L’un des enjeux majeurs de ce sommet de l’Union africaine est le remplacement du numéro 1 de l’organisation, le président de la Commission. Cette année marque la fin du double mandat de Moussa Faki Mahamat, en poste depuis huit ans. L’ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad laisse derrière lui un bilan mitigé, entre renforcement des partenariats internationaux et crise du leadership continental africain.
Moussa Faki Mahamat tire sa révérence avec de belles réussites comme l’admission de l’Union africaine comme membre du G20 et le renforcement des partenariats de l’UA avec les Nations unies et l’Union européenne. À son actif aussi, la mise en œuvre de l’accord sur la zone de libre-échange africaine conclu en 2018, rappelle notre correspondante à Addis-Abeba, Clothilde Hazard.
Mais son mandat est également marqué par des échecs. Le président de la commission n’a pas réussi à parler d’une voix forte pour résoudre le conflit qui s’enlise au Soudan. Après l’échec de la médiation menée par l’IGAD, un leadership solide aurait été nécessaire pour alerter sur la gravité de la crise face aux puissances mondiales, distraites par le conflit ukrainien.
Autre échec, en 2021, quand malgré un rapport à charge sur la transition au Tchad, rapport qu’il appuyait, Moussa Faki Mahamat n’a pas été soutenu par la Commission.
Lucide, l’ancien ministre des Affaires étrangères tchadien n’a jamais mâché ses mots et a pointé les insuffisances de l’institution : manque de financement et affaiblissement de la solidarité entre les États membres. Dans son dernier discours, il a insisté sur l’urgence pour l’institution de se ressaisir.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que le multilatéralisme semble devoir faire face à de nouveaux défis et des coups de boutoir venus d’outre-Atlantique.
Président de la Commission : un mandat limité
Trois candidats s’affrontent pour lui succéder : le Kényan Raila Odinga, le Malgache Richard Randriamandrato et le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf. Quel que soit le vainqueur, il aura fort à faire pour redorer le blason d’une institution dont on critique souvent l’inefficacité et l’impuissance. Paul-Simon Handy est le directeur du bureau Union africaine et Afrique de l’Est de l’ISS, l’Institut d’Études de Sécurité.
Pour lui, ces critiques s’expliquent en partie par le mandat de cette commission et un mandat bien plus limité que la Commission de l’Union européenne, car les pays membres de l’UA conservent toute leur souveraineté et leurs pouvoirs. « Il y a une mauvaise perception de ce qu’elle est et de ce qu’elle peut réaliser ? De ce que son mandat lui permet déjà de faire. On parle d’une commission de l’Union africaine, mais il faut avouer que dans les faits, quand on voit les compétences, il s’agit toujours d’un secrétaire général. Un secrétaire général, c’est quelqu’un qui met en œuvre la volonté ou les volontés des États membres.
Il a très peu de compétences en termes d’initiatives, même s’il y a beaucoup d’experts qui pensent que nombre de présidents de la commission de l’Union africaine n’ont pas su faire le travail politique nécessaire pour mobiliser le soutien des États membres lorsqu’ils prenaient des initiatives qui, même si elles pouvaient être contestées, auraient eu aussi, avec un minimum d’effort de persuasion, être portées par un ensemble d’États membres. Et justement, on reproche notamment au président Faki de n’avoir pas pris assez d’initiatives ou lorsqu’il en a pris, de n’avoir pas fait le travail politique nécessaire. »