Le président ivoirien Alassane Ouattara a été officiellement désigné dimanche candidat de son parti à la présidentielle d’octobre, cruciale pour la Côte d’Ivoire qui sort d’une décennie de crise politico-militaire.
Le palais des sports de Treichville, un quartier d’Abidjan, avait été pris d’assaut pour ce congrès extraordinaire aux allures de plébiscite: Alassane Ouattara, 73 ans, n’avait pas de concurrent pour cette investiture. Face à une opposition divisée, il part grand favori du scrutin d’octobre.
A l’issue de son congrès, le Rassemblement des républicains (RDR) a « désigné le Dr Alassane Ouattara, économiste, candidat du RDR » à la présidentielle, a annoncé la ministre ivoirienne de la Solidarité, de la Famille et de la Femme, Anne-Désirée Ouloto.
Plus de 10.000 sympathisants s’étaient réunis dimanche pour encourager leur champion.
« Pour son deuxième mandat qui semble assuré, la jeunesse ivoirienne attend beaucoup de M. Ouattara », a prévenu un sympathisant, Aboubacar Konaté, tam-tam en bandoulière.
« Le président doit s’attaquer aux problèmes de chômage auxquels est confrontée la jeunesse sinon, ce sera une bombe sociale qui va lui exploser à la figure », a renchéri Michel Miézan.
De son côté, Fatou Soro, mère de quatre enfants, drapée dans son pagne violet à l’effigie de M. Ouattara, en appelait à la « concrétisation des promesses faites aux femmes ».
Avant même la désignation officielle de M. Ouattara, les quelque 6.000 délégués de son parti avaient fait de lui leur champion par acclamation.
‘Bilan palpable et visible’
Le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et numéro deux du régime, Guillaume Soro et plusieurs ministres dont le « tout-puissant » ministre de l’Intérieur Ahmed Bakayoko assistaient à la cérémonie haute en couleurs.
« Le bilan du président Alassane Ouattara en moins de trois ans, est palpable, sensible et visible », a lancé à l’assistance Amadou Soumahoro, secrétaire général du RDR, appelant les délégués à lui donner « un second mandat ».
A l’extérieur, la façade du palais des sports était ornée de larges banderoles: « Tous rassemblés autour d’ADO » (initiales d’Alassane Dramane Ouattara) ou encore « Mobilisons-nous pour un second mandat ».
Le président ivoirien, arrivé aux affaires au terme d’une crise postélectorale sanglante causée par le refus de son prédécesseur Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010, s’est fixé 2020 comme horizon.
« J’ai trouvé un pays complètement en ruine, effondré, qui avait et a besoin d’être reconstruit », expliquait-il à l’AFP en juin 2013. « J’ai indiqué clairement que je ne suis pas sûr de pouvoir finir ce travail dans le temps qui me reste et que vraisemblablement je briguerai un second mandat ».
Après une décennie de crise politico-militaire marquée par une partition du pays, cet ancien haut responsable du Fonds monétaire international (FMI) peut se vanter d’une vraie réussite économique en quatre ans au pouvoir.
Sous sa houlette, la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, a retrouvé une forte croissance, d’environ 9% annuels entre 2012 et 2014, soutenue par un investissement public fort. Le troisième pont enjambant la lagune d’Abidjan, chantier monumental, symbolise son premier mandat.
Alassane Ouattara a fait de l' »émergence » – qui doit permettre au pays de passer de la pauvreté à un fort développement économique et social – son objectif pour la Côte d’Ivoire en 2020. L’opposition, elle, dénonce une mauvaise répartition des fruits de la croissance.
‘Justice des vainqueurs’
Le président peut également se flatter d’avoir accompagné l’apaisement de la Côte d’Ivoire. Plus de 3.000 personnes étaient mortes dans les violences postélectorales de décembre 2010-mai 2011.
Mais son bilan en matière de réconciliation reste critiqué. La commission « Vérité et réconciliation », censée provoquer une catharsis par l’audition de victimes et de leurs bourreaux, n’a débouché sur rien de concret.
De même, aucun cadre pro-Ouattara n’a été inquiété pour son rôle dans la récente crise alors que les deux camps ont commis des exactions, nourrissant les accusations de « justice des vainqueurs ».
L’ex-Première dame Simone Gbagbo a été condamnée le 10 mars à 20 ans de prison pour « attentat contre l’autorité de l’Etat », au terme d’un procès critiqué par des défenseurs de droits de l’Homme.
Alassane Ouattara est également accusé par ses détracteurs de « verrouiller » le processus électoral, selon les termes de l’ex-président de l’Assemblée nationale sous l’ère Gbagbo, Mamadou Koulibaly, qui dénonce une volonté de « se garantir une victoire trop facile ».
Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), allié du RDR, a décidé de ne pas présenter de candidat en octobre pour garantir la victoire du président sortant, au nom d’un hypothétique renvoi d’ascenseur en 2020, provoquant la colère de certains de ses cadres.
Quant au Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, on ne sait s’il présentera un candidat.
L’ancien président se trouve, lui, dans une cellule à La Haye, où il attend son procès à la Cour pénale internationale (CPI), qui l’accuse de « crimes contre l’humanité ».