirigeant polyvalent, à qui est imposé depuis 2001, un isolement sans salaire; pour avoir de tout temps, par de nombreuses analyses techniques à l’attention des autorités politiques, fermement déconseillé la privatisation de la SONACOP…
Si la sauvegarde des emplois est et demeure un principe de base, les cadres doivent eux autres, avoir la possibilité de choisir entre plusieursune formules de départ volontaire, car on ne peutil est difficile de contraindre un repreneur à maintenir indéfiniment à des postes de hautes responsabilités, tous les cadres supérieurs dont il a hérités. Le risque est donc grand de retrouver des dirigeants gênants, d’abord « mis au garage » et tôt ou tard éjectés de l’entreprise sans indemnités de licenciement, sous prétexte d’un « prétendu abandon de poste ».
Une formule de départ volontaire aurait permis à certains cadres, plus ou moins laissés pour compte malgré leur compétence avérée, de se retrouver en bonne position dans les grandes sociétés pétrolières qui opèrent aujourd’hui au Benin ; au lieu de poireauter sans attributions évidentes au risque d’une dévaluation de leur retraite.
3.7- DESINTERET DES ACQUEREURS POTENTIELS
Le désengagement plus ou moins total de l’Etat d’un secteur à hauts risques technologiques, sécuritaires et environnementaux, ne s’opère pas comme la privatisation d’une entreprise banale de distribution de denrées.
La complexité des techniques mises en œuvre par l’entreprise et la spécificité de sess prestations, recommandent qu’il soit fait appel à des méthodes particulières pour attirer l’attention des acquéreurs potentiels, spécialistes du secteur d’activités de l’entreprise à vendre. A défaut d’une présélection stricte, l’appel d’offres doit nécessairement être publié dans des magasines spécialisés du secteur… Le manque d’engouement des candidats repreneurs pour une consultation peut en effet s’expliquer par plusieurs facteurs non motivants :
• Publicité insuffisante en direction des bonnes cibles ;
• Qualité du dossier (clarté et précision des documents) ;
• Contraintes discriminatoires ;
• Taux des cautions et autres garanties ;
• Délai de dépôt des offres ;
• Rentabilité du projet ;
• Facilités de transfert des résultats ;
• Garanties de non renationalisation ; Etc.
Paradoxalement, les performances d’une entreprise peuvent amener des soumissionnaires potentiels à douter de l’aboutissement du projet ; trouvant louche la volonté de cession d’une « poule aux œufs d’or »…
Avec seulement deux soumissions enregistrées pour la privatisation de la SONACOP, une société qui venait de dégager à son dernier exercice, un bénéfice de Dix Milliards de francs, la meilleure décision aurait été de suspendre les opérations pour rechercher les vraies causes de l’évidente indifférence des grandes compagnies pétrolières à l’égard de cette entreprise particulièrement rentable…
Pour une gestion correcte de tout projet de privatisation, quand le nombre de soumissions n’est pas suffisant pour un choix judicieux, il est fermement recommandé de proroger le délai de dépôt, de relancer l’appel d’offres avec plus de publicité, ou de suspendre le projet…
Passer en force à la phase de dépouillement en cas de nombre insuffisant d’offres, c’est risquer de déboucher sur une situation de quasi gré à gré, toujours fort préjudiciable aux objectifs de performance qui ont motivé la décision de dénationalisation.
3.8- TRANSFERT IMPARFAIT DES ACTIFS NON – CESSIBLES
En matière de privatisation, toutes les composantes du patrimoine de l’entreprise ne subissent pas les mêmes traitements. On distingue généralement les éléments à prendre en compte dans l’évaluation de la partien du patrimoine à céder, les éléments incessibles à louer à la nouvelle entreprise et les actifs à transférer à l’Etat.
Le bon sens et le devoir de sauvegarde des intérêts de la Nation, recommandent que les actifs comme les avoirs en compte bloqués, en compte courants ou en caisses, les placements et divers dépôts, les portefeuilles d’actions, d’obligations et d’autres titres, soient inventoriés et évalués de manière exhaustive pour un transfert intégral aux différentes structures en charge de la gestion des patrimoines de l’Etat, et ce bien avant l’adjudication…
Les immeubles administratifs neufs ou en cours de construction et les terrains bâtis ou non, sans rapport direct avec les activités de l’entreprise, doivent être transférés à l’Etat ou à défaut, loués au taux du marché, au repreneur afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent noyés dans une évaluation approximative des actifs à céder.
Une entreprise publique peut, dans le cadre de ses activités, exploiter des infrastructures ne faisant pas partie intégrante de son patrimoine propre ; c’est le cas, pour la SONACOP, des dépôts de sécurité de Bohicon et de Natitingou, construits pour l’entreposage des stocks stratégiques du Bénin en hydrocar- bures ; stocks de souveraineté dont la gestion ne peut incomber à aucun opérateur privé… Ces deux dépôts ne devaient donc être pris en compte dans le projet de privatisation. En effet, à défaut d’une entreprise publique, les infrastructures d’entreposage des stocks stratégiques sont gérées par l’armée.
L’annulation de la cession de 65% du capital de la SONACOP pour cause de financement de cette transaction sur les fonds de la société, montre que d’importantes ressources ont été oubliées dans les comptes de la société; alors que l’article 19 de la loi sur les dénationalisations, recommande le reversement immédiat et intégral au trésor public, de tous les produits générés par une privatisation. Aucune déperdition n’étant permise dans le transfert des actifs non-cessibles.

3.9- INCONSISTANCE DE LA CONVENTION DE CESSION
La convention de cession est le document qui consacre l’effectivité des transactions entre l’Etat et le repreneur. Il résume en principe tous les points clés de la vente… La complexité des actes et les spécificités du secteur de l’entreprise à privatiser, recommandent l’assistance de cabinets spécialisés pour l’élaboration de la convention de cession; convention dont les clauses doivent prendre en compte tous les aspects des engagements de chaque partie. Clairs, précis et non susceptibles d’interprétations équivoques, les articles ne porteront sur aucun traitement particulièrement avantageux non évoqué dans le dossier d’appel d’offres…
Les engagements du repreneur porteront notamment sur le niveau et le planning de ses investissements, ses obligations en matière de protection des emplois, et sur la mise en œuvre diligente et équitable des plans sociaux etc.
La nature et la portée des sanctions en cas de non respect des engagements, feront l’objet de clauses très précises désignant les organes chargés des contrôles et de l’initiative des représailles.
Le projet de convention de cession, avant sa mise au net et sa signature, doit absolument être soumis à l’appréciation d’un organe indépendant de suivi et de contrôle des privatisations ; cet ultime contrôle préalable permet de déceler d’éventuelles « coquilles » pouvant échapper à la vigilance des autorités signataires et entrainer à court terme de graves mésintelligences…
Le manque de clarté de plusieurs clauses, le caractère tendancieux de certains articles et l’omission de nombreuses dispositions spécifiques, notamment en matière de sanctions en cas de non respect des engagements d’investissements et de violation des clauses, montrent bien que la convention de cession de la SONACOP n’a pas fait l’objet de l’attention particulière qu’un document de cette importance exige .
L’inconsistance de cette convention met en évidence la légèreté avec laquelle tout le projet a été géré, et prouve que le pilotage de la dénationalisation de la SONACOP n’a pas bénéficié de l’indispensable assistance de cabinets suffisamment qualifiés dans la gestion de projets de privatisation d’entreprises pétrolières.
Le recrutement des consultants doit toujours faire l’objet d’une attention toute particulière pour ne pas risquer de retenir des cabinets d’assistance technique proches des acquéreurs potentiels ; une situation génératrice d’inévitables collusions et conflits d’intérêts.
En effet, la pertinence, la transparence et la performance d’une privatisation, sont fonction de l’expertise et de la neutralité des différents consultants qui interviennent dans la prescription et la réalisation du projet. … Quant aux experts nationaux impliqués dans une dénationalisation, la loi 92-023 du 06/08/92 leur interdit toutes accointances avec le repreneur durant cinq ans au moins …
Cette disposition qui permet d’empêcher les conflits d’intérêts a été violée sans vergogne dans le cadre de la privatisation de la SONACOP : De hauts fonctionnaires impliqués dans le projet depuis le début, sont devenus de très hauts dirigeants de SONACOP / CPI ; les cadres qui ont d’une manière ou d’une autre, favorisé l’opération, ont bénéficié de promotions injustifiables ; les autres ont été soit isolés, soit éjectés…

3.10- ABSCENCE D’ORGANE INDEPENDANT DE SUIVI ET DE CONTROLE
La privatisation d’une grande entreprise publique expose toujours l’Exécutif à de hauts risques sociopolitiques et économico-stratégiques qui ne sont atténués que par la pertinence de la décision et la transparence de sa mise en œuvre… Pertinence et Transparence qui ne peuvent être attestées que par l’existence d’une structure indépendante.
C’est là, le rôle de l’Organe Indépendant de Suivi et de Contrôle des Privatisations (O I S C P) ; structure technique permanente placée sous la tutelle de l’Assemblée Nationale et animée à l’instar de la Commission Technique de Dénationalisation, par une équipe pluridisciplinaire de cadres de hauts niveaux. Ses principales missions se résument comme suit :
• Etude de l’opportunité des privatisations
(conformément aux articles n°3 -, 4 -, 6 et 7 de la loi N° 92-023 ;
• Suivi de la régularité des opérations ;
• Contrôle des phases critiques de la privatisation, notamment :
– La détermination de la valeur de l’entreprise,
– L’étude du projet d’appel d’offres,
– L’étude du rapport intérimaire de dépouillement des offres,
– Analyse du projet de convention de cession ;
• Suivi du planning de réalisation des engagements du repreneur ;
• Evaluation post-privatisation… Etc.

Comme le montre la spécificité de ses missions, l’Organe Indépendant de Suivi et de Contrôle des Privatisations permet non seulement de corriger d’éventuelles lacunes dans la gestion des projets, mais surtout de décourager les tentations et tentatives de collusion engendrées par des pressions de diverses origines. Il contribue donc à garantir la transparence et la régularité des opérations.

Même, s’il parvenait à court-circuiter la phase « approbation du Parlement », l’Exécutif à tout intérêt à soumettre le projet aux phases de suivi et de contrôle, pour ne pas inconsciemment cautionner de graves insuffisances pouvant tôt ou tard entrainer la remise en cause de la privatisation.

D’autre part, aucune structure nle contrôle du préoccupe du respect des engagements pris dans le cadre d’un désinvestissement, n’incombe généralement à aucune structure; l’Organe Indépendant de Suivi et de Contrôle des Privatisations (OISCP), de par son caractère permanent, est à juste titre la structure indiquée pour assumer cette fonction prépondérante.

Il est évident que l’existence d’un organe de suivi et de contrôle aurait réservé tout un autre sort au projet de privatisation de la Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers. Pour une bonne gouvernance dans le pilotage des projets de dénationalisation, la création de cet organe s’impose…

IV-/ OBSERVATIONS ET CONCLUSION
4. 1- OBSERVATIONS
Devant l’étalage de tant de lacunes dans la gestion de la dénationalisation de la SONACOP, on est en droit de se poser des questions sur la pertinence et les performances de toutes les privatisations réalisées jusqu’à présent au BENIN.
En effet, la flagrance et la gravité des insuffisances qui ont miné les travaux de privatisation de la SONACOP, insuffisances très tôt décelées par des institutions qualifiées, auraient dû entrainer la suspension sine die de tous les projets de désengagement ; pour un audit opérationnel des processus et procédures, et un perfectionnement conséquent de tous les acteurs impliqués dans la gestion des programmes de dénationalisation.
L’annulation par voie judiciaire de la cession de 65% du capital de la SONACOP plus de huit ans après, interpelle tous ceux qui interviennent dans des projets de privatisation ou de passation de marchés publics, sur la portée de leurs responsabilités individuelles dans la gestion de ces projets…
Les membres des commissions ad’ hoc ne doivent en effet pas perdre de vue qu’ils ont été sélectionnés sur la base de leur technicité et de leur intégrité; ils ne doivent donc jamais oublier qu’en leur qualité d’experts, ils seront toujours les premiers à répondre d’éventuelles lacunes dans le pilotage d’un projet ; lacunes qui, d’une manière ou d’une autre, auraient entravé la sauvegarde exhaustive des intérêts nationaux …
Quant aux Gouvernants, gestionnaires temporaires du patrimoine national, ils doivent garder à l’esprit qu’ils pourraient, des années plus tard, être rattrapés par certaines libertés prises au cours de leur mandat, soit par eux-mêmes, soit par leurs collaborateurs. Ils ont donc grand intérêt, non seulement de savoir résister aux tentations et aux pressions, mais surtout de savoir s’entourer de collaborateurs compétents et intègres.
La bonne gouvernance passant forcément par la prévention de la corruption à tous les niveaux, il est important de souligner que les différentes méthodes de désengagement de l’Etat des sociétés et autres structures publiques, constituent avec la gestion des marchés publics de travaux et de services, les principales sources de grosses malversations :
Détournement – collusions – népotisme – prévarication – concussion – délit d’initier – trafic d’influence – recèle et abus de biens sociaux – surfacturation et plusieurs autres types de corruption… Une impressionnante panoplie de délits et de crimes économiques, auxquels les gestionnaires des affaires publiques se doivent d’éviter de prêter flanc.

4. 2 – CONCLUSION GENERALE
L’analyse des principales faiblesses qui ont caractérisé l’ouverture du capital de la SONACOP, montre à quel point la gestion d’un projet de privatisation pourrait laisser à désirer ; alors que le législateur dans la loi N° 92-023 du 06/08/92 a clairement précisé les conditions cardinales de tout désengagement de l’Etat ; conditions qui se résument comme suit :
• Pertinence légale et économique du projet ;
• Transparence des interventions ;
• Exhaustivité de l’inventaire du patrimoine ;
• Efficience de l’évaluation de l’entreprise ;
• Sauvegarde des intérêts nationaux.
• Etc.
Intitulée « SONACOP : LES LEÇONS D’UNE PRIVATISATION », la présente étude est avant tout, une contribution pour la maîtrise des processus et procédures des différentes formes de dénationalisation, avec un accent particulier sur les méthodes de désinvestissement …
Les graves bouleversements dans l’approvisionnement du pays en hydrocarbures, consécutifs à la dénationalisation de la SONACOP, sont les preuves de l’importance de cette société dans l’économie nationale. Sa réintégration dans le giron de l’Etat, objet du décret N° 2009 – 384 du 22/07/2009, vient fort heureusement de mettre le BENIN à l’abri d’éventuels chantages des sociétés pétrolières, par ces temps de hausses continues des cotations sur les marchés internationaux.
Les nombreuses insuffisances qui ont caractérisé la privatisation de la SONACOP, insuffisances très tôt décelées par des institutions qualifiées auraient dû entrainer l’annulation de la cession, et la suspension de tous les projets de dénationalisation alors en cours ; pour un audit poussé des processus et procédures de privatisation et une évaluation des capacités techniques des gestionnaires desdits projets.
Comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, il est indispensable que des mesures soient prises pour qu’aucun autre projet de privatisation ne soit géré avec autant d’incompétence … Au nombre des mesures les plus urgentes on peut souligner :
– Le respect strict des dispositions de la loi N° 92 – 023 du 06/ 08 / 92, notamment celles objet des articles N° 5, 10, 11, 12 et 13 qui insistent sur la réservation de parts substantielles à l’actionnariat populaire.
– Le perfectionnement de tous les membres des différents organes et commissions chargés de la gestion des projets de dénationalisation, sur toutes les formes, méthodes et techniques de privatisation, avec un accent particulier sur leurs avantages et inconvénients…
– La création de l’Organe Indépendant de Suivi et de Contrôle des Privatisations et autres désengagements de l’Etat, pour garantir la pertinence, la régularité et la transparence des interventions, afin de mettre l’Exécutif à l’abri de tout soupçon de collusions, de népotisme ou de bradage.
Les préconisations prescrites étant les fruits de plusieurs décennies d’expérience pluridisciplinaire à des postes de hautes responsabilités à la SONACOP et de nombreuses années de recherches en Contrôle, Organisation, Restructuration et Privatisation des Entreprises, l’auteur souhaite fort, que dans le cadre de leurs attributions respectives, tous ceux qui ont une quelconque responsabilité dans la prescription, l’élaboration ou la réalisation des projets de privatisation, tiennent compte des analyses consignées dans ce document, pour une meilleure gestion des programmes de dénationalisation ; car comme l’affirme l’adage :
« TANT QU’ON NE L’AURA PAS APPRISE, L’HISTOIRE SE REPETERA. »

Par EWASSADJA ADAHA Félicien
Cadre de la SONACOP
Consultant en Gestion – Chercheur en Gouvernance
Promoteur du Cabinet Ewass – Control et de L’INSTITUT de
RECHERCHE et d’ASSISTANCE en GOUVERNANCE (IRAG)
Tel : 21.15. 08. 37 – 67. 76. 87. 19 – Email: ewasfel@yahoo.f
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DOCUMENTS DE REFERENCE :
? La LOI N° 92–023 du 06–08-92 portant : DETERMINATION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DES DENATIONALISATIONS…
? La Convention de Cession de 65% de la SONACOP ;
? Le Rapport de la Commission de la B C E A O ;
? Le Rapport d’Expertise de la Privatisation de la SONACOP ;
? La Décision de Justice du 14-01-2008 portant : Annulation de la Privatisation de la S0NACOP;
? Le Décret N° 2009 – 384 du 22-07-2009 portant : Réintégration de la SONACOP dans le Patrimoine National… Etc.
? Diverses publications spécifiques , relatives aux différentes formes et méthodes de Privatisation…