Le retour au pays jeudi de Laurent Gbagbo, après dix ans d’absence, se prépare.Voici ce que l’on sait sur cet évènement tant attendu.
Attendu jeudi 17 juin 2021 en milieu d’après-midi dans son pays, Laurent Gbagbo reste très populaire auprès de ses militants qui ont pris d’assaut le siège de son parti à Abidjan, constate Valérie Bony, la correspondante de BBC Afrique à Abidjan.
Au siège du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de gauche fondé par l’ancien président en 1982, la guerre des affiches fait rage et l’ambiance est déjà au rendez-vous.
Des milliers de t-shirts de plusieurs couleurs et formats sont confectionnés pour marquer le grand retour au pays de leur leader.
Plusieurs sortes de t-shirts commémorant le retour de M. Gbagbo sont en vente. Les pagnes sont déjà épuisés. Il faut commander maintenant pour les avoir, selon Valérie Bony.
Comment se passe le retour?
L’ancien président ivoirien va arriver en vol régulier et sera accueilli au pavillon présidentiel par des officiels de son parti, des membres de sa famille, des proches et peut-être des membres du gouvernement.
Pour le programme de la journée de jeudi, Laurent Gbagbo va se rendre au siège de l’ancien parti qui sera rouvert pour l’occasion.
Ensuite, il va se rendre à l’intérieur du pays pour se recueillir sur la tombe de sa mère, dans sa région natale dans l’ouest du pays, précise la correspondante de BBC Afrique à Abidjan.
Comme prévu dans son agenda, M. Gbagbo va revenir faire la visite de ses militants et de ses proches.
« Il n’est pas exclu qu’il soit reçu en audience par le président Ouattara », ajoute Valérie Bony.
Une page qui se tourne
Noura Dosso (G) et Youssouf, se tiennent près d’une fosse commune où ont été enterrés les corps d’une trentaine de personnes qui auraient été tuées le 12 avril 2011 par des miliciens pro-Gbagbo, dans le quartier populaire de Yopougon à Abidjan, le 5 décembre 2011
Le retour de Laurent Gbagbo après son acquittement à la CPI est perçu comme une page qui se tourne en Côte d’Ivoire.
Beaucoup y voit un encouragement, une consolidation de la réconciliation nationale, selon la correspondante de BBC Afrique à Abidjan.
Les observateurs s’attendent même à voir les trois hommes politiques Ouattara, Gbagbo et Bédié « s’assoir ensemble pour discuter de l’avenir du pays ».
A leur avis, « ils doivent parler d’une même voix pour apaiser les cœurs qui sont blessés par les différents conflits qui se sont passés en Côte d’Ivoire ».
L’analyste politique Sylvain Nguessan explique à BBC Afrique que le retour de Gbagbo va pacifier les relations entre les différents partis politiques du pays.
« Son arrivée va susciter une nouvelle dynamique dans l’arène politique. L’opposition va gagner en vitalité… L’opposition pourra retrouver ses lettres de noblesse et pourra participer à la vie politique de manière plus active et comme jadis, contribuer à la gouvernance d’une manière ou d’une autre », indique M. Nguessan.
Pour ce qui concerne la réconciliation en Côte d’Ivoire, le politique rappelle que « les douleurs sont personnelles. »
« La dame qui a perdu son mari, ce n’est pas l’arrivée de Laurent Gbagbo qui l’emmène à oublier tout ce qu’elle a vécu », dit-il.
Sylvain Nguessan estime qu’une discussion entre Gbagbo, Bédié et Ouattara n’est pas suffisant pour que les Ivoiriens se réconcilient. « Ce discours est assez limite », pense-t-il.
« Il faudra aller en profondeur, il faudra approcher véritablement les victimes, comme dans le processus que nous avons vu en Afrique du Sud et au Rwanda », explique-t-il.
Et de poursuivre : « si les victimes peuvent au moins extérioriser leurs blessures, ce qu’elles ont vécu en ce temps-là et que la République peut leur demander pardon, je pense que cela pourrait être mieux opérationnel ».
La crise postélectorale de 2010-2011 a fait plusieurs centaines de morts et des milliers de déplacés internes et externes.
De nombreux rescapés se sont réfugiés au Ghana, au Libéria, au Bénin, en Guinée, au Mali, au Niger, au Nigéria et au Burkina Faso.
Quel avenir politique pour Gbagbo ?
Après son arrestation le 11 avril 2011 à Abidjan, à l’issue des évènements post-électoraux de la présidentielle de 2010 et son incarcération auprès de la CPI à La Haye, l’avenir politique de Laurent Gbagbo a pris une toute autre tournure en Côte d’Ivoire.
Acquitté le 15 janvier 2019 par la CPI, Laurent Gbagbo est redevenu une force politique dans son pays.
L’ancien président Henri Konan Bédié, leader du PDCI, annonce le même jour une alliance avec Gbagbo.
Cette alliance est scellée en juillet 2019 en vue des élections générales de 2020.
En novembre 2019, la justice ivoirienne condamne Laurent Gbagbo à contumace à 20 ans de réclusion, pour le braquage supposé de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BECEAO) pendant la crise postélectorale de 2010-2011.
Le retour de l’ancien président en Côte d’Ivoire avant la présidentielle n’a pu être possible malgré le plaidoyer du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, décédé en juillet 2020.
La radiation de Gbagbo des listes électorales est confirmée le 25 août 2020.
Le 26 août, la coalition Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) annonce son intention de déposer la candidature de Gbagbo à la présidentielle du 31 octobre.
Ladite candidature est rejetée le 14 septembre 2020 par le Conseil constitutionnel ivoirien.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a récusé l’exclusion de l’ancien chef de l’Etat de la présidentielle de 2020.
Un appel au boycott actif de l’élection présidentielle est lancé par l’opposition qui conteste également la constitutionnalité d’un troisième mandat pour le président Ouattara.
L’opposition met en place un Conseil national de transition (CNT) et quelques leaders sont arrêtés.
Après des négociations entre le président Ouattara et Henri Konan Bédié, président du CNT, Laurent Gbagbo reçoit le 4 décembre 2020 un passeport ordinaire et un passeport diplomatique de la part des autorités ivoiriennes.
Avec BBC