Conférence inaugurale des premières Journées Vétérinaires du Bénin : Professeur Abiola parle de la profession vétérinaire en Afrique subsaharienne, évolution et enjeux

Société

Les premières Journées Vétérinaires du Bénin ont été ouvertes au Palais des congrès jeudi 26 septembre 2024.La conférence inaugurale de ces journées qui prennent fin samedi 28 septembre porte sur « La profession vétérinaire en Afrique subsaharienne : évolution et enjeux ». Elle a été donnée par Professeur François Adébayo Abiola.

« La profession vétérinaire en Afrique subsaharienne : évolution et enjeux »

Professeur François Adébayo Abiola

Ancien président du conseil de l’Ordre des médecins vétérinaires du Bénin

francois.abiola@yahoo.fr

Permettez-moi d’abord de remercier le Conseil de l’Ordre des médecins vétérinaires du Bénin pour cette initiative : tenir des journées dédiées aux sciences et médecine vétérinaires et à la profession vétérinaire.

 

Je remercie également ceux qui ont aidé les membres de ce Conseil à tenir bon pour permettre notre présence dans cette salle. Je n’oublie pas également ceux-là qui pour des raisons peut-être justifiées n’en voulaient pas. Ce qui est bon pour la majorité d’entre nous a eu raison du reste. En tout cas, nous sommes là et pour paraphraser quelqu’un : nous allons make noise pendant 3 jours.

 

Le privilège me revient de lancer la conférence inaugurale autour du thème suivant :

 

« La profession vétérinaire en Afrique subsaharienne : évolution et enjeux ».

 

Je le ferai autour des 6 axes suivants

 

  • Quelques éléments pour l’historique ;
  • La naissance de la profession vétérinaire à Lyon ;
  • La naissance de la profession vétérinaire en Afrique subsaharienne ;
  • La naissance de la profession vétérinaire au Bénin ;
  • L’évolution de la profession avec les ajustements structurels : la privatisation des activités de la profession vétérinaire ;
  • Les enjeux et les défis actuels pour la profession vétérinaire.

 

  1. Quelques éléments d’historique

Aussi longtemps qu’on remonte dans le temps, il est admis que l’histoire de la médecine vétérinaire retrace l’évolution des soins aux animaux depuis les premiers temps de leur domestication. Parmi ces animaux, le cheval était le plus concerné.  Ainsi, les chevaux étaient particulièrement suivis et largement décrits par les auteurs antiques du fait de ce qu’ils représentent pour la société.  Ils participaient non seulement aux travaux agricoles, mais aussi aux  conquêtes militaires et au développement du commerce qu’on voulait toujours s’étendre plus rapidement vers les autres contrées[1]. Le cheval était le seul animal noble digne de soins et tout y avait été mis. Les grecs vont alors créer l’hippologie et l’hippiatrie.

L’hippologie est l’étude des sciences du cheval dans sa globalité. Elle comprend la description de l’anatomie du cheval ainsi que son comportement et son entretien. L’hippiatrie est la forme ancienne de la médecine vétérinaire qui concerne les chevaux, et plus généralement du savoir relatif  aux maladies des équidés et des traitements possibles.

Dans les campagnes et pendant des siècles, ceux qui sont en contact permanent avec ces animaux rivalisaient d’ingéniosités empiriques pour leurs soins : des maréchaux-ferrants, des palefreniers, des entraineurs de chevaux, des écuyers, des moniteurs d’équitation, des bergers, des forgerons, des équarrisseurs  et même des charlatans qui dispensaient leurs pratiques et leurs remèdes aux chevaux et au bétail. Tous ces pratiquants  estimaient qu’ils étaient compétents pour appliquer au cheval et autres animaux les remèdes à leur connaissance sans autre fondement que le bouche-à-oreille, les remèdes les uns les plus incohérents que possibles et mêmes les plus inutiles. Cette médecine populaire fait appel à des recettes anciennes à base de plantes, de suppurations provoquées, de scarifications et de cautérisations révulsives et de saignées.

Ainsi, le traitement des maladies animales relevait de pratiques empiriques. Au mieux c’était un art au sens où l’entend l’encyclopédie. Dans une France préoccupée essentiellement de céréalière, le soin du bétail était négligé, abandonné aux bergers, aux castreurs, aux forgerons et autres guérisseurs. Seul le cheval était digne d’intérêt.

Partout en France au  XVIIIe siècle effectivement, écuyers civils et militaires, souvent issus de la noblesse, entendaient se réserver le traitement des chevaux, même si leur savoir était tout relatif. Une « compétence » également revendiquée par de modestes maréchaux-ferrants qui prodiguaient des soins et des remèdes aux animaux malades. Pour autant, écuyers et maréchaux restent prisonniers d’un empirisme traditionnel et sont impuissants à juguler les épizooties qui décimaient les troupeaux et les corps de cavalerie[2].

Portés par l’esprit des philosophes des années Lumières, les élites sociales ont accordé dans la seconde moitié du XVIIIème  siècle un intérêt grandissant aux questions économiques et sociales. Le courant des Lumières bouscule la « routine » de l’obscurantisme et jette les fondements d’une démarche rationnelle concernant l’exploitation méthodique des ressources animales et végétales. Dans la foulée on appelle à la création d’une médecine animale délivrée de tout empirisme. Ces idées nouvelles parviennent à Claude Bourgelat. Issu d’une famille lyonnaise aux portes de la noblesse, avocat puis mousquetaire du roi, il avait la charge « d’Écuyer tenant l’Académie d’équitation de Lyon » dont la renommée dépassait les frontières de la France[3]. Bénéficiant de relations sociales avantageuses, Bourgelat fait la connaissance de Bertin, intendant de la Généralité de Lyon. Une longue amitié naît entre les deux hommes, source de profits matériels et symboliques pour l’écuyer-hippiatre5. Conscient de l’ignorance des individus s’adonnant à la médecine des chevaux, il la pallie par la création d’un enseignement vétérinaire. Grâce à l’appui de Bertin devenu Contrôleur des Finances et Ministre, il réalise son projet : la création d’une école vétérinaire. La première école vétérinaire du monde ouvre ses portes le 1er janvier 1762 en application de l’arrêt du Conseil du Roi Louis XV  du 4 août 1761. Elle a selon les textes pour vocation d’enseigner «publiquement les principes et la méthode de guérir les maladies des bestiaux, ce qui procurera insensiblement à l’agriculture du Royaume les moyens de pourvoir à la conservation du bétail dans les lieux où cette épidémie désole les campagnes ».

 

 

Avec une vision concurrente, l’enseignement est dispensé en priorité par Bourgelat lui-même et ses amis pour contourner les autres corporations intervenant sur le cheval. En peu de temps, la réputation pratique et scientifique de la nouvelle école  attire les étrangers. Le succès aidant, l’institution se voit attribuer le 3 juin 1774 le titre d’École Royale Vétérinaire. Elle délivre le diplôme de Privilégié du Roi dans l’art vétérinaire. Sur la demande de son ami Ministre Bertin, Bourgelat crée une seconde école en 1764 à Paris. Elle sera transférée  en 1766 au château d’Alfort[4], la base de son site actuel.

 

  1. La naissance de la profession vétérinaire à Lyon

Ainsi, la création en Europe de l’enseignement vétérinaire constitue le véritable acte de naissance de la profession[5].

Après la fondation de l’institution en France, les écoles vétérinaires se multiplient en Europe, le plus souvent à l’initiative des diplômés étrangers ayant fait leurs études à Lyon ou à Alfort. Dans la plupart des pays, la médecine des animaux est alors exercée parallèlement par des praticiens diplômés des écoles vétérinaires, par des maréchaux et des empiriques. En 1850, la Belgique est l’un des premiers pays à trouver une solution à la cohabitation entre vétérinaires, empiriques et maréchaux avec une période transitoire à faire par les empiriques et les maréchaux chez les vétérinaires.

 

Pour Bourgelat, dans le règlement intérieur des écoles vétérinaires de 1777 était clair :

« Le médecin vétérinaire est d’abord un homme utile prêt à mettre son savoir en pratique pour aider les éleveurs à soigner leurs animaux de ferme, utiles à l’économie du royaume, plutôt qu’un savant cherchant à tirer gloire ou profit de ses connaissances. L’enseignement dans ces deux écoles est essentiellement basé sur l’observation et l’expérimentation, ainsi que sur la lecture obligatoire et la mémorisation des seuls traités du maître »[6].

L’ambition de Bourgelat l’encyclopédiste est également de participer aux progrès humain par le développement des sciences, et celui de la médecine en particulier.

Grâce à ses élèves étrangers, l’École de Lyon commence rapidement à essaimer, en Europe de l’Ouest et de l’Est. Mais fait exceptionnel, ce n’est pas n’importe qui qui peut ouvrir une école de formation vétérinaire : Bourgelat y veillait personnellement. On se rappelle après les écoles de Lyon, Alfort et Toulouse les difficultés qui ont été vécues pour créer la quatrième, l’école vétérinaire de Nantes.

L’Afrique dont certains pays qui étaient pour la France la colonie pourvoyeuse de biens y compris de biens d’origine animale devaient avoir aussi ses vétérinaires.

  • La naissance de la profession vétérinaire en Afrique subsaharienne

La profession vétérinaire africaine a un passé colonial très riche soutenu par  Claude Bourgelat et sa base de Maisons Alfort. En 1781 fut créé à Alfort l’organisation d’un Service colonial pour les élèves appelés à exercer leur art outre-mer.

La première mission d’un vétérinaire français eut lieu au Sénégal en 1819 avec l’ordre « d’effectuer des recherches sur les races de chevaux et de bétail qui pourraient être introduites en France, ainsi qu’aux Antilles et à la Guyane, avec avantage ».  La politique de la France coloniale a visé alors dès cette époque, à mettre en place au moins un vétérinaire par colonie. Les vétérinaires militaires accompagnent alors les expéditions coloniales en Afrique noire. Ils furent les seuls représentants de la profession vétérinaire en Afrique jusqu’à la fin du XIXème siècle[7].

En décembre 1904 et dans le but de coordonner les efforts entrepris dans les différentes colonies, le Gouverneur Général Roume créée le “Service zootechnique et des épizooties “ de l’Afrique occidentale française.   Se révélant incompétent face à la situation des épizooties, il fallait un enseignement postscolaire de médecine tropicale. Il fut mis rapidement en place en 1920 à l’école d’Alfort une structure sous le nom de Institut de médecine vétérinaire exotique. Deux organes de publication accompagnent le nouvel institut :

  • le Recueil de Médecine Vétérinaire Exotique, dont l’objet consiste à «publier périodiquement les comptes rendus des travaux scientifiques intéressant l’élevage et la médecine vétérinaire exotique, effectués tant en France ainsi qu’à l’étranger»
  • puis plus tard en 1938 le Bulletin de Service zootechnique et épizootique, une source « d’information précieuse sur les travaux réalisés sur le terrain ».

En même temps que s’organisait un cadre de techniciens qualifiés, il apparut que l’absence d’agents d’encadrement et d’exécution devenait nécessaire. C’est pourquoi, en 1924, était créée à Bamako une École vétérinaire où allaient être formés tous les vétérinaires africains de I’AOF et du Togo.

Une loi transforme l’Institut de médecine vétérinaire exotique en Institut d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux (IEMVT) en 1948. Fait important, le nouvel établissement public est un établissement non plus seulement pour la santé, mais c’est un établissement pour « l’enseignement, la recherche et le développement dans les domaines des maladies du bétail, de l’élevage et de l’exploitation de ses produits » et en 1948 les services zootechniques et des épizooties d’AOF du Général Roume sont transformés  en services de l’élevage et des industries animales. Leurs attributions et les règles de fonctionnement sont précisées par un décret le 26 décembre 1950.

Ainsi sont nés les véritables services de la profession vétérinaire en Afrique occidentale française.

Pour faire face à la formation d’un personnel d’exécution dans chaque territoire, dans le but de pourvoir le service d’un nombre suffisant d’infirmiers vétérinaires, quelques laboratoires fédéraux sont installés :

  • le laboratoire de Dakar Hann, centre fédéral pour les recherches en pathologie animale en AOF,
  • celui de Farcha (Fort-Lamy) pour I’Afrique équatoriale française,
  • et celui de Tananarive pour Madagascar

Des laboratoires territoriaux ont concerné Saint-Louis, Bamako, Niamey et Ouagadougou.

Un réseau d’établissements expérimentaux et de fermes d’élevage qui avait pour mission d’appliquer et de vulgariser les résultats acquis par les Centres fédéraux, et d’effectuer les essais d’intérêt local sont créés :

  • à Dahra au Sénégal,
  • Nioro-du-Sahel au Soudan (Mali),
  • Filingué-Toukounouss au Niger,
  • Banankélédaga en Haute-Volta,
  • Korhogo en Côte d’ivoire,
  • Ditinn en Guinée,
  • Parakou-Okpara au Dahomey.

C’est avec cette architecture qu’on arrive aux indépendances. L’Afrique devaient disposer de ses propres cadres pour faire face à son développement.

  1. Les débuts de la profession vétérinaire au Bénin

C’est tout naturellement que les étudiants qui avaient été envoyés dans les écoles vétérinaires de l’Europe (Europe de l’Ouest et de l’Est) rentrent dans leurs pays pour remplacer les vétérinaires coloniaux qui seront remis à leur pays.

Ainsi par Décret n°1960-287 le Premier ministre Hubert Maga nomme le Dr Marc Douhet, vétérinaire principal 3ème échelon comme Directeur du service d’élevage et des industries animales en remplacement de M. Michel Chavatte, remis à la disposition de la République française.

Depuis lors, ils sont 14 à avoir dirigé avec des appellations qui ont varié dans le temps les services vétérinaires du Bénin, le 15ème étant encore en fonction. Il s’agit :

 

  • Dr DOUHET Marc  : août 1960 à …..1962
  • Dr AKONDE Charles : 1962 à avril 1974
  • Dr HOUNTONDJI Honoré : avril 1974 à juin 1978
  • Dr SAKA G. Saley : juillet 1978 à ….1987
  • Dr TOMAGNIMENA Pierre : 1987 à août 1989
  • Dr SOMASSE Valentin : août 1989 à août 1990
  • Dr SIDI Latifou : août 1990 à février 2000
  • Dr SANOUSSI Inoussa : février 2000 à janvier 2004
  • Dr GNAHO K. Louis : janvier 2004 à mai 2005

 

  • Dr HOUNSOU-VE Guillaume M.A. : mai 2005 à juillet 2006
  • Dr MONSIA B. Christophe : juillet 2006 à janvier 2011
  • Dr LOKOSSOU Richard : 07 janvier 2011 à mai 2013
  • Dr GOUNOU N’GOBI Orou : mai 2013 à février 2014
  • Dr KPEROU GADO Byll Orou : février 2014 à juillet 2016
  • Dr AKPO Yao : juillet 2016 à ce jour

Très vite, les premiers médecins vétérinaires comme des piliers ont pris conscience de leur responsabilité pour, tout en assurant la protection du bétail frayer la place de mérite à leurs confrères.

On se rappelle bien la transposition au Bénin de la divergence d’école née de la création de l’Institut national agronomique français entre médecins vétérinaires et ingénieurs agronomiques : Qui était le plus habilité à conduire des programmes de production du bétail ?

C’est dans ce contexte que nous aboutissons le 12 février 1990 à la création au Bénin d’un nouveau ministère : le ministère des Fermes d’Etat, de l’élevage et la pêche. Une satisfaction qui avait fait frotter les mains à beaucoup d’entre nous de la profession vétérinaire à l’époque.

Le décret n°81-190 porte le 30 juin 1981 attribution, organisation et fonctionnement du Ministère des Fermes d’Etat, de l’élevage et de la pêche et crée les directions de l’élevage, des pêches, direction des eaux-forêts et chasse, et les entreprises publiques, semi publiques et les organismes placées sous tutelle du MFEEP.

En son article 25 la Direction de l’élevage et des industries animales s’occupe de :

  • la protection du cheptel national ;
  • l’application de la législation dans le domaine de l’élevage ;
  • l’organisation et le contrôle des mouvements du bétail ;
  • l’inspection de toutes les denrées d’origine animale ;
  • le contôle et la pratique de la santé publique vétérinaire.

avec les services suivants :

  • le service de la santé animale,
  • le service de la trypanosome ;
  • le service de diagnostic des maladies animales (laboratoires) ;
  • le service de zootechnie et d’économie animale
  • le service de la documentation et de la statistique ;
  • le service des études et projets.

Le MFEEP avait sous sa tutelles les entreprises que sont :

  • la société de développement des ressources animales (SODERA) ;
  • la société nationale d’armement et de pêche (SONAPECHE) ;
  • la société nationale pour le développement des fruits et légumes (SONAFEL) ;
  • la société agro animale bénino arabe libienne (SABLI) ;
  • la société nationale des fermes d’Etat (SONAFE) ;

Malgré quelques avancées notées pour les confrères vétérinaires pour se retrouver dans ses structures, la satisfaction n’a pas duré et le nouveau Conseil exécutif national a omis le MFEEP dans le décret n°84-322 pris le 3 août 1984.

Retour à la case départ : Ministère du Développement rural et de l’action coopérative (MDRAC).

Le plus dur restait à venir avec les programmes d’ajustements structurels, prémices de l’arrêt de recrutement des médecins vétérinaires dans la fonction publique et la privatisation des activités de la profession.

  1. Evolution avec les ajustements structurels : la privatisation des activités de la profession vétérinaire.

Avec la pression du Fonds monétaire international la Banque mondiale apparaissent les célèbres politiques d’ajustement structurel (PAS) du fait apprend-on que de nombreux pays en développement rencontraient de graves difficultés économiques notamment des problèmes de balance des paiements et de dette extérieure. On pourra en parler à longueur de journées et même d’années.

 

Pour nous et pour faire court c’était :

  • la privatisation des entreprises publiques. Les entreprises publiques doivent être privatisées afin d’accroître la concurrence et l’efficacité économique.
  • le non recrutement de nouveaux médecins vétérinaires dans la fonction publique ;
  • l’appel à l’installation en clientèle privée de ceux-ci.

C’était plus à prendre qu’à laisser.

Chacun s’est organisé  pour y faire face.

A l’Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine vétérinaires, nous avons dû pour y faire face élargir le mandat initial de cet établissement. C’est le sens de la décision n° 2/CA/94 que nous avions fait prendre et qui a permis d’organiser dans nos pays à partir de 1996, des formations dites délocalisées dont les principales étaient consacrées à des processus d’installation en clientèle privée et l’implication plus poussée des médecins vétérinaires dans les activités de productions animales[8].

Selon cette décision, « Les axes de recherche de l’EISMV doivent intégrer et privilégier les préoccupations des Etats membres en matière de médecine vétérinaire et de développement des productions animales. L’EISMV mettra ses services à la disposition des Etats membres dans la réalisation des projets de recherche-développement. L’EISMV doit s’intéresser aux questions de développement en médecine vétérinaire et productions animales ».

L’Ordre national des médecins vétérinaires du Bénin et la privatisation des activités vétérinaires.

Au Bénin il a fallu des initiatives pour permettre aux nouveaux formés qui devenaient nombreux de se frayer un chemin de dignité dans la société béninoise après une si exigeante formation. Notons entre autres, la naissance de l’Ordre national des médecins vétérinaires du Bénin, ordre devant lequel que je m’incline avec intérêt.

Le 7 juillet 2000, l’Assemblée nationale dote le Bénin d’une loi, la loi n°98-017 portant institution, organisation et fonctionnement de l’Ordre national des médecins du Bénin.

Ils sont six de 2004 à ce jour à être ce pont d’échanges entre les Gouvernants du pays et les médecins vétérinaires avec les résultats assez intéressants que nous  que nous connaissons.

  • Aliou Moustapha (Nantes) : 2004-2008 ;
  • François Adébayo Abiola (Sénégal) : 2009-2010 ;
  • Louis Gnaho (Russie) : 2011-2012 ;
  • Emile Toïgbé (Sénégal) ; 2013-2014 ;
  • Ismaël Gaël Ally (Maroc) : 2015-2018 ;
  • Kamilou Séidou Ouaké (Maroc) : 2019-2022 ;
  • Enonpkon Christiaan Dovonou (Sénégal) : en fonction depuis 2023

L’installation en clientèle privée n’a pas été de tout repos mais grâce au discernement de chaque partie, la pression de l’ordre et le discernement de l’Etat, nous pensons que nous pouvons nous féliciter de tenir de bons bouts avec :

  • la lutte concertée publique/privée contre les zoonoses majeures dont la rage ;
  • le mandat sanitaire ;
  • l’autorisation de servir dans les cabinets privés.

Des réglages restent à faire pour la détention et la commercialisation en toute légalité des médicaments vétérinaires.

Je peux déjà féliciter au nom de vous tous,  le Ministre Gaston Dossouhoui pour son écoute.

  1. Les enjeux et les défis actuels pour la profession vétérinaires.

Que peut par les temps qui courent faire le Médecin vétérinaire dans la société ?

Visitons l’un des décrets portant attributions, organisation et fonctionnement de l’actuel Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, le décret n° 2021-563  du 3 novembre 2021

L’article 5 dudit décret fixe la liste des directions techniques :

 

  • la Direction du Conseil Agricole, des lnnovations, et de la Formation entrepreneuriale ;
  • la Direction de la Production Végétale ;
  • la Direction de l’Elevage ;
  • la Direction de la Production Halieutique
  • la Direction de l’Alimentation et de la Nutrition Appliquée ;
  • la Direction de la Statistique Agricole ;
  • la Direction de la Législation Rurale, de I’appui aux Organisations professionnelles et à l’entrepreneuriat agricole
  • la Direction du Génie Rural ;
  • la cellule technique de suivi et d’appui à la gestion de la sécurité alimentaire ;
  • les directions départementales de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

 

A ce titre, elle est chargée de (article 8) :

 

  • définir et de suivre la mise en œuvre de la politique nationale en matière de production et d’amélioration des semences animales
  • définir et de veiller à la mise en œuvre de la politique nationale en matière de santé animale, de santé publique vétérinaire, de réglementation de la profession et du médicament vétérinaires
  • élaborer des outils de mise en œuvre  des mesures législatives et réglementaires de police sanitaire, de bien-être concernant les animaux destinés à l’abattage, les produits animaux importés ou destinés à l’exportation et en assurer la diffusion et l’utilisation;
  • mener des études sectorielles, diagnostiques et prospectives sur les chaînes de valeurs des filières animales ;
  • élaborer des stratégies sectorielles et le cadre institutionnel nécessaire au développement des filières animales en relation avec les structures compétentes;
  • rechercher et mettre en place des partenariats publics-privés aux fins d’investissement dans les infrastructures, le renforcement de l’expertise et la modernisation des outils en relation avec les structures compétentes;
  • définir des stratégies de développement de systèmes innovants de production animale en collaboration avec la direction du conseil agricole des innovations et de la formation entrepreneuriale ;
  • assurer la surveillance épidémiologique, les campagnes de prophylaxie et toutes autres interventions dans le domaine de la santé publique vétérinaire, en relation avec les structures concernées ;
  • assurer I’inspection des médicaments vétérinaires et le contrôle vétérinaire des denrées animales et d’origine animale et des facteurs de production animale ;
  • contribuer à l’élaboration et à l’application des normes et règlements nationaux, régionaux et internationaux sur les produits d’origine animale ;
  • alimenter le système d’information intégré des productions, connaissances et technologies existantes, l’actualiser et le diffuser auprès des acteurs ,
  • coordonner les interventions des partenaires, des organisations et des acteurs du secteur privé se rapportant à l’élevage au niveau national

 

Article 15 : Directions Départementales de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche

 

Les directions départementales de l’Agriculture’ de I’Elevage et de la Pêche sont placées sous l’autorité du Secrétaire général du ministère’Elles sont chargées de la gestion des plans d.action sectoriels, de l’assistance technique et de l’appui-conseil aux communes conformément aux lois sur la décentralisation.

 

Article 17 : Liste des organismes sous tutelle

 

  • les Agences territoriales de Développement agricole ;
  • le Fonds national de Développement agricole ;
  • l’institut national des recherches agricoles ;
  • l’Agence béninoise de Sécurité sanitaire des Aliments ;
  • la Chambre nationale d’Agriculture du Bénin ;
  • le Secrétariat technique permanent du Conseil national d’orientation et de Suivi du Secteur agricole ;
  • le Centre national des Produits Biologiques à Usage vétérinaire ;
  • la Société nationale de Mécanisation agricole ;
  • l’Office de gestion des Fermes d’Elevage et semencières d’Etat ;
  • le Comité national de Mise en Place des lndications géographiques

 

C’est dire la place importante prévue pour la profession vétérinaire dans la République.

 

Nous savons donc  ce qui y a à faire pour renforcer la profession vétérinaire pour ambitionner de placer le plus de médecins vétérinaires possible dans ces structures

Le Bénin est un pays essentiellement agricole et l’agriculture contribue pour près de 50% à la formation du Produit intérieur brut (PIB). Les gouvernements successifs savent bien que ce secteur est le principal levier du développement économique et de la création de revenus et d’emplois. C’est pour cela qu’il faut saluer la création du Fonds National de Développement Agricole (FNDA).

 

Notre préoccupation : la visibilité permanente de la profession dans les pays

 

Le monde dans lequel nous vivons évolue rapidement, sous l’effet de nombreux facteurs différents, technologiques et sociétaux[9]. Pour la profession vétérinaire, l’adaptation  est permanente.

Lorsque par ses opportunités que seule la nature peut vous offrir, je suis en octobre 1986 devenu le Représentant du Sénégal aux activités gouvernementales du Comité du Codex alimentarius pour les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments qui tenait sa première session à Washington d’une part et pour les résidus de pesticides à La Haye d’autre part, j’étais loin de penser que comme on l’enseignait, nous étions là en face en plus des raisons de la santé du consommateur, de ce qu’on qualifiait de barrière douanière complémentaire mais bien intelligente et subtile.

Quand j’ai fini d’intégrer le groupe des experts OMS/FAO le JECFA chargé de l’évaluation des données avant les réunions gouvernementales et que la représentante de l’Argentine m’a abordé pour me demander de les aider par des arguments bien scientifiques à remonter le niveau des LMR (limites maximales de résidus), je me suis demandé en quoi cette préoccupation pouvait être utile pour son pays ?

Il a bien fallu attendre bien des années plus tard avec l’aventure de notre ananas et les traces de pesticides pour comprendre que ça n’arrive pas qu’aux autres.

 

Relever les défis de l’innovation, de la recherche et de la formation.

Il faut saluer la volonté bien affichée par nos gouvernants de la nécessité de disposer d’infrastructures de laboratoires avec les équipements modernes qui vont avec : saluons au passage le laboratoire central de sécurité sanitaire des aliments.

L’ Agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (ABSSA) qui est née pour garantir et assurer le contrôle de qualité et la sécurité sanitaire des produits au niveau de tous les maillons de la chaîne alimentaire doit avoir tous les infrastructures nécessaires y compris les ressources humaines de qualité pour un bon fonctionnement.

ABSSA n’est qu’un exemple, il existe de nombreux autres à travers l’Afrique subsaharienne pour produire et conserver les entrants nécessaires à la booster la productivité notre cheptel et de la volaille.

A un moment donné, tout ce qui est relatif aux médicaments vétérinaires constituait pour nous un enjeu majeur dans le processus d’installation en clientèle privée.

Aussi l’école vétérinaire de Dakar avec l’accompagnement de la coopération française, l’organisation mondiale de la santé animale et l’Union économique monétaire ouest africain UEMOA lui a consacré les activités que sont :

  • une réglementation pharmaceutique vétérinaire consensuelle
  • un laboratoire de contrôle des médicaments vétérinaires (LACOMEV)

Tout ça doit être soutenu par la qualité des hommes chargés de leur gestion. La plupart des Etats ont d’ailleurs compris cette nécessité et y donnent la priorité requise avec des centres de formation et de spécialisations pour faire face aux défis.

Accroitre le rôle des médecins vétérinaires dans la protection de la santé humaine et animale.

Les médecins vétérinaires occupent une position privilégiée dans la promotion de la santé publique, grâce à leur formation approfondie en médecine vétérinaire et à leur expertise dans divers domaines liés à la santé des animaux et des humains. Leur implication dans la mise en place et le contrôle des politiques de santé publique se manifeste à plusieurs niveaux[10]

Participer au processus de mutualisation des énergies avec le concept One Health.

C’est dans ce cadre qu’il faut citer au Bénin l’un des structures dernières nées à l’Ecole polytechnique d’Abomey-Calavi : le projet OHARIS, One Health et Analyse de Risques Sanitaires, des formations master qui prennent en compte la gestion des pandémies et l’analyse des risques sanitaires.

En 2010, trois organisations onusiennes (l’OMS, la FAO et l’OIE) ont signé un accord tripartite visant à « coordonner leurs activités globales pour faire face aux risques sanitaires à l’interface animal-humain-écosystèmes »[11].

Ils recommandent de sortir de la logique des « silos », qui cloisonne les savoirs, en favorisant une approche interdisciplinaire, réunissant les écologues, médecins, vétérinaires, anthropologues, biologistes, démographes.

la profession vétérinaire tient toute sa place dans l’ OHARIS qui est une approche globale des enjeux de santé, dans un cadre interdisciplinaire et intersectoriel, aux côtés des médecins, des biologistes et de nombreux autres scientifiques, notamment des écologues et des ingénieurs agronomes.

Continuer le plaidoyer pour le recrutement de médecins vétérinaires par l’Etat

L’arrêt de recrutement de médecins vétérinaires peut être préjudiciable pour le sur différents aspects.

Continuer le plaidoyer pour la formation permanente de ceux qui sont en poste.

Tout en occupant les secteurs propres à eux, les médecins vétérinaires doivent chercher à essaimer dans des autres à partager.

Visibilité aussi en élargissant les secteurs de présence de médecins vétérinaires dans la société.

  • Dans les industries agroalimentaires : l’ensemble des activités industrielles qui transforment des productions alimentaires issues de l’agriculture ou de la pêche en aliments industriels destinés essentiellement à la consommation humaine.
  • Dans la création de fermes d’élevage : petits ruminants par exemples pour des petites bourses

Ne pas oublier la bataille de l’occupation dans la gouvernance de l’Etat.

Certains y sont déjà.

Quelques exemples sont cités ici à titre illustratif

Les autres peuvent essayer.

Maintenons le cap

Conclusion.

Abordons notre conclusion par les mots prononcés par le Ministre Gaston Dossouhoui lors du lancement le 21 mars 2019, du projet de renforcement des capacités des services vétérinaires du Bénin :  «Les services vétérinaires de bonne qualité représentent la pierre angulaire d’un environnement favorable à la lutte contre les maladies animales. En effet, c’est à ces services qu’incombe la responsabilité première d’assurer le système de gestion de la santé et du bien-être des animaux ainsi que celui de la santé publique vétérinaire. Ils doivent de ce fait avoir la capacité d’offrir durablement leurs prestations y compris l’inspection, la certification des animaux et des produits d’origine animale ainsi que le contrôle des maladies». Depuis des années, la profession vétérinaire apporte beaucoup à la protection sanitaire des animaux ainsi qu’à celle des hommes avec la lutte contre les zoonoses, maladies transmises des animaux à l’homme dont beaucoup comme la rage lui sont mortelles.

Ainsi, la génération d’aujourd’hui montre qu’elle fait chaque jour pour autant que Claude Bourgelat perpétuer le fondement principal de la naissance de la profession vétérinaire : être toujours utile à la société.

Lorsque par décret 1960-287 le Premier ministre Hubert Maga remet le 14 octobre 1960, Monsieur Michel Chavatte  à la disposition de la République française après avoir nommé le Dr Parc Douhet comme Directeur de l’élevage et des industries animales  du Dahomey, il montrait aux dahoméens de ce temps, l’importance de leurs responsabilités pour la profession vétérinaire. Et, les Docteurs Akondé, Tomagniména et autres ont bien assumé lesdites responsabilités jusqu’au Directeur actuel, le quinzième, Dr Yao Akpo.

Par ailleurs et très tôt à l’image du Dr Birago Diop nous avions compris et avec l’évolution du contexte sociétal  qu’il fallait occuper d’autres secteurs de la société. Ainsi, retrouver des médecins vétérinaires dans la gouvernance nationale n’est plus une surprise. Maintenons le cap.

Je ne vais pas finir sans remercier le Directeur Yao Akpo, les Présidents Christian Dovonou et  Kamilou Ouaké  ainsi que tous les autres médecins vétérinaires du forum international Alumni EISMV pour m’avoir fourni des données qui ont évité à ma présentation d’être moins théorique.

 

Mes remerciements à vous toutes et à vous tous

pour m’avoir subi pendant si longtemps.

Cotonou, le 26 septembre 2024.

 

 

[1]Histoire de la médecine vétérinaire https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_m%C3%A9decine_v%C3%A9t%C3%A9rinaire

 

[2] Ronald Hubscher, L’invention d’une profession : les vétérinaires au XIXème siècle, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1996, 43, 686-708 https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1996_num_43_4_1846

 

[3] J.-M. Krawiecki, Bourgelat écuyer, thèse vétérinaire, Lyon, 1980, n » 47 ; A. Bennetot, « rénovateur de l’art vétérinaire », Recueil de Médecine Vétérinaire, 1967 , p. 1173-1199.

 

[4] Yvonne Poulle-Drieux, Ouverture de l’école vétérinaire d’Alfort octobre 1766 https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/39463

 

[5] Philippe Aveline et Gilles Kremer, L’hippiatrie : de l’antiquité à Bourgelat, https://gallica.bnf.fr/blog/14022023/lhippiatrie-de-lantiquite-bourgelat?mode=desktop

 

[6] Philippe Aveline, Lyon et Maisons-Alfort : les deux premières écoles vétérinaires du monde, le Blog Gallica, 25 janvier 2023 https://gallica.bnf.fr/blog/25012023/lyon-et-maisons-alfort-les-deux-premieres-ecoles-veterinaires-du-monde?mode=desktop

 

[7] Etienne Lansais, sur les doctrines des vétérinaires coloniaux français en Afrique noire, Cah. Sci. Hum. 1990, 26, 33-71 https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_4/sci_hum/31584.pdf

 

[8] François Adébayo Abiola, Onze années comme directeur de l’Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine vétérinaires, Ouagadougou le 5 septembre 2005.

[9] Cara McNeill et Evan McNeill, Les défis de la profession vétérinaire https://vetfocus.royalcanin.com/fr/scientifique/les-defis-de-la-profession-veterinaire

 

[10] Monika Bourderioux, 31 janvier 2024, https://parcoursmedecin.com/importance-de-la-sante-publique-veterinaire/#:~:text=Les%20médecins%20vétérinaires%20jouent%20un%20rôle%20central%20dans%20la%20mise,la%20protection%20de%20l’environnement.

 

[11] Marie-Monique Robin, La Fabrique des pandémies, chapitre 6, « Vers une écologie planétaire de la santé », 2021 https://lafabriquedespandemies.com/ressource/one-health-planetary-health