Au Sénégal, de nouvelles tensions ont eu lieu ce jeudi, suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko mercredi. Il a été arrêté alors qu’il se rendait au tribunal. Il est accusé de viols par l’employée d’un salon de massage. Accusations qu’il rejette. Des jeunes ont manifesté contre les forces de l’ordre. Des scènes d’émeute ont éclaté dans plusieurs quartiers de Dakar et l’opposant a été placé en garde à vue. Après un retour au calme ce jeudi matin, de nouveaux affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre, à Dakar mais aussi dans le sud du pays.
Des affrontements ont notamment eu lieu à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar entre étudiants et forces de l’ordre, la BIP, la brigade d’intervention polyvalente de la police, est arrivée en renfort.
Des tirs de grenades lacrymogènes se sont produits tout l’après-midi, et des tirs de balles à blanc. En face, les jeunes – certains postés sur un toit – ripostaient avec des jets de pierre, de briques, des bâtons, on a même vu l’un d’eux jeter un évier. À un moment, la grille devant l’université est tombée. Un face-à-face donc, de part et d’autre de la statue de Cheikh Anta Diop érigée tout récemment.
« Un cocktail qui peut exploser à tout moment »
Évidemment, la circulation a été bloquée. L’avenue est jonchée de pierres et tous les commerces ont fermé. Difficile d’obtenir un bilan fiable sur des blessés de part et d’autre. Témoin de ces violences, une étudiante lâche : « Ça m’inquiète. Je pense que ça va mal finir. Ils ne vont pas lâcher prise, les policiers aussi… »
Sur l’avenue, le docteur Wone, dentiste, a fermé son cabinet en face de l’université. D’après lui, ces affrontements dépassent largement la procédure qui vise Ousmane Sonko. « Il y a une frustration de la population. Et ça se manifeste pas un ras-le-bol total. À cause du couvre-feu, à cause du manque de travail, il y a un cocktail qui peut exploser à tout moment », confie-t-il.
Des échauffourées et affrontements signalées aussi en banlieue de Dakar, dans le quartier des Parcelles assainies, Pikine ou Guédiawaye. Jets de pierre, gaz lacrymogènes, véhicules incendiés, magasins vandalisés… Jusque tard dans la soirée de jeudi, des heurts sporadiques ont éclaté dans différents quartiers de Dakar et sa banlieue.
Et en Casamance également des heurts ont eu lieu, dans le sud du pays, fief de l’opposant, notamment à Bignona où un décès au moins a été enregistré ce jeudi, celui d’un jeune manifestant. Cela a été confirmé à RFI par le préfet de la localité qui indique qu’une enquête est en cours pour déterminer les causes exactes de ce décès.
Le gouvernement a condamné dans un communiqué des « actes regrettables de vandalisme et de violence » depuis mercredi, en violation « de l’état de catastrophe sanitaire ».
Sonko attendu au tribunal vendredi, l’opposition dénonce un « complot politique sordide »
D’après l’un des avocats d’Ousmane Sonko, joint dans la soirée, l’opposant est toujours à la section de recherches, en garde à vue. Une garde à vue qui peut durer 48h, donc jusqu’à ce vendredi après-midi.
Mais il a reçu, selon sa défense, un mandat pour comparaître, en cette fin d’après-midi, dans la première procédure, donc concernant la plainte pour viol avec menaces. Ousmane Sonko est de nouveau attendu au tribunal ce vendredi 5 mars. S’il est disposé à comparaître, « il ne pourra comparaitre que libre », a assuré Me Massokhna Kane, du collectif des avocats, autrement dit seulement si la garde à vue est levée.
Une nouvelle coalition de partis politiques et d’associations, baptisée « mouvement de défense de la démocratie », dénonce un « complot politique sordide », pour « tuer toute idée d’opposition au Sénégal », et appelle à une marche nationale ce vendredi. Plusieurs entreprises ont déjà annoncé qu’elles resteraient fermées.
Dans ce contexte, les signaux de chaines de télévision privées senTV et Walfadjiri ont été coupés sur la TNT mercredi lors des heurts suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko, le conseil de régulation de l’audiovisuel avait mis en garde certains médias, en évoquant des « appels au soulèvement populaire, en diffusant des appels d’insurrection en boucle ».
Le Sénégal va vers des lendemains incertains. Le régime est déterminé à aller jusqu’au bout, avec une répression accrue. Et de l’autre côté, on a dans tout le pays des jeunes déterminés à en découdre avec un pouvoir qu’ils considèrent liberticide.
RFI