« Le recours du parti Les démocrates, une saisine de trop ». C’est le titre d’une opinion du juriste Franck OKE, parvenu à notre rédaction. Lisez plutôt.
L’opposition n’a pas pour vocation que d’attaquer, de contrer ou de revendiquer à tout va. Face à l’évidence, il faut apprendre parfois à s’incliner, à s’effacer, à faire profil bas.
Il n’y a pas si longtemps, c’était dans un concert général de soutiens à la minorité parlementaire représentée exclusivement par le parti Les démocrates, que les vicaires de la multitude avaient exhumé la décision DCC 009-002 du 8 janvier 2009 afin de faire savoir à qui de droit, à la suite du juge constitutionnel, la détermination du peuple béninois de créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis , protégés et promus. Par ailleurs, cette décision précise que la démocratie pluraliste suppose, entre autres, la garantie des droits de la minorité et la participation de tous à la gestion des affaires publiques. Le juge soutient que ce droit se traduit au sein de l’Assemblée nationale par le respect de sa configuration, reflet des deux composantes que sont la majorité et la minorité parlementaires, et ce , quel que soit le nombre de groupes parlementaires composant l’une ou l’autre de ces deux catégories. Et à la cour constitutionnelle de conclure que la prise en compte de cette configuration politique implique la répartition proportionnelle dans la *désignation des députés* appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’État.
Soulignons au passage que cette jurisprudence, de production laborieuse, a bel et bien précisé la nature des désignations en rappelant que celles-ci concernent les députés appelés à représenter l’institution parlementaire dans les différents organes supra évoqués.
Par conséquent, cette décision ne peut être brandie dans un contexte de nomination de membres de la cour constitutionnelle pour plusieurs raisons.
D’abord un rapide rappel des dispositions de l’article 115 de la loi No 2019 – 40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi No 90 – 032 du 11 décembre 1990 portant constitution en République du Bénin , précise que la cour constitutionnelle est composée de sept membres *dont quatre sont nommés par le bureau de l’Assemblée nationale* et trois par le président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelables une seule fois.
Cette disposition constitutionnelle se trouve renforcer par celle de *l’article 17.2 -c du règlement intérieur de l’Assemblée nationale* qui fait partie du bloc de constitutionnalité en République du Bénin depuis la décision DCC 98 – 039 du 14 avril 1998 et qui dispose que le bureau de l’Assemblée nationale nomme quatre (4) des sept (7) membres de la cour constitutionnelle ainsi qu’il est prévu à l’article 115 de la constitution.
Une lecture croisée des dispositions de l’article 115 alinéa 1er de la constitution et de l’article 17.2 – c. du règlement intérieur de l’Assemblée nationale permet de constater qu’aucune procédure spécifique pour la nomination des quatre membres de la cour constitutionnelle par le bureau n’est prévue à cette fin. Et de coutume, ces nominations ont dû se faire sur la base de la tendance majoritaire du bureau de l’Assemblée nationale. Cette situation, déplorable au passage, traduit néanmoins une réalité juridique qu’aucune décision de la cour n’a pu jusqu’à présent remettre en cause.
Par ailleurs, l’évocation de la décision DCC 009 – 02: pour contester la démarche du bureau de l’Assemblée nationale ne semble guère fondée puisque le juge constitutionnel avait expressément précisé que le respect de la configuration de l’Assemblée nationale érigée en principe à valeur constitutionnelle, s’applique à la désignation *des députés* appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’État. Cette exigence ne s’étend donc pas à la nomination par le bureau de l’Assemblée nationale des membres de la cour constitutionnelle qui au passage ne sont pas députés à l’Assemblée nationale.
La jurisprudence constitutionnelle sur la configuration de l’Assemblée nationale n’est donc pas d’application élastique, et il sied, pour la majesté de la justice constitutionnelle, de ne pas sortir des digues érigées par le juge et dont nous avons fait mention plus haut.
Je voudrais pour terminer mon propos, inviter mes bien aimés élus de la minorité politique, tout en saluant leur noble contribution à la restauration de la démocratie parlementaire, de se garder d’un usage immodéré de la saisine du juge constitutionnel, notamment lorsque cela ne semble pas vraiment nécessaire.
De toutes les façons, même si nous pouvons concéder aux nouveaux membres de la cour constitutionnelle, une présomption de compétence, il n’en demeure pas moins, qu’ils restent des affiliés du pouvoir en place et qu’il pèse sur eux de fortes appréhensions qu’il convient de faire tomber pour le bonheur de tous et pour le bien de notre démocratie largement éprouvée.
Franck OKE