Piétinement de l'année scolaire 2020-2021 et misère des enseignants pré-insérés : « Pourquoi cache-t-on la vérité au président Talon? », demande Thierry Dovonou

Chronique

En dépit des efforts louables de son gouvernement dévolus au système éducatif, le Président TALON est-il vraiment informé que la rentrée de l’année scolaire 2020-2021 n’est pas encore effective au Bénin? En effet, un mois après cette rentrée, la situation de l’école béninoise reste réellement pathétique et désespérante.

L’année passée, à l’aide d’une moto, nous avions parcouru les 4 Départements du Sud pour vérifier l’effectivité de la rentrée. Cette année, au volant de notre RAV 4 aussi usée que les vieilles voitures Renault du feu Président du Faso Thomas SANKARA, pour la même noble cause, nous avons parcouru 6 Départements, jusqu’à la hauteur de Savè.

Et le constat qui se dégage de cette tournée-ci n’est guère encourageant.

 

DES ÉCOLES PRIMAIRES ET  DES CEG.

Au primaire comme au secondaire, la rentrée n’est pas encore effective pour garantir à beaucoup d’enfants béninois leur droit à l’éducation. Ainsi, 53% des écoles primaires  et des collèges publics n’ont pas  encore effectué le conseil de rentrée qui consacre solennellement le démarrage d’une année scolaire.

Au primaire, 38 % des classes sont encore sans instituteurs. Certaines écoles attendent une scission indispensable en raison de leurs effectifs pléthoriques.

Au secondaire, 34% des élèves du premier cycle n’ont pas encore tous les enseignants surtout les 6 èmes et les 5 èmes. Par ailleurs, 28% des seconds cycles n’ont pas encore d’enseignants. Les secondes C et D manquent surtout d’enseignants de sciences. De même, 49 % des terminales C manquent de professeurs de mathématiques ou de PCT.

Ces statistiques recueillies sur le terrain et compilées le 23 octobre 2020 par le SyNaPPeC  ont couvert  916 collèges et lycées d’enseignement général.

 

DES PERSONNELS ENSEIGNANTS

Les personnels enseignants dont dispose le Bénin sont dans un état de dépression nerveuse très inquiétante. La santé mentale va si mal qu’il est indispensable que la haute autorité en soit informée. Les AVC, les AVP et les suicides sont devenus récurrents depuis quatre ans. Dans les rangs des enseignants aspirants, c’est encore pire. Ces jeunes sont soumis à des exactions inouïes qui rendent plus précaires leurs conditions socioprofessionnelles

 

AU PRIMAIRE. 

Les instituteurs béninois dont l’honneur avait jadis conféré à leur pays l’auréole et la réputation de Quartier Latin sont aujourd’hui tombés dans une disgrâce qui les dépouille de leur charisme d’antan. Leur dénuement matériel, financier et intellectuel ne les rend plus pleinement aptes à exercer leur noble métier d’éducation. Ces jeunes ainsi démunis, arrachés à leurs familles et dispersés dans tout le pays sont littéralement confrontés à une misère qui s’illustre même par un déficit alimentaire. Dans ces circonstances, certaines institutrices sont obligées de vendre leurs corps pour s’alimenter.

 

AU SECONDAIRE.

La situation est tout aussi grave. Beaucoup de jeunes nantis de diplômes d’enseignement sont plongés dans un chômage inexplicable qui les oblige à passer leur temps chez eux alors que de nombreux établissements manquent d’enseignants.

C’est pour cette raison que nos appels au calme adressés aux aspirants ne reçoivent aucun accueil favorable. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », dit-on.

Ces jeunes vivent une situation très désastreuse qui perdure parce qu’elle est cachée par des cadres techniques malhonnêtes au Président de la République, aux ministres et aux  membres du Conseil National de l’Éducation. Or, il n’y a que les informations sérieuses et utiles qui arrivent à inspirer l’autorité publique à prendre les bonnes décisions.

Ce vendredi 23 octobre 2020, nous avons eu la chance d’échanger avec trois de nos doyens. L’un a enseigné durant 25 ans au CEG Sëgbèya, le deuxième 18 ans au CEG Djègan Kpèvi et le troisième 17 ans au lycée  Mathieu Bouké. Ils ont tous avoué qu’ils n’avaient jamais vu le drame qui se joue actuellement dans nos écoles. Pour eux, les agents de terrain qui ont travaillé avec les Ministres PADONOU, RAFIATOU KARIMOU, CHABI OROU étaient très humbles et discrets, mais la rentrée commençait toujours à bonne date. Il est donc incompréhensible que, bien que les collaborateurs  d’aujourd’hui soient bardés de grands diplômes (DEA, DESS, doctorat) et de titres ronflants, la rentrée soit toujours purement administrative et politique. Un de mes doyens se demande si ces diplômes ne sont pas complaisamment obtenus.

*Ce qui est sûr, la République ne pourra survivre avec ce drame qui se joue présentement dans nos écoles primaires et CEG publics.*

En analyse stratégique, il faut avoir quatre éléments pour résoudre un problème, spécifiquement le problème de l’éducation nationale et de la paix sociale. L’école est un vecteur de la paix et du développement. C’est pour cette raison que nous pensons que cette analyse stratégique s’y adapte bien à travers les quatre éléments que voici.

Connaître l’histoire du système éducatif. Par exemple, le CEPEC a utilisé les aspirants. Un mois avant la rentrée, on pouvait dire aux enseignants aspirants (anciens) de rejoindre leurs anciens postes. Deux semaines après, sur la base des statistiques de terrain, on devrait faire un ajustement (avec les omis et les nouveaux). On aurait ainsi évité une crise inutile, sans recourir à une commission interministérielle pour les mutations d’aspirants.

Connaître la philosophie qui sous-tend le fonctionnement optimal d’un système éducatif. Par exemple, le problème lié à la pénurie d’enseignants et aux diplômes de complaisance aurait pu trouver une solution définitive avec la réforme des écoles de formation et du recrutement qui s’est montrée bien efficace au Burkina Faso.

Connaître  les statistiques pour de bonnes analyses, projections et les ajustements appropriés. Depuis 14 ans, le péché est là. Soit il n’y a pas de statistiques, soit il y en a, mais elles sont erronées. Il faudra donc revenir aux normes en matière de nomination des cadres techniques.

Choisir les stratégies de résolution des problèmes selon que l’on soit syndicaliste ou administratif. Ainsi, au niveau syndical, le contexte actuel n’est guère favorable à un rapport de force qui s’apparenterait tout simplement à un suicide professionnel collectif. Quant à l’administration publique ou scolaire, elle doit changer de méthode de gestion, car on ne gère pas un secteur de l’éducation nationale comme on gère un moulin à maïs au village.

Nous souhaitons beaucoup de courage à tous les travailleurs, et surtout aux  enseignants aspirants. Nous savons que beaucoup d’entre eux n’ont pas compris notre position relative à cette crise. *Mais, ils doivent retenir que lorsque l’autorité n’a pas toutes les informations (historiques, administratives, statistiques…), on lui en fournit pour l’aiguillonner à prendre des décisions  clairvoyantes.*

On ne doit surtout jamais insulter ni le Président de la République ni les Ministres. C’est une règle absolue de civisme. Ces hautes personnalités incarnent l’autorité et le pouvoir d’ordonner, de décréter, d’arrêter…et surtout d’assurer le bien-être du peuple.

Pour conclure,  nous informons l’opinion publique que dans nos classes de terminales A et  D, au CEG Les Cocotiers, les cours ont effectivement démarré le 28 septembre 2020. Ainsi, nous avons déjà fini la génétique humaine et avons commencé la synthèse des protéines. Dans les deux classes, nous avons même fait une interrogation et donné à nos apprenants des devoirs de maison pour renforcer leur niveau intellectuel. C’est normalement à cette condition que l’on devrait espérer une moisson de bons résultats scolaires à la fin d’une année. Mais, hélas la quasi-totalité des écoles publiques au Bénin sont loin de cet idéal parce que des cadres malhonnêtes cachent la vérité au Président TALON, à ses ministres chargés de l’éducation ainsi qu’aux augustes membres du Conseil National de l’Éducation. Nous invitons donc ces hautes personnalités à déjouer diligemment ce complot ourdi contre l’éducation nationale. Plus tard, ce sera trop tard.

 

SG Thierry DOVONOU,

Un intellectuel Insoumis

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