Le Président Talon a poussé loin le curseur, en grand maître de sa majorité présidentielle. Au cours d’une de ses sorties télévisées, il a déclaré ne pas concevoir que des annonces de candidatures se fassent plus de six mois avant 2026. Dans sa mouvance bien sûr. Puisque à priori, ce bornage temporel ne s’adresse pas à l’opposition, déjà même que du côté de celleci, rien n’est plus flou. Si, il y a dix ans, à pareil moment, la dynamique GGR était déjà engagée par le Général Robert Gbian, le silence actuel des prétendants à la succession de l’actuel locataire de la Marina s’écarte tant de la fin de la décennie Matthieu Kérékou que de celle Yayi Boni.
Deux ans avant 2006, face aux politiques professionnels et candidats naturels des partis, tous en général du Sud-Bénin qui prétendaient à la succession de Kérékou, il y avait en embuscade, deux du Nord toujours fidèles au feu-Général : d’une part, Abdoulaye Bio Tchané, ex-Ministre
des Finances du président sortant et à ce moment Directeur Afrique du Fmi et d’autre part, Thomas Boni Yayi alors Président de la Boad. La balance a finalement penché en faveur de ce dernier.
Avant 2016, face aux mêmes professionnels de la politique toujours en attente de «leur tour», la dynamique GGR était déjà engagée sur le terrain par le Général Robert Gbian,y compris dans les fiefs naturels de Boni Yayi. Mais c’est finalement l’homme d’affaires Patrice Talon qui rentré de son exil parisien d’où il menait un affrontement médiatique frontal contre le président sortant, pour se saisir de l’âne autour duquel tous les camps se battaient, au nez et à la barbe du dauphin présidentiel désigné Lionel Zinsou, le Premier-ministre d’alors.
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Aujourd’hui, le panorama n’est plus le même. Les professionnels politiques sont, les uns frappés par la limitation d’âge fixée par la Constitution et désormais patriarches ou simples militants de la majorité fidèle à Talon; les autres en exil ou en prison, tous en face d’une opposition à multiples facettes. Pourtant de tous les bords politiques confondus, personne ne sort sa tête pour oser dire aux populations “coucou, me voici”.
Handicap
D’abord, parce que la réforme du système partisan a complètement rebattu les cartes politiques ; ensuite, parce que du côté de l’opposition incarnée et représentée au parlement par Les Démocrates, Boni Yayi reste le seul maître dont la parole est attendue ; enfin, parce qu’autour de Patrice Talon, tous ont, certes à divers titres, en position de subordination administrative et donc une obligation de loyauté à l’égard du chef de l’Etat. Ils sont tous actionnaires de sa gouvernance et donc prétendants légitimes aux dividendes de son bilan politique et économique à la tête du pays.
Il est clair que Romuald Wadagni, argentier du pays depuis 2016 et sans doute jusqu’en 2026 ne commencera à se prononcer pour la présidentielle que par sa libération volontaire accordée par le patron de la Marina. Autant pour le Conseiller spécial Johannes Dagnon qui ne cessera jamais d’être son éminence grise avant 2026, voire après.
Olivier Boko, certes ami personnel du chef de l’Etat mais dans une position administrative officielle moins remarquable
du grand public béninois, aura plutôt été le grand témoin et homme de main des manœuvres qui ont permis de reconfigurer la classe politique et le système partisan béninois, conservant de fortes attaches dans les partis dont il a assisté la gestion des crises internes aux côtés du chef de l’Etat. Boko reste tout autant que les deux précédents, débiteur de la même obligation de loyauté à l’égard de Patrice Talon.
Le dernier, Joseph Djogbénou, ancien Garde des sceaux et Président de la Cour constitutionnelle devrait bénéficier à la différence de tous les trois autres, de sa relative autonomie de chef du plus grand parti de la majorité ( l’UP le Renouveau) pour se prononcer (le président ABT du Bloc Républicain étant hors-course). Mais il est handicapé tant par l’échec cuisant de la liste Up-r qu’il a dirigée aux législatives de janvier 2023 dans la 15ème circonscription électorale et capitale économique Cotonou ; que par sa gestion politique de l’unité du parti suite à la fusion avec l’ex-Prd et sa gestion financière des ressources publiques allouées au parti. Au grand dam de certains militants qui lui reprochent ses velléités de repli sur son ancien clan Alternative Citoyenne.
… livrer tous ses secrets et ses nouveautés
Si Joseph Fifamin Djogbénou ( JFG) n’arrive pas lui, pour l’instant, à afficher ses ambitions présidentielles dans une telle ambiance interne au parti à la tête duquel il a été parachuté en 2022, ce n’est pas ceux qui sont en position officielle de subordination à l’égard du chef de l’Etat qui le feraient. Il faudra donc attendre un peu plus pour voir le nouvel environnement politique né de la réforme du système partisan nous livrer tous ses secrets et ses nouveautés.
Armelle C. CHABI
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