L’ancien ministre de l’économie et des finances, Komi Koutché a déposé une plainte en 2020 contre l’Etat béninois devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire relative au Fonds national de micro finance (FNM). La juridiction continentale dans une décision en date du jeudi 22 septembre 2022 a déclaré irrecevable la demande de l’ex ministre. Des précisions sur l’arrêt de la Cour.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rejeté la demande de l’ancien ministre en raison du non épuisement des recours internes soulevé par l’État béninois.Selon le rapport d’un audit de la gestion du Fonds National de la Microfinance de 2013 à 2016, des faits de mauvaise gestion ont été relevés. Komi Koutché estime dans ce dossier que son droit à la défense a été violé. Il aurait été informé du dossier que par la presse.
Le mandat d’arrêt délivré contre lui, sa convocation à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), le quitus fiscal non obtenu seraient des conséquences du recours rejeté par la Cour Constitutionnelle. Il décide de saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Dans sa requête, Komi Koutché demande à la cour africaine de condamner l’Etat béninois pour violation des articles 6, 7 et 26 de la charte africaine des droits de l’homme et les articles 8 et 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme. L’ancien ministre d’Etat a souhaité que la Cour Constitutionnelle soit déclarée non indépendante et partiale. Il a également demandé l’annulation de la décision de la Cour Constitutionnelle et de toute la procédure judiciaire de l’État béninois contre lui sur la base du rapport d’audit du FNM, et réclamé une somme de 2.286.211.898 FCFA pour dommages et intérêts. Dans cette affaire, la CRIET a condamné en 2020, l’ex ministre à 20 ans de prison et plusieurs milliards francs CFA de dommages et intérêts. Komi Koutché avait interjeté appel. Le 2 août 2022, la Chambre d’appel de la juridiction spéciale rejette sa requête. Voici les précisions de la Cour.
A.C.C.
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
KOMI KOUTCHÉ C. RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
REQUÊTE N°013/2020
ARRÊT SUR LE COMPÉTENCE ET RECEVABILITÉ
22 SEPTEMBRE 2022
UNE DÉCISION DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
Arusha, 22 septembre 2022 : La Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples (la Cour)
a rendu un Arrêt dans l’affaire Requête n°013/2020 – Komi KOUTCHÉ c. République du Bénin.
Le 25 mars 2020, Komi KOUTCHÉ (le Requérant) a saisi la Cour d’une Requête introductive
d’instance dirigée contre la République du Bénin (l’État défendeur).
Dans sa Requête, le Requérant a allégué la violation des droits suivants : (i) le droit à la
présomption d’innocence, protégé par l’article 7(1)(b) de la Charte ; le droit à la défense, protégé
par l’article 7(1)(c) ; le droit d’être jugé par un tribunal impartial, protégé par l’article 7(1)(d) de la Charte.
Au titre des réparations, le Requérant sollicite de la Cour qu’elle ordonne à l’État défendeur
d’annuler la décision DCC 18-256 du 6 décembre 2018 ainsi que toute la procédure suivie contre
lui sur la base du rapport d’audit, plus précisément celle suivie devant la CRIET et de lui payer la
somme de deux milliards deux cent quatre-vingt-six mille millions deux cent onze mille huit cent
quatre-vingt-dix-huit (2.290.211.898) francs CFA, à titre de dommages et intérêts.
A l’appui de sa Requête, le Requérant fait valoir que lors des Conseils des ministres des 28 juin
et 02 août 2017, deux rapports d’audit, l’un sur la gestion de la filière coton et l’autre sur la gestion
du Fonds National de la Microfinance (FNM) ont été rendus publics. Selon le Requérant, son nom
y a été abondamment cité. A cette occasion, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice a été
instruit d’engager des poursuites contre lui.
Le Requérant précise qu’il a été surpris d’apprendre ces faits, par voie de presse, alors qu’il n’a
jamais été approché par une quelconque commission d’audit qui, selon les principes applicables
en la matière, requiert le respect du principe du contradictoire. Il déclare qu’il a ainsi dû saisir la
Cour constitutionnelle, le 11 août 2017, pour constater la violation de la Constitution, notamment,
en ce qui concerne ses droits.
Il soutient que par décision DCC 18 – 256 rendue le 06 décembre 2018, la Cour Constitutionnelle
de l’État défendeur a rejeté son recours tendant à faire déclarer contraire à la Constitution, pour
violation de son droit à la défense, le relevé du Conseil des ministres du 02 août 2017 en son
point intitulé « Mission d’audit organisationnel, comptable et financier du Fonds National de la
Microfinance (FMN) au titre des exercices 2013 à 2016 ».
Selon le Requérant, cette décision de la Cour constitutionnelle est « la clé de voûte » de
l’ensemble des griefs et préjudices qu’il a subis dans la mesure où tous les actes pris à son
encontre, notamment, le mandat d’arrêt international, la demande d’extradition, l’annulation de
son passeport, le refus de délivrance du quitus fiscal ainsi que la procédure pénale initiée contre
lui se fondent sur l’audit dont il a fait l’objet.
Sur la compétence, l’État défendeur a soulevé une exception d’incompétence matérielle au
moyen que la Cour n’est pas une juridiction d’appel et ne peut donc pas exercer un contrôle sur
les décisions rendues par la Cour constitutionnelle.
Le Requérant n’a pas répliqué.
Statuant sur cette exception, la Cour a souligné que, sur le fondement de l’article 3(1) du
Protocole, sa compétence matérielle est subordonnée à l’allégation, par le Requérant, de
violations de droits de l’homme protégés par la Charte ou tout autre instrument de droits de
l’homme ratifié par l’État défendeur. La Cour a relevé qu’en l’espèce, le Requérant allègue la
violation du droit à la présomption d’innocence, celle du droit à la défense et celle du droit d’être
jugé par une juridiction impartiale, protégés respectivement par les articles 7(1)(b), 7(1)(c) et
7(1)(d) de la Charte. Celui-ci a également invoqué la violation de l’obligation de garantir
l’indépendance des tribunaux, prévue par l’article 26 de la Charte, instrument ratifié par l’État
défendeur.
La Cour a, ainsi, rejeté l’exception d’incompétence matérielle.
S’agissant des autres aspects de la compétence, la Cour a estimé qu’elle avait compétence
personnelle, temporelle et territoriale.
La Cour s’est, en conséquence, déclarée compétente.
Sur la recevabilité, l’État défendeur a soulevé deux exceptions d’irrecevabilité tirées, l’une, du
non-épuisement des recours internes et l’autre, de l’introduction de la Requête dans un délai non
raisonnable.
S’agissant de l’exception tirée du non épuisement des recours internes, l’État défendeur a
soutenu que le Requérant aurait dû soulever, « en substance », devant les juridictions nationales,
les griefs qu’il invoque devant la Cour de céans.
Le Requérant n’a pas répliqué.
Statuant sur l’exception d’irrecevabilité, la Cour a noté, conformément à l’article 56(5) de la Charte
et à la Règle 50(2)(e) du Règlement que les Requêtes doivent être postérieures à l’épuisement
des recours internes, s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste que la procédure de ces recours
se prolonge de façon anormale. Elle a relevé que ces recours sont de nature judiciaire, étant
précisé qu’ils doivent être disponibles, efficaces et satisfaisants. La Cour a constamment
considéré que dans le système judiciaire de l’État défendeur, le pourvoi en cassation est un
recours à épuiser.
La Cour a précisé que l’épuisement des recours internes suppose, non seulement, que le
Requérant initie les recours internes, mais également qu’il en attende l’issue. Dans le même sens,
elle a souligné qu’il faut que l’instance interne à laquelle le Requérant était partie soit arrivée à
son terme au moment de l’introduction de l’instance devant elle.
La Cour a noté que le 23 avril 2019, le Requérant l’a saisie d’une requête dirigée contre l’État
défendeur. Ladite Requête qui portait sur les mêmes faits et allégations de violations que ceux
de la présente Requête a donné lieu, le 25 juin 2021, à l’arrêt d’irrecevabilité pour non épuisement
de recours internes.
A cet égard, la Cour a considéré qu’il n’existe, en l’espèce, aucune circonstance de nature à
rendre une décision différente, en relation avec les mêmes faits et violations alléguées.
La Cour a, en conséquence, reçu l’exception d’irrecevabilité tirée du non épuisement des recours
internes et considéré que le Requérant n’avait pas épuisé les recours internes.
Ayant conclu que la Requête ne satisfaisait pas à l’exigence de l’article 56(5) et de la règle
50(2)(e) du Règlement et au regard du caractère cumulatif des conditions de recevabilité, la Cour
a estimé qu’il était superfétatoire de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité tirée de ce que
la Requête n’a pas été introduite dans un délai raisonnable ainsi que sur les autres conditions de
recevabilité de la Requête.
En conséquence, la Cour a déclaré la Requête irrecevable.
La Cour a, enfin, décidé que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
De plus amples informations sur cette affaire, y compris le texte intégral de l’arrêt de la Cour
africaine, sont disponibles sur le site Web : https://www.african-court.org/cpmt/fr/details-
case/0132020
Pour toute autre question, veuillez contacter le Greffe, à l’adresse électronique suivante :
registrar@african-court.org
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les pays africains pour assurer la protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique. La
Cour est compétente pour connaître de toutes les affaires et tous les différends dont elle est saisie
concernant l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par l’État
concerné. Pour davantage d’informations, veuillez consulter notre site internet : www.african-
court.org