Ce lundi 29 janvier, un citoyen béninois, Me Ayodélé AHOUNOU, avocat au Barreau du Bénin, a déposé un recours en inconstitutionnalité contre la proposition de loi portant révision de la constitution. Lire ci dessous l’intégralité du recours.
Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle du Bénin
COTONOU
Monsieur le Président,
Le requérant,
Ayodélé AHOUNOU, Avocat au Barreau du Bénin, de nationalité béninoise, demeurant et domicilié à son adresse pressionnelle, Cabinet d’Avocats A2 Investment Law Firm (A2LF), Carré 2216, Kouhounou, Tél. 40 63 65 40, Email. adm@a2investmentlawfirm.org, Site web : www.a2investmentlawfirm.org ;
A l’honneur de vous exposer :
÷ Que par une requête en date à Cotonou du 15 novembre 2023, enregistrée au secrétariat de la Cour de céans le 20 novembre 2023 sous le numéro 2128/304/REC-23, la Cour a été saisie d’un recours pour « dysfonctionnement des institutions de la République à l’occasion du parrainage des candidats à l’élection présidentielle de l’année 2026 » au moyen duquel le requérant a sollicité la mise en œuvre du pouvoir régulateur de la Cour à l’effet d’enjoindre à l’Assemblée nationale de modifier certaines dispositions du Code électoral ;
Qu’au soutien de son recours, ce requérant invoque les dispositions des articles 153-1, 153-2 al. 1er, 2 et 3, 153-3 al. 1er et de l’article 44 tous de la Constitution du Bénin ainsi que celles des articles 132 et 135 du Code électoral ;
Que ce requérant déduit de l’analyse synergique de ces textes que :
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- Les élections couplées législatives et communales seront organisées le dimanche 11 janvier 2026 ;
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- Les députés élus seront installés le dimanche 8 février 2026 ;
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- Les conseilleurs communaux élus entreront en fonction entre le dimanche 1er février et le dimanche 15 février 2026 ;
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- Le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu le dimanche 12 avril 2026 ;
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- Les actes de parrainages de députés et/ou de maires sont au nombre des pièces à déposer à la CENA par les candidats à l’élection présidentielle ;
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- Le dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle est prévu pour le jeudi 5 février 2026 ;
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- Les députés élus le 11 janvier 2026 ne pourraient pas être habilités à parrainer les candidats à l’élection présidentielle de 2026, le dépôt des dossiers pour cette élection devant être clôturé le jeudi 5 février 2026, donc avant le 8 février 2026 date de leur entrée en fonction ;
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- Après les élections des conseillers communaux le 11 janvier 2026, tous les maires ne pourraient pas être élus et installés avant la date du 05 février 2026 du dépôt des dossiers des candidats à l’élection présidentielle ;
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÷ Qu’en réponse à ce recours ainsi que cela résulte des mentions mêmes de la décision rendue par la Cour de céans en cette occurrence, le Président de la République a indiqué que « le requérant a soulevé un problème réel et sérieux » et a appelé à « la sagacité de la Cour pour y apporter une solution adéquate » ; le Président de l’Assemblée nationale, à son tour, a admis « l’effectivité et la pertinence des difficultés soulevées par le requérant » et a invité la Cour « à user de sa perspicacité habituelle pour apporter la solution idoine en vue du bon fonctionnement de la République, la garantie de l’État de droit et de la démocratie » ; enfin, le Président de la CENA a affirmé s’approprier les motivations de la requête dont il dit soutenir la pertinence et le bien-fondé tout en ajoutant qu’« une revue de plusieurs autres dispositions du code électoral est nécessaire en vue d’une meilleure organisation des prochaines élections » ;
Que donc, tous les présidents d’institutions impliqués directement ou indirectement dans l’organisation des élections et l’édiction des lois ainsi que particulièrement le Chef de l’État, Chef du Gouvernement et détenteur du Pouvoir exécutif, s’en sont remis à l’autorité du pouvoir régulateur de la Cour constitutionnelle aux fins de règlement du problème de parrainage soulevé ;
Que c’est ainsi que, après avoir déclaré irrecevable la demande du requérant, la Haute Cour s’est saisie d’office de la question des parrainages à elle soumise en relevant en cette espèce la violation du droit de l’égalité de tous devant la loi ;
Que pour caractériser l’atteinte audit droit, la Cour a visé les dispositions des articles 157-1, 157-2, 153-2 al. 2 et 3, tous de la Constitution, et celles des articles 135, 8, 44 et 132 tous du Code électoral ;
Que la Cour a alors retenu de l’interprétation de ces textes que :
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- le mandat des députés élus en 2023 expire le 08 février 2026 et celui des conseillers élus en 2020, du 1er au 15 février 2026, suivant le calendrier de l’installation de leurs successeurs ;
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- le premier tour de l’élection présidentielle a lieu le dimanche 12 avril 2026 et que les candidats ont jusqu’au 05 février 2026 pour déposer leurs dossiers à la CENA ;
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Que la Haute juridiction a en conséquence relevé :
« Que le parrainage étant requis des députés et maires en fonction avant la clôture du dépôt des dossiers de candidature, les députés issus des élections législatives de 2023 sont tous en droit de parrainer les candidats à l’élection présidentielle de 2026, ce qui n’est pas le cas pour tous les maires ;
Qu’en effet, seuls les maires issus des élections communales de 2020 et ceux élus lors des élections générales de 2026 et installés entre le 1er et le 05 février 2026 pourront procéder au parrainage » ;
Que dès lors, elle a indiqué :
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- qu’« une telle situation crée manifestement une rupture d’égalité entre les maires dans la mesure où certains maires issus des élections communales de 2020 ne seraient plus en droit de parrainer les candidats à l’élection présidentielle en 2026 »
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Qu’ainsi, la Cour a conclu que :
« L’application du code électoral, tel quel, pour les élections générales de 2026, porte atteinte au principe d’égalité », droit fondamental prévu à l’article 26 de la Constitution ;
Mais que ce Code électoral ayant déjà été déclaré conforme à la Constitution par décision DCC 19-525 du 14 novembre 2019, la Cour a rappelé que :
L’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la Cour ne s’oppose pas à un examen a postériori de la loi ayant précédemment fait l’objet d’un contrôle a priori, si celui-ci a laissé subsister une atteinte sérieuse à un droit garanti par la Constitution ;
Que c’est dans ces conditions que la Cour a, par décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024 précitée, invité l’Assemblée nationale à modifier le Code électoral aux fins de « rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires » ;
÷ Qu’alors donc que tout le peuple était légitimement en attente de la mise à exécution avec diligence nécessaire de cette décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024 qui vise uniquement l’arrimage du Code électoral à la Constitution, les réseaux sociaux seront pris d’assaut par un document certes non authentifié, mais faisant état d’une proposition de loi portant modification de la Loi fondamentale de notre pays qui aurait été adressée à l’Assemblée nationale ;
Que cet acte est contraire à la Constitution ;
Qu’il y a donc lieu de saisir la Haute Cour de céans aux fins de la voir le déclarer comme tel ;
Mais qu’il sied avant le fond (III), d’argumenter sur la compétence (I) de la Cour de céans ainsi que sur la recevabilité du présent recours (II).
I- SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR
÷ Que conformément aux dispositions de l’article 114 de la Constitution,
« La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle …» ;
Qu’il s’infère en outre des dispositions de l’article 3 in fine de la même Loi fondamentale, que la Cour constitutionnelle connaît de la constitutionnalité de toute loi, tout texte réglementaire ou de tout acte présumés inconstitutionnels ;
Que ces dispositions investissent donc la Cour constitutionnelle du pouvoir général de contrôle constitutionalité ;
÷ Qu’or, en l’espèce, le requérant évoque, au moyen du présent recours, une question de constitutionalité ;
Que dès lors, il y a pour la Cour de céans de se déclarer compétente pour connaître du présent recours.
II- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PRÉSENTE REQUÊTE
÷ Qu’il s’infère des dispositions de l’article 3 in fine de la Constitution, que
« (…) tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels » ;
Que le Règlement Intérieur de la Cour reprend cette habilitation générale en son article 32 ;
Qu’aux termes des dispositions de l’article 20 de la Loi N°2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle,
« La Cour constitutionnelle est saisie par requête dans les formes et modalités fixées au règlement intérieur » ;
Qu’il est à déduire de ces textes que d’une façon générale, tout citoyen est recevable à soulever devant la Cour toute question se rapportant à la violation de la Constitution aux fins de la voir la sanctionner ;
Que le citoyen est l’« individu jouissant, sur le territoire de l’Etat dont il relève, des droits civils et politiques »[1] ;
÷ Qu’en l’espèce, d’une part, le requérant est un béninois jouissant au Bénin de tous ses droits civils et politiques ;
Qu’il est donc un citoyen béninois ;
Que d’autre part, le requérant soulève au moyen du présent recours, une question portant sur la violation de la Constitution par un acte intervenu dans l’ordre juridique de notre pays tout en sollicitant, qu’il plaise à la Cour, déclarer ledit acte contraire à la Constitution ;
Que dès lors, il y a lieu de déclarer le requérant recevable en sa requête.
III- SUR LE BIEN-FONDÉ DE LA PRÉSENTE REQUÊTE
Que le bien-fondé du présent recours procède de l’inconstitutionnalité de la proposition de loi en cause, laquelle découle aussi bien de la violation des dispositions de l’article 124 al. 2 et 3 de la Constitution (A) que de la méconnaissance de la supériorité, sur tout autre pouvoir ou prérogative de membres des institutions de la République, du pouvoir régulateur dont est constitutionnellement investie la Cour constitutionnelle (B) ;
A- Sur la violation des dispositions de l’article 124 al. 2 et 3 de la Constitution
÷ Qu’aux termes des dispositions de l’article 124 al. 2 et 3 de la Constitution,
« Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles » ;
Que la Loi N°2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle martelant la force exécutoire résultant de ce texte, dispose en son article 20 al. 3 et 4 que :
Les décisions et avis de la Cour constitutionnelle « ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils doivent être exécutés et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques ou morales.
Ils doivent en conséquence être exécutés avec la diligence nécessaire » ;
÷ Qu’il résulte de ces dispositions que, d’une part, la Cour constitutionnelle ne se situe dans un quelconque ordre juridictionnel ;
Qu’ d’autre part, ses décisions ne peuvent relever d’aucune des juridictions situées au sommet de l’un des ordres juridictionnels existant[2] ;
Qu’enfin, que les décisions de la Cour constitutionnelle sont revêtues de la force exécutoire et de l’autorité absolue de chose jugée en ce qu’elles s’imposent aussi bien aux parties, mais également aux pouvoirs publics, à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ainsi qu’à toutes les personnes physiques ou morales, et en ce qu’elles ne sont susceptibles d’aucun recours suspensif ou non suspensif d’exécution ;
Que cette force exécutoire telle qu’on la comprend en droit civil[3], est dans la pratique considérée par la Cour Constitutionnelle voire par la doctrine constitutionnaliste[4], comme se confondant à l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la Cour ou procédant de celle-ci ;
÷ Que rappelant le contenu de cette force exécutoire ou cette autorité de la chose jugée, la Cour de céans, dans sa décision DCC 18-075 du 15 mars 2018, a jugé ce qui suit :
« Considérant qu’aux termes de l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution : « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles » ; que l’article 34 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle précise qu’« …Elles doivent en conséquence être exécutées avec la diligence nécessaire » ; qu’il en résulte que les décisions de la Cour constitutionnelle sont revêtues de l’autorité de la chose jugée ; que de jurisprudence constante de la Cour, cette autorité de la chose jugée impose à l’Administration une double obligation, à savoir, d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle, d’autre part, l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision ;
Qu’à travers cette décision, la Cour indique que cette autorité de la chose jugée recèle deux obligations fondamentales ;
Qu’en effet, la première consiste, à charge du ou des débiteurs de l’obligation contenue dans la décision, à « prendre toutes les mesures pour exécuter la décision » ;
Que la seconde consiste dans « l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision » ;
Que c’est la seconde obligation qui nous intéresse particulièrement en la présente cause ;
÷ Qu’en effet, selon le Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’André LALANDE, la contradiction est l’ « Acte de contredire »[5] ;
Qu’en outre, ce qui est contradictoire est ce « qui contredit une affirmation, un fait », selon le dictionnaire en ligne Larousse ;
Que d’après la même source, « contredire », c’est « Être en opposition avec quelque chose, aller à l’encontre d’une évolution, d’une tendance, etc. » ;
Que dès lors, « ne rien faire qui soit en contradiction » avec une décision de la Cour constitutionnelle signifie de rien faire qui soit en opposition à ladite décision, ou qui soit autre chose que ce que ladite décision a ordonné ;
Que cette contradiction serait d’autant plus prégnante que cette « autre chose » qui est faite en contradiction avec ou parallèlement à la chose ordonnée, interviendrait pour résoudre la question pour la résolution de laquelle la Cour a rendu la décision à laquelle la contradiction s’applique ;
÷ Qu’en l’espèce, le député auteur de la proposition de loi objet du présent recours, dans l’exposé des motifs de son acte, a procédé ainsi qu’il suit :
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- Comme dans la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024, il cite les dispositions des articles 153-1, 153-2, 153-3;
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- Il relève que l’article 153-1 « manque de préciser, en ce qui concerne la présidentielle, qu’il s’agit de l’élection du duo président de la République et vice-président de la République» ;
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- Il mentionne que ce texte, en établissant l’ordre des élections au cours de l’année électorale, « fait précéder les élections législatives et communales de celle du duo président de la République et vice-président de la République. Or, l’ordre ainsi établi, d’une part, révèle des dysfonctionnements sur le terrain pratique et, d’autre part, affecte la nature du régime présidentiel» ;
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- Il indique en effet que « Sur le terrain pratique (…), l’organisation des élections législatives et communales avant l’élection du duo président de la République et vice-président de la République rend difficile l’organisation de la délivrance des parrainages par les élus procédant tous d’une même origine électorale» ;
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- Dès lors, l’auteur évoque la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024 en des termes suivants : « La décision DCC n°24-001 du 4 janvier 2024 a révélé quelques aspects de la rupture d’égalité entre les parrains de sorte que la haute juridiction a enjoint à la Représentation nationale de procéder à la correction du Code électoral » ;
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Que par suite, toujours dans l’exposé des motifs, l’auteur soutient:
D’une part, que « si la Constitution confère aux élus nationaux et communaux le pouvoir de parrainer les candidats à l’élection du duo président de la République et vice-président de la République, c’est en raison de leur légitimité politique. Or, en l’état actuel du dispositif, certains élus auraient parrainé en ayant perdu les élections ou en n’étant plus candidats à ces élections » ;
D’autre part, que « L’élection présidentielle est l’élection majeure dans un régime présidentiel. Parce que le président de la République est le titulaire du pouvoir exécutif et la clé de voute du régime constitutionnel et du système politique. A ce titre, l’élection du duo président de la République et vice-président de la République devrait être le fer de lance des séquences politiques déterminée par l’alignement des mandats électifs. L’organisation des élections législatives et communales avant celle du duo président de la République et vice-président de la République n’est pas conforme à la nature présidentielle de gouvernance politique, économique et sociale » ;
Qu’enfin, le député auteur de la proposition de loi en cause querelle la pertinence de l’existence simultanée dans la Constitution, des dispositions de l’article 153-1 al. 2 et 3 et celles de l’article 81 dont il estime que les premières constituent « une réitération inutile et confuse » des secondes ;
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Que c’est eu égard à tout ce qui précède qu’il introduit sa proposition de loi aux fins de révision de la Constitution ;
Mais que c’est à tort, car en procédant ainsi qu’il l’a fait, le député auteur de cette proposition de loi a manqué à l’exécution de la décision DCC 24-001 du 24 janvier 2024 au moyen de laquelle la Cour de céans, après s’être saisie d’office de la question centrale des parrainages dans le cadre de l’élection présidentielle d’avril 2026, et après avoir visé toutes les dispositions reprises par le texte en cause, a indiqué, dans l’exercice de son pouvoir régulateur et sur le fondement dudit pouvoir, la voie de la solution en invitant l’Assemblée nationale à procéder plutôt à la révision du Code électoral ;
÷ Qu’en effet, avant tout, il n’échappera point à la Cour que c’est la question des parrainages que l’auteur de la proposition de loi en cause entend faire régler par son acte ;
Qu’ensuite, il sied de rappeler que les Articles 2 et 3 du dispositif de la décision DCC 24-001 du 24 janvier 2024 sont libellés ainsi qu’il suit :
« Article 2 : Se prononce d’office.
Article 3 Dit que l’Assemblée nationale est invitée à modifier le code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral. » ;
Que donc par cette décision, la Cour constitutionnelle invitait tacitement mais certainement et par voie de conséquence nécessaire, tous ceux qui sont constitutionnellement investis de la prérogative d’initiation des projets et propositions de loi dont les membres de l’Assemblée nationale, à mettre en œuvre ladite prérogative dans plutôt le sens de la révision du Code électoral ;
Qu’or, c’est en qualité de membre de l’Assemblée nationale que l’auteur du texte incriminé a saisi ladite institution ;
Qu’alors, en lieu et place d’une proposition de loi tendant à la révision du Code ainsi que la Cour constitutionnelle l’a exigé, et de la prise en compte des injonctions de ladite Cour opérant dans l’exercice de son pouvoir constitutionnel de régulation, c’est plutôt une prétendue proposition de loi visant la révision de la Constitution elle-même que le député auteur du texte en cause a cru devoir introduire à l’Assemblée nationale ;
Qu’or, la force exécutoire attachée aux décisions de la Cour constitutionnelle en vertu de l’article 124 de la Constitution impose à tous, et particulièrement aux débiteurs de l’obligation contenue dans ladite décision, une double obligation à savoir, d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle, d’autre part, l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision
Qu’il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que la proposition de loi portant révision de la Constitution en cause a délibérément méconnu les dispositions de l’article 124 al. 3 et 4 de la Constitution ;
Qu’il y a donc lieu de la déclarer contraire à la Constitution et de dire et juger que son auteur a violé la Constitution.
B- Sur la méconnaissance de la supériorité constitutionnelle du pouvoir régulateur de la Cour constitutionnelle
Qu’aux termes des dispositions de l’article 114 de la Constitution,
« La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics » ;
Que la « régulation », prise dans son sens originel, évoque « la description d’un système global et la fonction qui maintient et reproduit l’ordre de ce système »[1] ;
Que de là, la doctrine retient que « la régulation se fonde sur l’esprit et la lettre de la Constitution laquelle trace la base du système, les valeurs et les objectifs fondateurs du système politique »[2] ;
Que dès lors, l’on comprend aisément que le titulaire du pouvoir de régulation puisse disposer d’une « marge d’initiative »[3] qui fait de lui un acteur qui s’immisce légitimement dans le fonctionnement des institutions[4] afin de rétablir, de faire rétablir et d’imposer l’ordre et la voie à suivre pour l’équilibre du système tout entier ;
÷ Qu’en l’espèce, certes, les propositions de loi relèvent d’une prérogative dont la Constitution a investi les membres de l’Assemblée nationale ;
Mais que si en principe, cette prérogative doit être librement exercée, cette liberté n’est nullement absolue ;
Qu’en effet, d’une part, le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale par exemple prévoit déjà des cas d’irrecevabilité de propositions de loi (article 74.4 et 74.5 par exemple) ;
Que d’autre part et plus fort, aucun exercice de prérogatives constitutionnelles par des membres d’institution ne saurait, dans la hiérarchie des valeurs ou des normes, être placé au-dessus du pourvoir régulateur de la Cour constitutionnelle ;
Que la Cour de céans a elle-même déjà eu par le passé l’occasion d’affirmer cette supériorité de son pouvoir régulateur sur tout autre pouvoir d’où qu’il procède, dans sa décision DCC 18-075 du 15 mars 2018, et ce, pour sanctionner des agissements du président de l’Assemblée nationale d’alors qui, pourtant, soutenait avoir agir conformément au Règlement Intérieur de son institution ;
Qu’en cette espèce en effet, la Cour a jugé que :
« Considérant que dans sa décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017, la Cour a dit et jugé : « L’Assemblée nationale doit procéder à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI (…) au plus tard, le jeudi 21 décembre 2017 » ; que cette décision a été notifiée au secrétariat administratif de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2017 qui l’a notifiée au secrétariat particulier du Président de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2017 ; que le Président de l’Assemblée nationale qui, aux termes de l’article 42 du règlement intérieur de l’Institution, « dirige les débats, donne la parole, met les questions aux voix, proclame les résultats des votes, fait observer le règlement intérieur et maintient l’ordre » au sein de l’Institution, en somme, conduit l’Assemblée nationale, affirme avoir pris connaissance de ladite décision le 15 décembre 2017 ; que cependant, bien qu’ayant pris connaissance de cette décision, il n’a pas fait diligence tel que l’y invite l’article 34 suscité de la loi organique sur la Cour constitutionnelle pour la faire exécuter ; qu’en effet, le délai imparti à la représentation nationale pour procéder à la désignation de ses représentants au sein du COS-LEPI s’est écoulé sans que cette dernière ne l’ait fait ; que le Président de l’Assemblée nationale justifie son attitude par sa volonté de respecter le règlement intérieur de son Institution qui exige en son article 78 que la procédure d’urgence ne puisse être mise en œuvre que si elle est sollicitée par 10 députés au moins, ce qui n’a pas été le cas ;
Considérant que les décisions de la Cour devant être exécutées avec la diligence nécessaire, conformément à l’article 34 précité de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, l’exécution de la décision DCC 17-262 du 17 décembre 2017 de la Cour nécessitait la mise en œuvre de la procédure d’urgence ; qu’ainsi, au nom de la force obligatoire rattachée aux décisions de la Cour, la question de la mise en œuvre de la procédure d’urgence pour l’exécution de la décision en cause n’était plus à discuter au sein du Parlement ; que cette procédure devrait s’imposer à la représentation nationale ; que n’ayant pas procédé ainsi, il y a lieu pour la Cour de constater que l’Assemblée nationale a délibérément décidé de ne pas se conformer à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 ;
Qu’eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de dire et juger que le député auteur de la proposition de loi portant révision de la Constitution introduite à l’Assemblée nationale a également violé les dispositions de l’article 124 de notre Constitution.
PAR CES MOTIFS
Et par tous autres à déduire par la Cour s’il échet
Le requérant sollicite qu’il plaise à la Haute Cour :
SUR LA COMPÉTENCE
Constater que le requérant soumet à la Cour une question de constitutionnalité ;
EN CONSÉQUENCE
Se déclarer compétente en vertu des dispositions des articles 114 al et 3 in fine de la Constitution ;
SUR LA RECEVABILITÉ
Constater que le requérant est un béninois jouissant de ses droits civils et politiques ;
Constater que le requérant sollicite au moyen du présent recours de la Cour de bien vouloir déclarer inconstitutionnel un acte intervenu dans l’ordre juridique de notre pays ;
EN CONSÉQUENCE
Déclarer le requérant recevable en sa requête en vertu des dispositions des articles 3 in fine de la Constitution, 32 du Règlement Intérieur de la Cour ainsi que de l’article 20 de la Loi N°2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle ;
SUR LE BIEN-FONDÉ DU RECOURS
. Sur la violation des dispositions de l’article 124 ALINÉAS 2 et 3 de la Constitution
Constater que le député auteur de la proposition de loi objet du présent recours, dans l’exposé des motifs de son acte, cite la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024 rendue par la Cour de céans ainsi que les dispositions des articles 153-1, 153-2 et 153-3 de la Constitution ;
Constater que par cette proposition de loi portant révision de la Constitution, l’auteur entend faire résoudre par l’Assemblée nationale le problème lié au parrainage qui se posera lors de l’élection présidentielle du 12 avril 2026 ;
Constater que la Cour de céans, par la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024, après s’être saisie d’office a, sous le visa, entre autres, de toutes les dispositions reprises par le député dans sa propositions de loi, et exerçant son pouvoir régulateur, montré la voie à suivre en invitant l’Assemblée nationale à procéder plutôt à la révision du Code électoral ;
EN CONSÉQUENCE
Dire et juger que la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024 de la Cour de céans invitant l’Assemblée nationale à modifier le Code électoral, invitait ainsi tacitement mais certainement et par voie de conséquence nécessaire, tous ceux qui sont constitutionnellement investis de la prérogative des projets et propositions de loi à mettre en œuvre cette prérogative dans le sens indiqué par la Cour ;
Dire et juger que la force exécutoire et l’autorité de la chose jugée attachées aux décisions de la Cour constitutionnelle en vertu des dispositions l’article 124 de la Constitution, imposent à tous, et particulièrement aux débiteurs des obligations contenues dans ladite décision, une double obligation, à savoir, d’une part, l’obligation de prendre toutes les mesures pour exécuter la décision juridictionnelle, d’autre part, l’obligation de ne rien faire qui soit en contradiction avec ladite décision ;
Dire et juger subséquemment qu’en procédant ainsi qu’il l’a, le membre de l’Assemblée nationale qui a introduit le projet de loi en cause pour régler la question des parrainages objet de la DCC 24-001 du 04 janvier 2024 de la Cour de céans a violé l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire des décisions de la Cour constitutionnelle consacrées à l’article 124 de la Constitution ;
Dire et juger subséquemment que la proposition de loi en cause est intervenue en violation de la Constitution ;
Dire et juger subséquemment que l’auteur de ladite proposition a violé la Constitution.
. Sur la méconnaissance de la supériorité constitutionnelle du pouvoir régulateur de la Cour constitutionnelle
Dire et juger que la régulation se fondant sur l’esprit et la lettre de la Constitution laquelle trace la base du système, les valeurs et les objectifs fondateurs du système politique, le titulaire du pouvoir de régulation dispose d’une marge d’initiative qui fait de lui un acteur qui s’immisce légitimement dans le fonctionnement des institutions afin de rétablir, de faire rétablir et d’imposer l’ordre et la voie à suivre pour l’équilibre du système tout entier ;
Dire et juge que la proposition de loi en cause empruntant autre voie que celle indiquée par la Cour constitutionnelle dans l’exercice de son pouvoir régulateur, a méconnu la supériorité constitutionnelle dudit pouvoir ;
Dire et juger pour ce motif également, que l’auteur de la proposition de loi en cause a violé la constitution en son article 114.
SOUS TOUTES RÉSERVES
ET CE SERA JUSTICE
Cotonou, le 29 janvier 2024
[1]– S. GUINCHARD (dir.), Lexique des termes juridiques, éd. Dalloz, 2020, p. 182
[2]– Cf. sur cette analyse, M. VERPEAUX (Professeur à l’Université Panthéon- Sorbonne (Paris-I) et Directeur du Centre de recherche en droit constitutionnel), « Brève considérations sur l’autorité des décisions du Conseil Constitutionnel », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, N° 30 (Dossier Autorité des décisions) [en ligne], janvier 2011, https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel
[3]– Cf. par exemple article 569 du Code de Procédure Civile, Commerciale Sociale Administraive et des Comptes ; en doctrine civiliste, cf. S. GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, éd. Dalloz, 2017-2018, p ; 1393.
[4]– Ibid.
[5]– A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, éd. PUF, 2018, p. 184.
[6]– G. MARCOU, « La notion juridique de régulation », Actualité Juridique Droit Administratif, 2006, p. 347, cité par N. Médé, « La fonction de régulation des juridictions constitutionnelles en Afrique francophone », Annuaire Internationale de Justice Constitutionnelle, 2008, p. 46.
[7]– N. MÉDÉ, article préc., ibid.
[8]– A. MANESSIS, cité par N. BARBAROUSSIS, op. cit., p. 245, cité par N. Médé, N. Médé, article préc., p. 46.
[9]– M.-M MBORANTSUO, La contribution des cours constitutionnelles à l’Etat de droit en Afrique, Paris, Economica, 2007, p. 241, cité par N. Médé, article préc., p. 47.