Le Parquet national financier (PNF) a requis un procès contre l’homme d’affaires Vincent Bolloré pour corruption dans l’enquête sur l’attribution frauduleuse de la gestion des ports de Lomé au Togo et de Conakry en Guinée entre 2009 et 2011, a appris l’AFP vendredi, information confirmée à BFM Business.
Saisis depuis 2013, des juges financiers parisiens soupçonnent le groupe Bolloré d’avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour décrocher frauduleusement la gestion des ports de Lomé, au Togo, et Conakry, en Guinée, au bénéfice d’une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV, au moment d’élections présidentielles en 2010 dans ces pays.
Reconnaissance préalable de culpabilité pas homologuée
Pour éviter un long procès pénal, la 11e fortune de France ainsi que Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré à l’époque, et Jean-Philippe Dorent, directeur international chez Havas, avaient sollicité en 2021 une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Lors de l’audience publique, ils avaient reconnu les faits et accepté une peine de 375.000 euros d’amende, mais le tribunal avait refusé de l’homologuer, renvoyant le dossier à l’instruction.
L’industriel breton, 72 ans, avait contesté jusqu’en cassation ce revers procédural qui avait selon lui engendré une atteinte à sa présomption d’innocence, mais la plus haute juridiction judiciaire a validé fin novembre la procédure, ouvrant la voie à un nouveau procès pénal.
« Pacte de corruption »
Lundi, selon la source proche du dossier, le PNF a requis un procès pour corruption active d’agent public étranger contre Vincent Bolloré et Gilles Alix, pour abus de confiance pour ce dernier et pour complicité de celle-ci pour Vincent Bolloré et Jean-Philippe Dorent.
D’après des éléments des réquisitions dont l’AFP a eu connaissance, les deux procureurs financiers estiment que « contrairement à ses déclarations, il apparaît que Vincent Bolloré suivait personnellement et régulièrement les activités du groupe au Togo, qu’il avait engagé le groupe Bolloré dans la campagne électorale de Faure Gnassingé et qu’il était directement intervenu dans le recrutement » de Patrick Bolouvi, demi-frère du président togolais, au poste de directeur général de Havas Media Togo.
Contrepartie de ce « pacte de corruption » allégué, le groupe Bolloré aurait profité de différents contrats, dont celui de la gestion du port de Lomé, mais aussi « d’avantages fiscaux ».
Le procès demandé par le PNF concerne aussi le soupçon de participation frauduleuse d’une filiale du groupe Bolloré aux « frais de communication » de la campagne présidentielle 2010 d’Alpha Condé en Guinée, à hauteur de 170.000 euros.
« Sa candidature présentait pour nous un grand intérêt. Vincent Bolloré était d’accord pour participer à ces dépenses », avait concédé Gilles Alix en garde à vue.
La cour d’appel de Paris avait prononcé en 2019 l’abandon des poursuites pour corruption sur ce volet, pour cause de prescription.
Vincent Bolloré va demander le non-lieu
« Je me réjouis de la demande de renvoi » contre Vincent Bolloré, Gilles Alix et Jean-Philippe Dorent dans ce « lourd dossier qui dure depuis 2013 (…) dans lequel est particulièrement mouillé le président du Togo » Faure Gnassingbé, a indiqué Me Alexis Ihou, avocat du défunt Agbéyomé Kodjo et de Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, candidats malheureux à la présidentielle de 2010 au Togo.
Le groupe Bolloré avait, lui, bénéficié d’une convention judiciaire d’intérêt public (Cjip), par laquelle il avait payé 12 millions d’euros d’amende contre l’abandon des poursuites.
« Une demande de non-lieu sera présentée au juge d’instruction », ont indiqué Mes Céline Astolfe et Olivier Baratelli, qui défendent Vincent Bolloré et le groupe Bolloré, « les faits étant contestés depuis le premier jour dans un dossier juridiquement vide. »
Le « faux pas » de la non-validation de la CRPC en 2021 « prive définitivement les parties du droit à être jugées de manière impartiale et objective », d’après ces conseils.
La décision finale sur la tenue d’un procès revient au juge d’instruction financier Serge Tournaire.
Avec AFP