Tôt ce 29 septembre, via le site du Kremlin, on apprenait que Vladimir Poutine avait demandé à un ancien lieutenant d’Evgueni Prigojine, patron du groupe Wagner mort dans le crash de son avion fin août, de former des volontaires pour combattre en Ukraine. Moscou veut montrer que deux mois et demi après avoir été déjà sollicité, Andreï Trochev, aurait accepté de prendre les commandes de ce qui reste du groupe Wagner.
Moscou continue à écrire sa partition de la reprise en main de Wagner. Elle commence le 14 juillet dernier, lorsque Vladimir Poutine donne une interview au journal Kommersant. Le président russe y évoquait ainsi la convocation au Kremlin de Prigojine et ses commandants après la mutinerie.
« Les soldats de Wagner auraient pu être réunis dans un seul endroit et continuer à servir. Pour eux, rien n’aurait changé, ils auraient été dirigés par la personne qui était leur véritable commandant pendant toute cette période », expliquait le président russe.
Sauf qu’officiellement, à ce moment-là, refus. « Beaucoup ont acquiescé de la tête quand j’ai dit ça. Mais Prigojine, a dit ‘Non, les gars ne sont pas d’accord avec cette solution’ », a dit Vladimir Poutine.
Nom de guerre « Sedoï »
La presse russe avait ensuite nommé celui qualifié de « véritable commandant » : Andreï Trochev, nom de guerre « Sedoï » pour ses cheveux gris. Vétéran multidécoré des guerres d’Afghanistan et de Tchétchénie (il en a ramené les médailles les plus prestigieuses), ce colonel est aussi sous sanctions européennes depuis 2021. L’Union européenne lui reproche d’avoir été directement impliqué dans les opérations de Wagner en Syrie. « Il était particulièrement impliqué dans la région de Deir Ezzor. En tant que tel, il a apporté une contribution cruciale à l’effort de guerre du (président syrien) Bachar el-Assad et, par conséquent, soutient le régime syrien et en bénéficie », peut-on lire dans un document daté de 2021 détaillant des sanctions contre plusieurs personnalités et entités russes.
Ce rôle de « véritable commandant » est contesté par certains. En fin de matinée ce vendredi, on pouvait ainsi lire sur la chaîne Telegram Vchk-OGPU, considérée comme la voix de la partie des services de sécurité proche de Prigojine : « au cours des dernières années, Trochev n’a pas participé aux hostilités et n’a pratiquement pas participé à la planification des opérations (..). Comme nous l’avons indiqué cet été, Trochev est passé au ministère de la Défense en juillet et avait déjà commencé à mettre en œuvre le plan Wagner dans le cadre du ministère de la Défense. Prigojine était catégoriquement contre, Trochev était considéré comme un traître (…) Et un mois plus tard, il n’y avait pas d’obstacle majeur au plan ». Allusion transparente au crash de l’avion du chef des mercenaires.
Une intégration au sein de l’armée russe assumée
Ce nouveau rôle officiellement attribué à Andreï Trochev est en tout cas bien différent de celui d’Evgueni Prigojine. Le porte-parole du Kremlin a ainsi bien pris soin ce matin de préciser à l’agence Ria Novosti :« Andreï Trochev travaille déjà pour le ministère de la Défense ». Le message que veut transmettre Moscou est limpide : finie l’armée de l’ombre, le pouvoir assume désormais un contrôle direct. Pour quelles opérations et quels terrains ?
La chaîne Telegram Rybar notait déjà ce mardi 26 septembre que d’ex-Wagner étaient revenus près de Bakhmout, précisant que ces combattants avaient refusé de participer à la mutinerie.
Le Kremlin de son côté parle officiellement du retour de combattants en Ukraine, mais envoie parallèlement un autre message. Sur la photo publiée ce matin figure aussi le vice-ministre de la Défense. Or, Iounous-Bek Evkourov, s’est par exemple officiellement rendu en Libye, il y a un mois, mais il est aussi réputé pour beaucoup voyager au Moyen-Orient et en Afrique.
Autre message envoyé ce jeudi soir pour montrer que la Russie n’entend pas renoncer à ses ambitions : la chaîne Telegram Grey Zone, réputée pour être le canal d’expression d’Andreï Trochev, postait-elle cette légende sous une photo : « Combattant du « groupe Wagner » lors de la reconnaissance du terrain le long du fleuve Niger. Le site est situé à la frontière entre le Mali et le Niger ».
Au sein des membres de Wagner, ces différents messages semblent en revanche appréciés d’une tout autre manière. Dans un « chat » privé réservé aux proches du groupe de mercenaires, on pouvait ainsi lire ce vendredi 29 septembre : « Mon opinion est que toutes les nouvelles de ces derniers jours sont une tentative de ramener à nouveau le vrai Wagner dans l’ombre. (…), tous les médias, et même la télévision, crient très fort aux gens ordinaires : “Wagner détruit à nouveau tout le monde à Bakhmout. Entre-temps, ceux qui se sont éloignés de la Famille ont un nouveau nom, PMC Wagner a été renommé en Groupe Wagner (…) Il y a encore un faible espoir que les gars loyaux et forts n’auront pas les mains liées, que le bon sens triomphera encore. Nous attendons tranquillement ».