Retraites : Les syndicats en colère suite au «mépris» du discours d’Emmanuel Macron

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En plus de réaffirmer ses objectifs et ne pas reculer sur sa réforme des retraites, le président français Emmanuel Macron a critiqué les syndicats lors de son interview à TF1 et France 2 mercredi 22 mars. À l’unisson, les syndicats ont réagi vivement, qualifiant ses propos de « mépris », « déni », « des mensonges » d’un président « sur la Lune ». Pour les opposants à la réforme, c’est une raison de plus pour joindre le mouvement du jeudi 23 mars.

Lors de son interview après le sauvetage de peu du gouvernement – qui avait engagé sa responsabilité pour faire passer le texte de la réforme des retraites –, le président français Emmanuel Macron a regretté « qu’aucune force syndicale n’ait proposé un compromis », visant particulièrement la CFDT. Il a aussi fustigé les « factieux », les « violences », et semblé minimiser les « contestations », affirmant que « ces contestations […] à chaque réforme des retraites, nous les avons et parfois en nombre bien supérieures ».

Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a lui accusé le président de la République de « déni » et de « mensonge », « sur le fait qu’il n’y aurait de la responsabilité que dans un camp, sur le fait que la CFDT aurait proposé à son congrès une augmentation de la durée de cotisation, […] sur le fait qu’on [n’aurait] pas fait de contre-propositions ».

Ces propos sont « du foutage de gueule » et du « mépris » vis-à-vis des « millions de personnes qui manifestent », a réagi le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. « C’est lunaire cette interview. C’est : « tout va bien, je fais tout bien, il ne se passe rien dans la rue » », a-t-il dénoncé devant des journalistes à Tours.

Philippe Martinez a en outre jugé « proprement scandaleux » de « comparer la situation en France avec ce qui s’est passé aux États-Unis » suite à l’élection de Joe Biden et « l’envahissement du Capitole par des hordes d’Américains plutôt d’extrême droite ».

« C’est une provocation », a renchéri à ses côtés François Hommeril, le patron du syndicat des cadres, qui s’est dit globalement « très choqué » par l’interview du chef de l’État. « Moi, j’en peux plus de ces leçons de responsabilité », a déclaré le président de la CFE-CGC. Évoquant un « disque rayé », il a ajouté qu’Emmanuel Macron faisait « comme si rien ne s’était passé depuis deux mois, comme si la Terre s’était arrêtée de tourner ». « Il est parti sur la Lune, peut-être qu’il était avec Thomas Pesquet, je ne sais pas, quelque part dans la navette spatiale… », a-t-il grincé.

« Trêve de blabla »

Car l’objectif des manifestants reste le même : « Trêve de blabla … on veut le retrait », a tweeté le secrétaire général de l’Unsa Laurent Escure, lapidaire.

Le président de la CFTC, Cyril Chabanier, a dénoncé sur le même réseau social un discours « hors-sol ». « On attendait une séance d’autocritique et de remise en cause de la méthode, on a eu droit à un satisfecit agrémenté de critiques à l’endroit des syndicats, des oppositions, et globalement de tous ceux qui seraient contre la réforme. Le président s’entête à s’isoler », a-t-il fustigé.

« Traitant par le mépris la formidable mobilisation engagée depuis le 19 janvier, le président de la République a confirmé une attitude jusqu’au-boutiste sur la réforme des retraites », a de son côté dénoncé FO dans un communiqué.

La FSU a pointé du doigt une intervention « irresponsable et provocatrice » tandis que Solidaires a accusé le président d’avoir choisi « la fuite en avant ».

Les syndicats ont aussi accueilli fraîchement la proposition du président de réengager dans les prochaines semaines un dialogue avec les partenaires sociaux sur le travail, Laurent Berger parlant de « mots creux ». « Il y a un délai de décence. Il y a même de la décence dans la façon dont on s’adresse à ses interlocuteurs », a-t-il dit à l’AFP.

« Je pense que pour retrouver la confiance, si confiance il y a eu un jour, […] trois semaines, ça va être court », a de son côté affirmé Philippe Martinez.

« Anecdotique », « de la poudre aux yeux », selon des grévistes

Sur un piquet de grève à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), les travailleurs du centre d’incinération ne décolèrent pas, après avoir suivi l’interview, l’oreille collée au téléphone portable devant leur usine. Même s’ils n’attendaient rien de la prise de parole.

« C’est anecdotique, lance Nicolas, technicien chimiste sur le site de gestion des déchets. Le gouvernement veut là passer à autre chose, dire « les retraites, c’est fini, on passe à autre chose », mais quand il verra que les gens ne passent pas à autre chose, il se demandera ce qu’il doit faire. Là, il fait juste de la politique. »

Sur la contribution exceptionnelle des entreprises qui ont tiré des profits exceptionnels envers leurs salariés, Stéphane n’est pas convaincu : « C’est un abus de langage, il ne veut pas taxer. Il utilise le mot de superprofits comme un élément de langage pour dire qu’il l’a mis dans sa formule, mais cela ne va rien changer. C’est de la poudre aux yeux, il va falloir des faits, il faut agir dans le sens des gens. »

Ils disent poursuivre le mouvement, notamment lors des défilés de jeudi, où ils s’attendent à voir encore plus de manifestants qu’il y a deux semaines.

Dans un restaurant routier de l’Oise, à La Bonne Franquette, Michelle la patronne accueille les clients à l’heure du déjeuner alors que le président s’exprime à la télé. « Il est en train de parler pour rien dire. Il est en train d’essayer d’enfumer comme à son habitude les gens ignares, parce que nous sommes des gueux d’après lui. Il faut l’oublier », s’agace Michelle lors du discours d’Emmanuel Macron.

RFI