COP27 : Les pays affectés par le changement climatique saluent l’accord sur les «pertes et dommages»

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La COP27 de Charm el-Cheikh, en Égypte, s’est terminée dimanche 20 novembre sur un bilan contrasté et les réactions ont afflué pour saluer des avancées dans l’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais aussi regretter un manque d’ambition sur la baisse des émissions.

Les négociations ont été longues et elles ont même débordé sur le calendrier officiel des débats. Mais la COP27, qui s’est clôturée dimanche en Égypte, a finalement accouché d’un texte très disputé sur l’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique, mais sans nouvelles ambitions pour la baisse des gaz à effet de serre.

L’adoption de ce texte a été qualifiée d’historique par le ministre de l’Environnement de la Zambie. C’est « très positif », ajoute-t-il, « pour 1,3 milliard d’Africains ». Cet accord sur les « pertes et dommages », vise à compenser financièrement les dégâts causés par le changement climatique dans les pays les plus vulnérables.

Une demande de longue date de l’alliance des petits États insulaires, qui regroupe le Vanuatu, les Fidji, les Comores ou encore le Bélize : 44 États représentés à la COP27 par le ministre de l’Environnement d’Antigua-et-Barbuda. Il estime que c’est l’accomplissement d’une mission de 30 ans, pour mettre – enfin – le sujet sur la table des pays occidentaux.

Verre à moitié plein

Sherry Rehman, le ministre pakistanais du changement climatique, s’est félicité de la création de ce fonds qui récompense des années de travail : « Ça a été deux semaines de travail acharné, de négociations difficiles et beaucoup de nuits de disputes. Mais ça en vaut le coup. C’est un combat de 30 ans. Et on arrive aujourd’hui à la fin du parcours avec cette réussite majeure. J’estime que cela restaure la crédibilité des échanges internationaux sur le climat. Maintenant, c’est au comité technique d’étoffer ce fonds et le rendre opérationnel pour qu’il réponde aux besoins des pays vulnérables. Les pertes et les préjudices subis partout dans le monde à cause de l’impact du changement climatique ».

En août dernier, le Pakistan avait été victime d’inondations exceptionnelles qui avaient fait au moins 1 700 morts. De son côté, le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif a salué sur Twitter l’adoption de ce fonds, « une première étape décisive vers l’objectif de justice climatique ».

Même son de cloche chez Collins Nzovu, le ministre zambien de l’Économie verte et de l’environnement : « Je suis très, très excité. C’est un résultat extrêmement positif pour les 1,3 milliard d’Africains. Car pour nous, le succès de la COP en Égypte est basé sur ce que nous aurions pu obtenir en termes de pertes et de dommages climatiques ».

« On a gagné une bataille, mais pas la guerre », a, de son côté, réagi Alpha Kaloga, coordonnateur du groupe africain à la COP27. Le fond sur les pertes et les préjudices, c’est un tabou de 30 ans qui est cassé aujourd’hui ».

« Les nations du Pacifique appellent à la création d’un tel fonds depuis tellement longtemps ! On est vraiment soulagé que cela se concrétise. Maintenant, on attend avec impatience de voir comment les détails vont se mettre en place dans les 12 prochains mois », s’est pour sa part réjoui le ministre des Finances des îles Tuvalu, Seve Paeniu. Entre cyclones et montée du niveau de la mer, les petites îles subissent des dégâts irréversibles à cause du changement climatique.

Mais il reste conscient que les débats ne sont pas terminés, car le fonds doit être débattu toute l’année pour entrée en vigueur lors de la COP28, l’année prochaine. « Mais il fallait qu’on ait un mécanisme en place qui va assister les pays en développement. Par exemple, lorsqu’un pays subit une inondation, dès les 2 premiers jours, l’incidence avoisine déjà un ou deux milliards de dollars. On attend au minimum que la reconstruction soit accompagnée avec des subventions, on aura donc l’année prochaine une très grande bataille : assurer que le fond ne soit pas comme les autres fonds qui existent, avec beaucoup de conditionnalités qui ne nous permettent pas d’avancer », estime-t-il.

« Un pas en avant » mais un pas « trop court ! »

Mais pour beaucoup, si les conclusions de cette COP27 sont bien « un pas en avant », comme l’a exprimé le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, cela reste un pas « trop court ! » L’accord conclu ce matin n’est pas aussi ambitieux que l’aurait souhaité l’Union européenne, l’Inde ou encore l’Afrique du Sud.

Le soutien en dernière minute des États-Unis et du Canada n’aura pas suffi. L’accord final n’a pas retenu l’engagement de tourner la page de l’ère du pétrole, du gaz et du charbon.

« Une vraie déception » pour la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher : « Nous regrettons le manque d’ambition sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre que porte cette COP, en particulier la sortie des énergies fossiles. Nous avons un certain nombre de pays qui se sont ralliés à cette position, mais nous n’avons pas pu aller plus loin ».

En 1991, on commence tout juste à construire les négociations climatiques. Les petites îles du Pacifique s’inquiètent déjà de l’eau qui monte. Au nom de leur alliance, le Vanuatu propose la mise en place d’un système d’assurance. Une solution qu’elles refusent aujourd’hui, au profit d’un vrai fonds alimenté par de l’argent réel et disponible immédiatement.
Pendant des années, rien ne se passe et il faut attendre la COP de 2013, en Pologne, pour voir la création d’un mécanisme de Varsovie puis, en 2019, d’un réseau de Santiago, deux entités-clés au rôle technique, mais toujours pas opérationnelles.
Des brèches sont ouvertes l’an dernier, à la COP26 qui a fait de la justice climatique son mantra. L’Écosse promet 2 millions de livres, suivie par la Wallonie. En septembre, le Danemark engage à son tour 13 milliards de dollars. Le terrain semble mûr et à Charm el-Cheikh, les pertes et dommages sont inscrits à l’agenda officiel des négociations, une première victoire.
Le problème, c’est que cela arrive un peu tard. Les catastrophes climatiques s’enchaînent et les dégâts sont de plus en plus chers. Les pays du Sud réclament urgemment la création d’un fonds ainsi qu’un ruissellement de l’argent des pays du Nord. Le principe est désormais acté et d’un point de vue diplomatique, c’est un pas de géant.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres partage ce constat. Il salue toutefois la décision d’établir un fond de dédommagement des pays les plus vulnérables au changement climatique : pour lui « c’est un signal politique nécessaire pour reconstruire une confiance brisée ». Mais « ce ne sera clairement pas assez ». Même sentiment pour l’Afrique du Sud. Le pays estime qu’une « action urgente supplémentaire » est nécessaire.

Avant même la conclusion de la COP27, certaines voix se sont élevées pour nuancer la portée de ce fonds. « L’idée d’un fonds seul est au pire inappropriée, au mieux largement insuffisante », a déploré Emmanuel Macron. « Dès qu’on a un problème, on crée des fonds (…) quelle est la gouvernance, qui va mettre l’argent ? », s’est interrogé le président français, faisant écho aux questionnements sur le fonctionnement de ce fonds d’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique.

Les détails opérationnels doivent être définis par un comité spécial pour adoption à la prochaine COP, fin 2023 aux Émirats arabes unis, promettant de nouveaux affrontements, notamment sur la question des contributeurs, les pays développés insistant pour que la Chine en fasse partie.