Bénin : Patrice Talon brise le silence après la condamnation d’Olivier Boko

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(… »Je ne sais ce qui a pris Olivier Boko »….« Olivier Boko était un frère. Il est devenu un monstre »)
Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique, le président du Bénin, Patrice Talon, s’est exprimé pour la première fois sur la condamnation de son ancien allié, Olivier Boko, à vingt ans de réclusion criminelle. Visiblement affecté, le chef de l’État a partagé son ressenti face à ce qu’il considère comme une véritable tragédie personnelle et politique.
Dépeignant une relation de confiance profonde et durable, Patrice Talon rappelle les moments forts qu’il a partagés avec Olivier Boko : l’exil, la conquête du pouvoir et son exercice au sommet de l’État. À ses côtés, Boko a  occupé un rôle stratégique, il endossait des missions de premier plan pour alléger la charge présidentielle.
« Il rencontrait pour moi les acteurs politiques et sociaux, les représentants de la société civile, les dignitaires religieux, et répondait à ma place à de multiples sollicitations. Il était, tout au moins l’ai-je cru jusqu’au bout, mes yeux et mes oreilles, tant il est vrai que, dans un pays comme le Bénin, le président ne peut être partout à la fois »,  confie le numéro 1 béninois.
L’homme de confiance du chef de l’État jouissait d’une délégation de pouvoir étendue, allant jusqu’au contrôle des services de renseignement et de la sécurité présidentielle. Cette proximité et cette influence ont rendu la chute d’Olivier Boko d’autant plus douloureuse pour Patrice Talon, qui dit ne pas comprendre ce qui a pu pousser son ancien compagnon d’armes à commettre les actes qui lui sont aujourd’hui reprochés.
« Je ne sais pas ce qui lui a pris. Pourtant, il était dit et convenu entre nous qu’autant je refusais de m’éterniser au pouvoir  et cela pour le bien du pays et de la démocratie autant, et pour les mêmes raisons, il était inenvisageable à mes yeux que mon successeur soit issu de ma famille ou de mon clan. Or, si un homme était de mon clan, c’était bien Olivier Boko », a-t-il dévoilé.
Cette prise de parole de Patrice Talon marque un tournant dans cette affaire, tant elle met en lumière l’impact personnel et politique de cette condamnation sur le chef de l’État dont le deuxième et dernier mandat arrive à terme en 2026. « Je suis un homme de parole », répète le chef de l’Etat, après deux mandats et une décennie d’exercice du pouvoir.

« J’ai d’abord cru à des sornettes. J’étais dans le déni »

 

Le président dit avoir été mis devant les faits lorsque les « preuves » de l’activisme de son ami commençaient à s’accumuler. Puisque l’intéressé lui-même n’évoquait pas le sujet, Patrice Talon a pris l’initiative de crever l’abcès. « J’ai fini par l’interroger. Il m’a répondu que tout cela se faisait à l’insu de son plein gré, mais qu’il fallait bien laisser les gens s’exprimer. Je l’ai écouté, à demi rassuré ».

 

Selon le chef de l’Etat, c’est lorsque Olivier Boko s’est rendu compte que sa candidature « solitaire » ne pouvait pas prospérer « en dehors des partis », dans la mesure où le code électoral stipule que seuls les candidats désignés par un parti sont en mesure de compétir, « qu’il a commencé à penser au pire ».

 

Sans m’en rendre compte, j’ai créé un monstre qui, telle une araignée »

Selon Patrice Talon, en réalité, les ambitions de Boko n’étaient pas un « caprice d’enfant gâté », comme il l’a longtemps cru, « mais bel et bien une volonté déterminée d’exercer le pouvoir, tout le pouvoir, quitte à me déposer ».

 Patrice Talon confie qu’Olivier Boko s’est laissé induire en erreur par « une cour de flatteurs qui l’encourageaient dans son ambition. Et c’est cela qui l’a perdu ».

Talon reconnaît qu’il a une part de responsabilité pour avoir laissé trop de pouvoir à son ami. « J’ai ma part de responsabilité, bien sûr. Sans m’en rendre compte, j’ai créé un monstre qui, telle une araignée, avait méthodiquement tissé sa toile dans tous les milieux de la vie publique : politiciens, magistrats, services de sécurité, hommes d’affaires », a-t-il affirmé. Le président Patrice Talon dit avoir vécu cette affaire de tentative de coup d’État « comme un drame, comme une tragédie intime ».

Rappel

La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a condamné Olivier Boko, Oswald Homeky et Rock Nieri à 20 ans de réclusion criminelle , assortis d’une amende de 1,5 milliard de FCFA chacun.

En dehors de la peine d’emprisonnement, les trois condamnés devront également verser 60 milliards de FCFA de dommages et intérêts à l’État béninois. Par ailleurs, la Cour a ordonné la  confiscation de plusieurs biens saisis dans le cadre de l’affaire dont 1,5 milliard et le véhicule retrouvé au domicile de Oswald Homeky.

Mireine A.Y.