Jeudi 24 août, au lendemain du crash aérien fatal au chef du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, Vladimir Poutine a présenté ses condoléances aux proches des victimes qui ont apporté une « contribution significative » en Ukraine. Parmi les autres passagers du vol, certains étaient passés par des théâtres d’opération du groupe Wagner en Afrique, notamment en RCA.
Outre Evgueni Prigojine, le bras droit de ce dernier, Dmitri Outkine, fait également partie des victimes du crash d’avion du 23 août. C’est lui qui a donné son nom de code au groupe, choisi, dit-on, en raison de son admiration pour le IIIe Reich dont il porte les emblèmes, tatoués sur le torse. Le compositeur Richard Wagner était considéré comme le musicien favori d’Aldolf Hitler.
Ancien des forces spéciales du GRU, le service de renseignement militaire russe, Outkine a opéré en Syrie, puis en Ukraine, avant de prendre le commandement militaire de Wagner. Il aurait lui-même supervisé la contre-offensive contre les rebelles en Centrafrique début 2021, si l’on en croit le film Tourist, produit par Wagner, bien qu’aucun document ne le prouve encore.
Autre passager à bord de l’avion : Valery Chekalov, un personnage clé du système Prigojine. Il dirigeait la société Evropolis, signataire d’un contrat avec le gouvernement syrien pour la protection de ses champs pétroliers. Il aurait aussi eu à gérer l’approvisionnement en armes de Damas. Valery Chekalov serait le « grand logisticien et l’administrateur principal » du groupe paramilitaire, selon Lou Osborn, du collectif All Eyes on Wagner.
Aleksandr Totmin, matricule M-5534, aurait quant à lui servi au Soudan, où le groupe exploite les ressources aurifères depuis 2017, en échange de contrats d’armement. Enfin, Evgueni Makaryan, membre de Wagner depuis 2016, opérait en Centrafrique avant d’être blessé en Libye, selon le chercheur américain Jack Margolin.
Malgré ces disparitions de figures importantes de l’état-major de Wagner, le groupe peut survivre et poursuivre ses activités en Afrique, mais certainement de manière différente. Il devra composer sans la personnalité tonitruante de Prigojine, lequel s’impliquait personnellement dans les opérations, n’hésitait pas à se montrer sur le terrain et à rencontrer ses clients. L’une des dernières images de lui est d’ailleurs une photo où il apparaît avec le chef du protocole du président centrafricain lors du sommet Afrique-Russie de Saint-Pétersbourg.
Wagner devra aussi faire sans la super-structure financière bâtie au fil des ans par Prigojine autour de sa personne, et qui est devenue indispensable au fonctionnement de Wagner. Néanmoins, les activités en Afrique devraient a priori se poursuivre. « Les enjeux sont trop importants et il y a des contrats à honorer », selon le chercheur spécialiste du groupe John Lechner. Wagner a su se rendre indispensable, tant aux régimes africains qu’il protège qu’au Kremlin, dont il assure le rayonnement sur le continent.
L’hypothèse qui semble se dessiner, selon les chercheurs, est celle d’une reprise en main par l’État russe, peut-être au travers d’autres sociétés militaires privées, liées au ministère de la Défense et au GRU. Mais aucune n’a, pour l’instant, les capacités et la connaissance du terrain nécessaires pour se substituer à Wagner. Pourtant, même si Prigojine et ses hommes semblent difficilement remplaçables, « sa mort ne change en rien les ambitions russes en Afrique », indique Lou Osborn.