Nicéphore Dieudonné SOGLO
Ancien Président de la République
Tél. : 00229 90 94 63 70
Cotonou
Aux
Imams en république du Bénin
Cotonou, le 29 avril 2022
Objet : Adresse aux Imams en République du Bénin.
Chers Imams, Chers Amis, Chers Frères,
Je me permets cette tribune avec l’objectif de mêler mon opinion à vos supplications du mois de Ramadan édition 2022. Le sens même du dialogue religieux exige de se parler et d’échanger afin de mieux se découvrir mutuellement. Pour ce qui me concerne, il y a longtemps que mon épouse et moi sommes engagés dans la diversité de croyance et de religion. Nous avons refusé de donner des prénoms étrangers à nos enfants, qui, à leur majorité, ont choisi eux-mêmes d’embrasser l’islam. Ensuite nous avons œuvré au respect des religions traditionnelles africaines à travers l’institution de la fête des religions endogènes chaque 10 janvier pendant que j’occupais les fonctions de Président de la République.
La brutalité avec laquelle le christianisme comme l’islam ont fait irruption en Afrique noire peut avoir laissé quelques stigmates. A l’opposé, le shintoïsme, le bouddhisme, l’indouisme n’ont causé autant de torts à l’homme noir. Ces derniers, tout comme nos religions endogènes d’ailleurs, ne se sont jamais munis de sabres et de fusils pour propager leur foi. Néanmoins, l’islam et le christianisme sont présents sur notre continent depuis si longtemps qu’on ne saurait continuer à les considérer comme des religions étrangères ; l’esprit d’ouverture et de partage qui a caractérisé nos ancêtres dont nous sommes les dignes héritiers sont certainement passés par là.
Il nous incombe donc, Messieurs les Imams, d’être les porte-flambeau de notre mémoire afin que cela fortifie davantage la paix d’aujourd’hui.
Le statut de berceau de l’humanité et partant, des civilisations, qui est dévolu à notre continent peut expliquer la grande tolérance dont nos aïeuls ont fait preuve vis-à-vis des autres. D’où votre responsabilité individuelle et collective, Messieurs les imams, dans le maintien de la concorde et de l’entente partout où règne la coexistence pacifique entre les religions. La Grèce antique tout comme l’empire romain sont venus se nourrir de la sève intellectuelle des pharaons noirs de la vallée du Nil comme l’a démontré, de façon lumineuse, Cheikh Anta Diop de vénéré mémoire dans son historique livre d’anthologie Nations Nègres et Culture. En tant que terre nourricière de l’espèce humaine, l’Afrique ne peut rester indifférente face à la montée de l’intolérance, de la dégénérescence des valeurs, de la terreur.
Chers Imams, Chers Amis, Chers Frères, je me suis permis d’interpeller votre conscience afin d’entretenir partout où besoin se fait sentir, la flamme du dialogue entre les peuples comme le faisaient nos ancêtres. Dans notre passé, réside souvent des réponses à des défis d’aujourd’hui. Et je sais que l’islam s’est beaucoup servi de la connaissance et de la foi pour affermir la foi du croyant.
Lorsque le colonel Kadhafi se faisait assassiner, la Libye était une terre tranquille ; voire un Eldorado pour de nombreux africains. Mais depuis ces événements douloureux, l’homme noir y est vendu comme du bétail comme aux heures sombres de l’invasion arabe où le ‘’Nègre’’ était qualifié de kaffir, comme au Moyen- ge en Europe les Russes, les Polonais, les Yougoslaves de race slave, étaient qualifiés de ‘’slave’’, esclave en anglais. Qui peut oser depuis Lénine, Staline et … Poutine ? Or, nous savons tous que la foi en Islam est si ancrée sur le continent qu’on ne saurait tolérer longtemps encore ces pratiques dégradantes de Satan.
Nous ne devons plus passer à côté des drames et des désolations sans prêter attention au nom d’une neutralité religieuse mal inspirée. Je ne vous apprends rien en vous rappelant que le corps et l’esprit ne font qu’un. On ne peut donc prétendre se limiter à sauver des âmes sans se préoccuper des victimes des injustices, des violences, des inégalités et de la corruption des élites.
Chers Imams, Chers Amis, Chers Frères, la Renaissance de l’Afrique nous incombe à tous. Je garde l’espoir que les 30 jours passés dans la piété et l’adoration ne resteront pas une simple formalité ou une étape de la vie mais un engagement à la communion au-delà de votre communauté religieuse. La religion de paix et d’amour ne saurait limiter ses effets aux seules portes de vos mosquées.
Au nom d’Allah, le Clément et le Miséricordieux, recevez mes vœux de paix.
Vive le Bénin,
Vive la Renaissance de l’Afrique,
Bonne fête de Ramadan à tous
Affectueusement,
Nicéphore Dieudonné SOGLO
Ancien Président de la République