Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, est arrivé dimanche à Moscou, où il a été arrêté par la police, après que l’avion le transportant a été dérouté à la dernière minute et que la plupart de ses alliés ont été également interpellés.
Alexeï Navalny savait en arrivant à Moscou qu’il risquait d’être aussitôt arrêté. les services pénitentiaires russes avaient fait connaître leur intention de le faire dès le mois dernier. L’opposant n’a pas renoncé pour autant à revenir dans son pays : « Toutes les affaires pénales qui me visent sont des affaires montées de toutes pièces. La vérité, et la justice, sont de mon côté. Je n’ai peur de rien et je vous appelle à ne pas avoir peur ».
L’attitude paradoxale des autorités russes
L’opposant devrait rester en détention jusqu’au 29 janvier, date fixée par la justice russe pour sa prochaine comparution. Alexeï Navalny est accusé de ne pas avoir respecté les conditions de sa mise à l’épreuve, alors qu’il se trouvait en Allemagne pour se se faire soigner; il pourrait se voir condamner à plusieurs années de prison. Les autorités russes qui semblent décidées à écarter durablement cet opposant, même si elles continuent d’en minimiser l’importance sur la scène intérieure. Une attitude paradoxale, illustrée par la réaction surréaliste du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui affirmait ne pas être au courant de l’arrestation d’Alexeï Navalny.
Devant – à l’origine – atterrir à l’aéroport Vnoukovo de Moscou, l’avion transportant l’opposant a été dérouté vers celui de Cheremetievo et s’y est posé à 20h12 (17h12 TU), près de trois heures après avoir quitté Berlin. En montant à bord aux côtés de sa femme Ioulia, Alexeï Navalny avait dit être « très heureux » de revenir et assuré « n’avoir rien à craindre en Russie ». À l’aéroport Vnoukovo, où l’opposant était à l’origine attendu, la police a aussi interpellé la plupart de ses alliés venus l’accueillir, dont Lioubov Sobol, figure montante de l’opposition russe déjà arrêtée il y a quelques semaines. La police antiémeute était présente en force et a délogé progressivement de l’aéroport la plupart des quelque 200 partisans d’Alexeï Navalny qui s’y trouvaient.
Les alliés de Navalny sont accusés de « désobéissance » envers la police, a précisé sur Twitter un proche collaborateur, Ivan Jdanov. Selon l’ONG spécialisée OVD-Info, 37 personnes au total ont été arrêtées dimanche à Moscou avant l’arrivée d’Alexeï Navalny.
Tombé dans le coma en août
Le chef de file de l’opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu’il revenait d’une tournée électorale en Sibérie. D’abord hospitalisé à Omsk, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches. Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l’opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l’époque soviétique à des fins militaires, conclusion confirmée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) malgré les dénégations de Moscou. L’opposant accuse les services spéciaux russes (FSB) d’avoir tenté de l’assassiner sur l’ordre direct de Vladimir Poutine.
Les autorités russes ont elles mis en cause les services secrets occidentaux, ou l’hygiène de vie d’Alexeï Navalny, refusant d’ouvrir une enquête, arguant notamment du refus de l’Allemagne de transmettre ses données à la Russie.
S’il est largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement et inéligible, Alexeï Navalny reste la principale voix de l’opposition en partie grâce à sa chaîne YouTube aux 4,8 millions d’abonnés et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dénonçant la corruption des élites.
Sa notoriété en Russie reste toutefois limitée en dehors des grandes agglomérations, un sondage du centre indépendant Levada en septembre révélant ainsi que seulement 20% des Russes approuvaient ses actions.
Préoccupation britannique
Le ministère des Affaires étrangères britannique s’est dit « profondément préoccupé » par l’arrestation d’Alexeï Navalny à son retour en Russie, plusieurs mois après son empoisonnement présumé. De son côté, Berlin a demandé la « libération immédiate » de l’opposant.
(avec AFP)