Emmanuel Macron n’a pas vu venir la crise des gilets jaunes. Et pendant des mois, il l’a subie. Deux ans après son élection à la présidence de la République, il essaie donc de tourner la page d’une séquence où il a dû encaisser l’affaire Benalla, céder face aux gilets jaunes. Une année durant laquelle il a été la cible de toutes les attaques et de toutes les critiques. Après cet an II chaotique, pour Emmanuel Macron « rien ne sera plus comme avant ».
Quand il apparait sur les écrans de télévision, le 10 décembre 2018, Emmanuel Macron a la mine sombre. Depuis trois semaines, les manifestations des gilets jaunes ont pris une tournure violente face à laquelle il n’a pas su réagir. En s’adressant aux Français, Emmanuel Macron prend acte d’une situation qui lui a échappé et de l’existence d’une colère populaire qui a déboulé dans le quinquennat sans qu’il s’y attende. Il en tire un enseignement : « Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies comme trop souvent par le passé dans des crises semblables. »
Après les gilets jaunes, rien ne sera plus comme avant, une promesse faite sous la contrainte comme l’explique le politologue du centre de recherche politique de Sciences Po, Bruno Cautrès : « J’ai le sentiment qu’Emmanuel Macron a appuyé sur le siège éjectable quelques secondes avant le crash. Donc ce qui ne sera plus comme avant pour Emmanuel Macron, c’est justement que les Français le voient aujourd’hui comme ayant dû mettre de l’eau dans son vin, ayant eu de grandes difficultés au mois de décembre. »
Emmanuel Macron met un genou à terre… Il annonce des mesures à 10 milliards d’euros. Il promet 100 euros de plus par mois pour les salariés au SMIC. Il renonce à la hausse de la CSG pour les retraités. Il admet donc avoir fait des erreurs.
« S’ils veulent un responsable… qu’ils viennent le chercher »
Un changement d’attitude radical par rapport à sa riposte au mois de juillet après l’affaire Benalla, premier soubresaut de cette deuxième année au pouvoir. A ce moment-là, passée la stupeur quand les médias ont révélé le dérapage de son collaborateur, Emmanuel Macron sort du silence dans lequel il s’était muré plusieurs jours et devant des parlementaires de la majorité réunis à la maison de l’Amérique Latine, il tente de remobiliser ses troupes en délivrant avec virulence le discours du chef. Il assène : « Le seul responsable de cette affaire, c’est moi… S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher. »
Mais pour Bruno Cautrès, ce coup de menton ne lui permet pas d’éviter les dommages sur son image car « la seule décision à prendre eut été de le licencier sur le champ. Cette décision n’a pas été prise. Elle a amené Emmanuel Macron dans une longue séquence de justification… Il y a bien effectivement un avant et un après l’affaire Benalla pour la popularité d’Emmanuel Macron ». Après l’affaire Benalla, par la force des choses et contre la volonté d’Emmanuel Macron, rien n’est donc déjà plus comme avant.
Grand débat et belles paroles
Le grand débat a-t-il alors permis à Emmanuel Macron de tourner la page d’une annus horribilis ? C’était son pari. Sortir de la camisole dans laquelle l’avait enfermé les gilets jaunes en se lançant dans un tour des régions à la rencontre des maires et des Français. Et à entendre François Patriat, le patron des sénateurs en Marche, ça a fonctionné. Il explique : « Je peux vous assurer qu’il est déterminé. L’analyse qu’il fait sur le pays est lucide. Il entend bien entendu les difficultés mais il entend y apporter des réponses. »
Apporter des réponses et gouverner autrement, pour passer à l’acte 2 du quinquennat et tourner la page de la crise, c’est l’engagement qu’a pris Emmanuel Macron à la sortie du grand débat. Pierre Person, député et délégué général adjoint de la République en Marche, explique comment le président souhaite y parvenir et affirme : « Il faut travailler sur la méthode, mieux associer les Français, mieux associer les corps intermédiaires, mieux associer les élus locaux pour accompagner la mise en œuvre des réformes… parce que quand vous avez voté une loi, c’est juste une partie du parcours qui est faite et donc ça, c’est pas simplement le président de la République qui peut le faire, ni même la majorité, ça doit être finalement l’association de tous les Français. »
De belles paroles et c’est tout, à en croire Sébastien Chenu, député du Rassemblement national de Marine Le Pen, le principal parti d’opposition à Emmanuel Macron qui déclare : « Je crois qu’Emmanuel Macron ne changera pas. Je crois qu’il reste un personnage hors sol, un personnage arrogant qui ne comprend pas les Français… Si Emmanuel Macron arrive en tête des élections européennes et à travers lui sa candidate originale Nathalie Loiseau, il va accélérer… Il l’a dit lui-même au début de sa conférence de presse, je suis content de la direction que j’ai prise, nous irons plus vite, nous irons plus loin. »
Le test des élections européennes
Si la liste menée par Nathalie Loiseau ne sort pas en tête des élections européennes, politiquement rien ne sera définitivement plus comme avant pour Emmanuel Macron. Il aura perdu en crédibilité en France mais aussi en Europe, comme l’explique Bruno Cautrès : « Imaginons que la liste soutenue par La République en Marche et le Modem ne gagne pas, il sera très difficile pour Emmanuel Macron d’arriver au sommet européen, en compagnie par exemple dans la salle d’un Victor Orban, de vouloir à nouveau jouer sa partition, d’être le nouveau patron et le nouveau dynamiteur de l’Europe. »
Alors pour éviter ce camouflet, Emmanuel Macron veut s’impliquer dans la campagne des européennes. Et ça, pour le coup, c’est exactement comme avant.