Ancien Directeur des Pêches et ancien Directeur de Cabinet au Ministère des petites et Moyennes Entreprises et de la Promotion du Secteur Privé, Jean Baptiste DEGBEY donne des explications sur la mortalité massive de poissons du lac Toho à Athiémé. Au lendemain de la publication des résultats d’analyse des prélèvements effectués par le Laboratoire Centrale de Sécurité Sanitaire des Aliments, si les éléments d’analyse ne permettent pas d’infirmer ou de confirmer la thèse d’une intoxication naturelle ou provoquée, pour étancher la soif de l’opinion publique de mieux comprendre le drame, M. Degbey indique que « la piste d’un début d’eutrophisation du lac ne peut être écartée ». En qualité d’ancien responsable de l’activité piscicole dans notre pays, l’ancien Directeur des Pêches et ancien Directeur de cabinet du ministère des Petites et Moyennes entreprises souhaite que des investigations plus approfondies soient faites. Il rappelle que ce phénomène a déjà été observé au Bénin en 1994 dans les étangs de l’ancien projet de pisciculture de Godomey et propose des solutions. Lisez plutôt.
« J’ai suivi attentivement les débats sur les mortalités massives de poissons survenues dans le lac Toho à Athiémé, il y a quelques jours, ainsi que les bonnes mesures de précaution prises par le Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche pour en limiter les conséquences
La publication par les réseaux sociaux des résultats d’analyse des prélèvements effectués par le Laboratoire Centrale de Sécurité Sanitaire des Aliments (LCSSA) ne satisfaisant pas notre soif de comprendre le drame, je me fais le devoir d’apporter ma contribution en qualité d’ancien responsable de l’activité piscicole dans notre pays.
A l’étape actuelle, si les éléments d’analyse ne permettent pas d’infirmer ou de confirmer la thèse d’une intoxication naturelle ou provoquée (certains demandent une contre expertise), la piste d’un début d’eutrophisation du lac ne peut être écartée. Il peut s’agir aussi de ce phénomène naturel souvent désigné ainsi. C’est une sorte de pollution naturelle observée souvent dans les lacs, lorsque ceux-ci reçoivent une trop grande quantité de matières nutritives assimilables par les algues et autres plantes aquatiques et que celles-ci deviennent trop abondantes. Les nutriments à l’origine, sont le phosphore contenu dans les phosphates et l’azote contenu dans les nitrates et nitrites. Cette trop grande quantité de matières nutritives additionnées à celle des eaux de ruissèlement et des eaux usées, accroit la prolifération des plantes aquatiques qui consomment tout l’oxygène nécessaire pour la vie du lac. Il en résulte une asphyxie du lac. Elle est principalement causée par un déséquilibre du ratio azote/phosphore. Les plantes et algues consomment en effet l’oxygène et l’azote mais peu ou pas le phosphore. La présence en grande quantité du phosphore et la décomposition aérobie des plantes et algues appauvrit le milieu en oxygène et provoque l’asphyxie qui s’intensifie avec la profondeur. Ceci peut se produire aussi dans les enclos, cages et étangs. En cas d’une bonne aération du lac, ce phénomène peut être bénéfique à la vie du lac. C’est dire que l’eutrophisation d’un milieu n’est pas toujours nuisible à l’écosystème. Il peut être positif en cas de renouvellement continu ou d’aération surtout en profondeur du lac.
Le lac Toho très encombré par les végétaux et dont les rives sont fortement occupées par les activités champêtres, semble être exposé à ce phénomène en cette saison de pluie. Il est à souhaiter que des investigations plus approfondies soient faites pour vérifier l’éventualité du phénomène.
Je note que ce phénomène a déjà été observé chez nous au Benin en 1994 dans les étangs de l’ancien projet de pisciculture de Godomey. Ces étangs mal entretenus communiquaient avec le bras du lac Nokoué ou lac Djonou à hauteur du pont de Godomey. Ce fut justement en période pluviale et après une pluie abondante que d’importantes mortalités des spécimens de Chrysichthys (silure blanc) plus fragiles que tilapia furent enregistrées dans des étangs déjà abandonnés.
En cas de confirmation de cette thèse, les solutions généralement envisagées pour freiner le vieillissement et la mort du lac, se résument à :
Arrêter tous les rejets de substances nutritives dans le lac et réduire si possible les eaux de ruissèlement ;
Procéder a un enlèvement systématique des algues et autres plantes aquatiques qui polluent l’eau (désherbage);
Aérer si possible de façon mécanique le lac pour accélérer le processus d’épuration.
En plus de cette hypothèse plausible qui vient d’être examinée, il y a toujours le risque d’une contamination naturelle ou provoquée. Il semble correspondre au diagnostic des populations riveraines. Il ne sera pas non plus écartée, la possibilité d’une épizootie.
Dans tous les cas, les résultats issus des investigations scientifiques devraient nous permettre de nous fixer sur les causes réelles du drame ainsi que les dispositions à prendre pour le futur. Au demeurant, la mise en œuvre d’un plan de surveillance de tous les plans d’eau du Benin serait une solution ».
Jean Baptiste Dégbey