« Considérant les difficultés auxquelles a dû faire face la DGI tel que souligné par elle-même et en vertu d’une part, de l’adage suivant lequel la prescription ne court par contre qui n’a pas pu agir, et d’autre part du rôle de régulation de la cour constitutionnelle, il convient de juger que doit être pris en compte dans le cadre des élections législatives du 8 janvier 2023, la liste déposée par le mandataire du parti Les Démocrates le mardi 15 novembre 2022.En conséquence, ordonne à la CENA de prendre en considération la liste déposée par le mandataire du parti Les Démocrates le mardi 15 novembre 2022 ». Telle est la substance de la décision de la Haute juridiction saisie par une requête de Les Démocrates contre la Direction générale des impôts (DGI) pour violation du code électoral et de la Constitution. Lire l’intégralité de la décision. Transcription publiée sur Banouto.
Décision EL 22004 du 17 novembre 2022.
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête en date, à Cotonou, du 13 novembre 2022 enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 2022 sous le numéro 1911/411/REC-22 par laquelle, le parti politique »Les Démocrates » agissant aux diligences de son président, monsieur Éric Houndété, 06 BP 1325 Cotonou, assisté du cabinet d’avocats Victorien Fadé et de la SCP Pognon et associés forment un recours contre la Direction générale des impôts (DGI) pour violation du code électoral et de la Constitution.
Vu la Constitution ;
Vu la loi 2022-09 du 27 juillet 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle ;
Vu la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier,
Ouï monsieur Razaki Amouda Issifou en son rapport,
Le représentant de la CENA et le directeur général des impôts,
Le président du parti « Les Démocrates » et ses conseils en leurs observations
Après en avoir délibéré,
Considérant que le requérant expose que dans le cadre de la constitution du dossier de candidature du parti politique « Les Démocrates » aux élections législatives du 8 janvier 2023, plusieurs militants du parti ont formulé à partir de 30 septembre 2022, date d’opérationnalisation de la plateforme conçue à cet effet, des demandes de quitus fiscal auprès de la direction générale des impôts, pièce constitutive des dossiers de candidature. Qu’il indique que plus de 25 jours après les demandes, certains requérants n’ont reçu aucune réponse de la DGI à leur demande. Que d’autres après avoir satisfait aux observations faites par la DGI n’ont pas obtenu dans les 72 heures comme le prévoit la loi, la délivrance du quitus fiscal. Que d’autres encore, après avoir satisfait aux observations de la DGI, ont reçu plus tôt que le quitus fiscal, d’autres observations complémentaires.
Considérant qu’il soutient que la non-satisfaction à la date du 03 novembre 2022, lendemain de la date de clôture du dépôt des candidatures à la CENA à 17 demandes de quitus fiscal formulées par les militants du parti « Les Démocrates » est contraire aux dispositions de l’article 42 du Code électoral aux termes desquels le directeur général des impôts est tenu de délivrer le quitus fiscal à tout candidat à jour du paiement de ses impôts dans les 15 jours qui suivent la réception de la demande, le refus de délivrance du quitus est motivé et comporte l’indication en une seule fois les détails des impôts non payés et a créé un énorme préjudice au parti qui n’a pu, par ce fait, déposer à bonne date, à la Commission électorale nationale autonome un dossier complet de candidature.
Qu’il en déduit la violation des articles 34 et 35 de la constitution qui disposent respectivement : « Tout citoyen béninois civil ou militaire a le devoir sacré de respecter en tout circonstance la constitution et l’ordre constitutionnel établi ainsi que les lois et règlements de la République. Les citoyens chargés à une fonction publique ou élu à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du Bénin commun et demande à la Cour d’une part, de constater la violation de l’article 42 du Code électoral, 34 et 35 de la Constitution, d’autre part, et en tirant conséquence de cette violation d’autoriser le parti Les Démocrates à reconstituer auprès de la CENA son dossier de candidature.
Considérant qu’en réplique, la CENA observe que le 09 novembre 2022, après examen du dossier de déclaration de candidature du parti politique Les Démocrates, le Conseil électoral de la CENA, après avoir en avoir délibéré, a relevé des insuffisances qui ont été notifiées le même jour au président du parti ; que ces insuffisances se présentent comme suit : 17 quitus fiscaux manquants, trois certificats de nationalité manquants, un certificat de résidence non conforme, deux déclarations sur l’honneur, l’une manquante et l’autre non conforme, 5 procurations dûment certifiées dont trois manquantes et deux non conformes, deux casiers judicaires non conformes. Qu’après la notification de ces insuffisances, les mandataires du parti politique Les Démocrates ont apporté des pièces complémentaires pour finaliser leur dossier et remis une nouvelle liste en remplacement de celle déposée le 02 novembre 2022.
Que la CENA soutient qu’après analyse des pièces complémentaires, il en est ressorti que le parti politique Les Démocrates a satisfait aux insuffisances précédemment notifiées et que quatre candidats n’ont toujours pas fourni de quitus fiscal ce qui rend le dossier dudit parti incomplet. Que s’agissant des quatre quitus fiscaux manquants, la CENA sur le fondement qu’elle n’est pas partie prenante au fonctionnement de la plateforme à l’édition des observations en matière fiscale, à la délivrance de quitus fiscaux, à l’arbitrage d’observance ou non des délais à la charge de la direction générale des impôts, se réserve d’opiner sur la violation supposée par la DGI des dispositions du Code électoral ; Qu’elle soutient enfin que n’étant qu’un organe administratif chargé de l’application des textes de l’article 41 du code électoral ne l’autorise pas à admettre un quelconque remembrement ou reconstitution de liste de candidats.
Considérant que de son côté, la direction générale des impôts affirme que la loi numéro 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral dispose en son article 41 que la déclaration de candidature aux élections législatives doit être accompagnée du quitus fiscal des trois dernières années précédant la date de dépôt de candidature. Qu’elle ajoute que dans le cadre du processus électoral en cours et en vertu de ses prérogatives, elle a par communiqué du 30 septembre 2022 invité les candidats à soumettre individuellement leur demande de quitus fiscal tout en indiquant les impôts dont ils devraient être à jour au 31 décembre 2021. Qu’elle précise qu’un total de 4302 demandes ont été reçus dont 3673 en ligne et 729 sur support physique et que l’examen de dossier ayant révélé que certains demandeurs n’ont pas apurés leur situation fiscale débitrices, des relances leur ont été adressées que par suite les candidats qui ont régularisé leur situation se sont vus délivrer le quitus fiscal, tandis que ceux qui n’ont pas satisfait à l’obligation de payer les impôts dus n’ont pas pu l’avoir. Qu’il développe que s’agissant des allégations du parti politique Les Démocrates selon lesquelles ses militants contrairement à d’autres n’ont pu avoir accès à la plateforme pour la demande en ligne du quitus fiscal ne sont pas fondées. Qu’elle conclut donc qu’il n’y a donc pas eu traitement discriminatoire en ce qui concerne l’accès à la plateforme de demande de quitus fiscal.
Considérant que la direction générale des impôts précise qu’elle a reçu au total 4302 demandes dont 3237 ont été traitées dans les délais de 15 jours et les quitus délivrés, et que 854 quitus ont été délivrés après le délai de 15 jours. Qu’en outre 3588 appels ont été faits soit pour faire des observations, soit pour demander des pièces complémentaires. Que le traitement des demandes a été rendu difficile du fait de certains requérants qui ont fait à la fois des demandes en ligne et physique.
Que la direction générale des impôts soutient, par ailleurs, que les allégations du parti Les Démocrates selon lesquelles certains militants ayant satisfait à toutes les observations faites n’ont pu entrer en possession de leur quitus ne sont pas fondées. Qu’au total 95,09 pour cent des demandes de quitus fiscaux ont été satisfaites que celles qui ne l’ont pas été sont celles de candidats n’ayant pas apuré leur situation fiscale et quelques curieux qui ont fait des demandes pour tester la plateforme. Qu’en conséquence, elle demande à la Cour de déclarer mal fondé le recours du parti Les Démocrates.
Vu les articles 34, 114 de la Constitution, 41 ,42 de la loi numéro 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral,
Considérant qu’aux termes de l’article 114 de la cour constitutionnelle est la plus haute juridiction en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Qu’il apparaît qu’en vue de la constitution de dossier de candidature du parti Les Démocrates pour les élections législatives du 8 janvier 2023, plusieurs militants ont formulé le 30 septembre 2022 auprès de la direction générale des impôts des demandes de quitus fiscal, pièce constitutive de dossiers de candidature ; qu’aux termes de l’article 42 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral, le directeur général des impôts est tenu de délivrer le quitus fiscal à tout candidat à jour du paiement de ses impôts dans les 15 jours qui suivent la réception de la demande. Le refus de la délivrance du quitus fiscal est motivé et comporte l’indication en une seule fois, le détail des impôts non payés. Au cas où le requérant effectue le paiement exigé, le quitus lui est délivré dans les 72 heures suivant la date de paiement. Que pour des raisons indépendantes de la volonté, notamment l’encombrement auquel elle a dû fait face compte tenu du nombre élevé de demande de quitus fiscal et qui l’a obligé, à non seulement mettre à la disposition des demandeurs une plateforme de demande en ligne tout en laissant la faculté de faire des demandes physiques, mais également à recruter de manière ponctuelle des agents d’appui, à effectuer des heures supplémentaires et ouvert ses portes pendant les jours non ouvrés les samedis 8, 15, 22 et 29 octobre puis le mardi 1er novembre, la DGI n’a pu donné de réponse à toutes les demandes de quitus fiscal introduites devant elle dans les délais de 15 jours prévus par la loi. Le dispositif mis en place n’ayant permis de traiter toutes les demandes reçues dans les délais légaux, qu’il en est résulté que toutes les demandes introduites par des militants du parti Les Démocrates n’ont pu être traitées avant l’ouverture de la réception des dossiers de candidature à la CENA, que le défaut d’information sur la situation fiscale de ces candidats avant la date de clôture de la réception des dossiers de candidature à la CENA n’a pas permis au parti de constituer efficacement sa liste étant donné que celui-ci aurait pu, en tout état de cause soit de choisir les personnes qui ne seraient pas à jour vis-à-vis du fisc, condition essentielle pour la délivrance du quitus fiscal, soit de procéder au payement des montants exigés de l’administration fiscale en vue de l’obtention dans les 72 heures du quitus sollicité conformément à l’article 42 alinéas 2 sus-cité, que par suite après l’étude des dossiers de candidature par la CENA et l’appel des partis politiques à corriger les insuffisances relevées dans leur dossier respectif conformément aux dispositions de l’article 41 alinéa 5 du Code électoral, il s’est révélé qu’à la date fixée pour le dépôt des pièces complémentaires nécessaires à la validité des dossiers, le parti Les Démocrates n’a pu fournir de quitus fiscal pour quatre candidats inscrits sur sa liste mais a introduit une nouvelle liste tenant compte des quitus fiscaux effectivement délivrés à cette date.
Considérant les difficultés auxquelles a dû faire face la DGI tel que souligné par elle-même et en vertu d’une part, de l’adage suivant lequel la prescription ne court par contre qui n’a pas pu agir, et d’autre part du rôle de régulation de la cour constitutionnelle, il convient de juger que doit être pris en compte dans le cadre des élections législatives du 8 janvier 2023, la liste déposée par le mandataire du parti Les Démocrates le mardi 15 novembre 2022.
En conséquence, ordonne à la CENA de prendre en considération la liste déposée par le mandataire du parti Les Démocrates le mardi 15 novembre 2022.
La présente décision sera notifiée à monsieur Eric Houndété, à monsieur le directeur général des impôts, à monsieur le président de la Commission électorale nationale autonome (CENA) et publiée au journal officiel.