Moins de trois semaines avant les élections législatives prévues les 30 juin et 7 juillet prochains après la dissolution de l’Assemblée nationale, la gauche affiche son unité avec le Nouveau Front populaire. Écologistes, socialistes, insoumis et communistes ont présenté leur programme commun. Un programme qui se veut en rupture avec la politique actuelle et qui comporte, en tout, près de 150 mesures.
Les dissonances persistent, mais le front affiché est uni. Pour y parvenir, le programme cosigné par tous les dirigeants des partis de gauche propose une « rupture » totale avec la politique d’Emmanuel Macron.
Le programme se décline tout d’abord dans le temps : les quinze premiers jours au pouvoir si le Nouveau Front populaire (NFP) est victorieux équivaudront à « la rupture » avec les politiques de ces dernières années. Les 100 premiers jours seront intitulés « l’été de la bifurcation », tandis que les mois suivants seront consacrés à la transformation.
Abroger les réformes les plus décriées et redonner du pouvoir d’achat
Dès les premiers jours, le Nouveau Front populaire veut par exemple abroger deux réformes emblématiques – celle des retraites repoussant l’âge de départ à 64 ans et celle de l’assurance chômage pour les demandeurs d’emploi. Cette mesure allait emmener encore plus de personnes vers la pauvreté, martèlent les responsables de cette nouvelle alliance de gauche. Le NFP promet aussi l’abrogation de la loi immigration.
Parmi les autres priorités figurent celles qui visent à redonner le pouvoir d’achat aux ménages modestes : le blocage des produits de première nécessité et des prix de l’énergie, l’augmentation du Smic à 1 600 euros net (1 398,69 euros actuellement) et du traitement des fonctionnaires, l’indexation des salaires et des pensions de retraite sur l’inflation. Elle propose en outre d’annuler la hausse programmée du prix du gaz au 1er juillet.
Le programme prévoit aussi des mesures pour plus de justice fiscale : le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) avec un volet climatique renforcé. Au niveau européen, la taxation des superprofits des multinationales pour augmenter les ressources du budget de l’Union européenne est envisagée, tout comme une renégociation de la politique agricole commune ou la mise en place d’un protectionnisme écologique et social.
Parmi les premières priorités figurent également la suspension de projets autoroutiers ou de mégabassines, la suppression de Parcoursup, l’abandon du projet de réforme constitutionnelle en Nouvelle-Calédonie, la reconnaissance de l’État de Palestine et le maintien du soutien inconditionnel à l’Ukraine.
Des grandes réformes ont été esquissées, comme la 6e République, le référendum d’initiative citoyenne, le refinancement des services publics avec notamment une priorité donnée à l’école publique.
D’âpres négociations et des points de blocage persistants
Ce programme est ainsi la synthèse des différents points de vue des composantes de cette alliance. Ainsi, sur le plan international, les partis de gauche tentent de mettre de côtés les profondes divergences qui les ont opposés sur le Hamas, en dénonçant « les massacres terroristes » du mouvement islamiste et en promettant d’oeuvrer « pour la libération des otages détenus » depuis le 7 octobre. Ils appellent à « imposer un cessez-le-feu immédiat à Gaza et à faire respecter l’ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui évoque, sans ambiguïtés, un risque de génocide ». Le Nouveau Front Populaire s’engage aussi à « reconnaitre immédiatement l’État de Palestine aux côtés de l’État d’Israël ».
Les partis de gauche appellent à un « plan interministériel contre l’antisémitisme et l’islamophobie ». Partagés sur le degré de soutien à l’Ukraine face à la Russie, ils s’entendent sur un dénominateur commun et promettent de « défendre indéfectiblement la souveraineté » ukrainienne « par la livraison d’armes nécessaires ».
La question de la sécurité n’est pas en reste : le programme prévoit de renforcer les effectifs de la police notamment pour lutter contre le narcotrafic.
Le choix du Premier ministre en cas de victoire du Nouveau Front Populaire
Qui serait le ou la Première ministre si le NFP remportait les législatives ? Cette épineuse question de la candidature à Matignon, en cas de victoire de la gauche, n’est pour le moment pas tranchée. Cela pourrait devenir le caillou dans la chaussure du Nouveau Front populaire au vu de l’ambiguïté assumée de l’alliance sur ce sujet, qui sera à coup sûr exploitée au maximum par ses adversaires. Car évidemment les Insoumis pensent à Jean-Luc Mélenchon. Une ligne rouge pour beaucoup d’électeurs, et pour certains au sein même du NFP, comme Raphaël Glucksmann.
« Cette union est la seule manière d’empêcher la victoire du Rassemblement national » aux législatives, a reconnu Raphaël Glucksmann, interrogé dans la matinée sur France Inter. Vainqueur à gauche des élections européennes avec 13,83% des voix avec la liste Parti socialiste-Place Publique, Raphaël Glucksmann était absent lors de l’annonce du programme de l’alliance de gauche.
Outre Jean-Luc Mélenchon, les noms de l’ancien syndicaliste Laurent Berger, de l’Insoumis François Ruffin ou des socialistes Valérie Rabault et Boris Vallaud ont circulé. Les partis ont convenu que celui qui aura le plus de députés proposera un candidat, ce qui avantage a priori LFI, présent dans 229 circonscriptions, contre 175 pour PS, 92 pour les Écologistes et 50 pour le PCF.
L’équilibre des finances publiques
Pour Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, le programme du Nouveau Front Populaire est « l’assurance de la sortie de l’Union européenne par son refus de la discipline européenne budgétaire ». L’objectif du Pacte de stabilité et de croissance adopté par les États membres en 1997 et révisé plusieurs fois depuis, sa dernière réforme remonte à décembre 2023, est de garantir que les finances publiques soient saines et viables, tout an soutenant la croissance et l’investissement.
Parmi les principales Bourses européennes, toutes dans le rouge vendredi, le CAC 40 à Paris est le seul indice à avoir effacé ses gains depuis le début de l’année et se dirige vers sa pire baisse hebdomadaire depuis mars 2022, juste après l’invasion russe de l’Ukraine. L’issue des législatives anticipées en France inquiète les investisseurs qui préfèrent délaisser les actions de la zone euro en attendant d’y voir plus clair.