À Minneapolis, la nuit a encore été tendue. Des manifestants ont défié le couvre-feu entré en vigueur à 20h samedi soir.
Des policiers en tenue anti-émeutes ont chargé, tirant des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes. Depuis vendredi, cette ville du Minnesota, dans le nord-est des États-Unis, est le théâtre de violentes manifestations de colère.
Les manifestations se propagent dans le pays
Les manifestants réclament justice pour George Floyd, cet Afro-Américain de 46 ans tué lundi par lors de son arrestation par la police, dénonçant les bavures policières et les discriminations raciales. Des manifestations qui ont gagné plusieurs villes du pays. À Washington, Seattle ou Dallas, des foules se sont rassemblées.
Des heurts ont eu lieu entre police et manifestants à New York, Los Angeles, Atlanta, Chicago ou encore Miami, ce qui a conduit les autorités locales à mettre en place un couvre-feu pour empêcher qu’elles dégénèrent en émeutes comme à Minneapolis.
À New York, plus de 200 personnes ont été arrêtées après de violents incidents ayant fait plusieurs blessés au sein des forces de l’ordre. Un cocktail Molotov a été lancé à l’intérieur d’une voiture de police qui était occupée, sans faire de victimes. À Atlanta, des véhicules de patrouille de la police ont été brûlés. À Los Angeles, cinq policiers ont été blessés et plusieurs centaines de personnes arrêtées lorsqu’une manifestation pacifique qui a dégénéré, avec là aussi des commerces incendiés et des pillages.
C’est un symbole: le couvre-feu a été décrété dans plus de 25 communes, ce qui n’était pas arrivé aux États-Unis depuis 1968 et l’assassinat d’un certain Martin Luther King. Soixante ans plus tard, rien n’a changé, les Afro-Américains sont toujours discriminés.
On déplore un mort et trois blessés à Indianapolis après qu’un homme a tiré dans la foule. Dans l’ensemble du pays, au moins 1 500 arrestations en l’espace de 24 heures.
Donald Trump promet de « stopper la violence collective »
Donald Trump a une nouvelle fois réagi aux émeutes de ces derniers jours parlant de la mort de George Floyd comme d’une « tragédie ». Qualifiant les protestataires de pilleurs et d’anarchistes, le président a promis de « stopper la violence collective ». « La mémoire de George Floyd est déshonorée par des émeutiers, des pilleurs et des anarchistes, a-t-il lancé. La violence et le vandalisme sont l’œuvre d’Antifas [Antifascistes, ndlr] et autres groupes d’extrême gauche qui terrorisent les innocents, détruisent des emplois et des commerces et incendient des bâtiments. Aujourd’hui, les États-Unis ont besoin de création et non de destruction. Besoin de sécurité et pas de chaos. Et il n’y aura pas de chaos ! Nous soutenons la vaste majorité des policiers qui sont remarquables et dévoués au service du public. Nos villes sont sûres grâces à eux. Ils nous protègent des gangs et de la drogue et risquent leur vie pour nous chaque jour. »
Dans un communiqué, le candidat démocrate à la présidentielle a condamné les violences. « Manifester contre une telle brutalité est un droit et une nécessité. C’est une réaction éminemment américaine », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Mais mettre le feu à des villes et la destruction gratuite ne l’est pas. La violence qui met en danger des vies ne l’est pas », a-t-il affirmé.
Le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, a lui aussi dénoncé des éléments extérieurs à sa ville. La situation à Minneapolis « n’a absolument plus rien à voir avec le meurtre de George Floyd », a estimé le gouverneur. Il s’agit selon lui « d’instiller la peur et de déstabiliser nos grandes villes ».
La police débordée et l’armée mobilisée
Pour reprendre le contrôle de la situation, il a annoncé la mobilisation générale des 13 000 soldats de la garde nationale de l’État, une première, et indiqué avoir demandé l’aide du ministère de la Défense. Des unités de la police militaire ont été mises en alerte pour pouvoir éventuellement intervenir à Minneapolis dans un délai de quatre heures, a précisé le Pentagone.
La police militaire américaine ne peut légalement intervenir sur le territoire américain qu’en cas d’insurrection. Vendredi soir, 2 500 policiers et soldats de la garde nationale et l’imposition d’un couvre-feu n’avaient pas empêché Minneapolis de s’embraser, avec de nombreux pillages et incendies volontaires. Mais face à eux, il y avait « des dizaines de milliers d’émeutiers », a souligné le responsable des forces de sécurité du Minnesota, John Harrington.
« On a répliqué en tirant à travers les fenêtres du magasin »
Dans la journée, samedi, les habitants de Minneapolis, armés de balais et de pelles, ont tenté de donner une autre image de leur ville, nettoyant tous les débris laissés par les émeutes. Tandis que d’autres se préparaient à une nouvelle nuit difficile. Depuis vendredi, des centaines de commerces qui ont été pillés ou incendiés, la police est submergée. Alors certains habitants font comme ils peuvent pour se protéger eux-mêmes, comme Jack, perceuse à la main, qui pose des plaques en bois sur les vitres de sa librairie encore intacte espérant la protéger des émeutiers alors que dans sa rue presque tous les commerces ont été incendiés ou pillés, rapporte notre envoyé spécial à Minneapolis, Éric de Salve. « Les émeutes ont déjà détruit la moitié du quartier, explique-t-il. La pharmacie là-bas a été rasée par le feu, ce bâtiment qui était pourtant protégé a été pillé. Jusqu’ici, je l’ai échappé belle, tant mieux. Mais oui, c’est dingue. »
Solidaires, une dizaines d’autre commerçants sont venus l’aider, comme Marc qui lui préfère défendre son magasin armes à la main. « Les pillards m’ont tiré dessus, raconte-t-il. Ils sont arrivés en voiture sur le parking, ils ont tout de suite ouvert le feu. On a répliqué en tirant à travers les fenêtres du magasin et ils sont partis tout de suite. Je ne crois pas vraiment que la police puisse nous protéger, ils sont submergés. Certains soirs, les émeutiers sont dix fois plus nombreux. »
Du coup, devant son magasin de chaussures, plusieurs jeunes du quartier mènent la garde pistolet à la ceinture. Sur le toit, des gardes sont postés toute la nuit avec des mitrailleuses, comme Dakota, prêt à tuer s’il le faut. « Cela ma dépasse totalement de voir que nous en sommes arrivés à ce point où les gens sont obligés de défendre eux-mêmes leur quartier et leurs amis », se désole-t-il. Depuis le début des émeutes, ces groupes d’autodéfense ont déjà fait un mort : un pillard tué par un prêteur sur gage qui protégeait son magasin.
Le policier blanc Derek Chauvin qui, sur une vidéo devenue virale, maintient son genou pendant de longues minutes sur le cou de George Floyd a été arrêté vendredi et inculpé pour « homicide involontaire » et « acte cruel et dangereux ayant causé la mort ». Mais pour les manifestants, ce n’est pas assez : cette nouvelle bavure a ravivé les plaies raciales des États-Unis et ils veulent que les responsables rendent des comptes.
Avec AFP