Élections en Allemagne : Les conservateurs de la CDU-CSU en tête, percée historique de l’extrême droite

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Selon les premières estimations, les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU arrivent en tête des élections législatives avec 29 %, ce dimanche 23 février. Le parti d’extrême droite AfD fait une percée historique avec 19,5 %, soit une hausse de 9 points par rapport au scrutin de 2021. Le SPD du chancelier Scholz est sanctionné avec 16 %, selon les estimations, son pire résultat électoral depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les premières estimations, qui sont tombées à 18 heures, à la fermeture des bureaux de vote, donnent 29 % aux chrétiens-démocrates CDU-CSU. C’est un petit peu moins bien que dans les derniers sondages, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Des résultats qui ont été bien sûr accueillis avec satisfaction à la fois à 18 h, lorsque les premiers résultats sont apparus sur les écrans, et puis évidemment, encore avec des applaudissements un peu plus nourris lorsque Friedrich Merz, le futur chancelier, a pris la parole, une bonne demi-heure après, après la fermeture des bureaux de vote.

Friedrich Merz, le chef de file de la CDU-CSU, a dit souhaiter la formation d’un gouvernement « aussi vite que possible » afin d’agir face aux défis internationaux du moment. « Le monde extérieur ne nous attend pas et il n’attend pas non plus de longues négociations de coalition […]. Nous devons vite redevenir opérationnels pour faire ce qu’il faut sur le plan intérieur, pour redevenir présents en Europe », a-t-il déclaré à Berlin à l’issue des premiers résultats.

Il a également affiché comme « priorité absolue » le renforcement de la défense européenne afin que le Vieux continent atteigne « progressivement l’indépendance vis-à-vis des États-Unis ». Face au gouvernement américain qui « se montre largement indifférent au sort de l’Europe », celui qui est appelé à former le prochain gouvernement a évoqué, à la télévision ARD, « une capacité de défense européenne autonome » comme alternative à « l’Otan dans sa forme actuelle ». Le chef de l’Otan Mark Rutte s’est d’ailleurs « réjoui », dimanche, de pouvoir travailler prochainement avec le vainqueur des élections allemandes dans une « période cruciale » pour la sécurité. « Il est essentiel que l’Europe augmente ses dépenses en matière de défense et votre leadership sera déterminant pour cela », a-t-il affirmé dans une publication sur le réseau social X.

Le président américain Donald Trump a, quant à lui, évoqué ce dimanche soir un « grand jour pour l’Allemagne » après la victoire du camp conservateur.

Percée historique de l’AfD

Les résultats confirment également le succès de l’extrême droite de l’AfD (Alternative pour l’Allmagne). 19,5 % dans les premières estimations, une hausse de neuf points par rapport à septembre à 2021. Un score historique pour cette formation anti-migrants et prorusse née en 2013.

La cheffe de file de l’extrême droite allemande, Alice Weidel, a salué le « résultat historique » de son parti, l’AfD, aux élections législatives. « Nous n’avons jamais été aussi forts au niveau national », a déclaré Alice Weidel, au quartier général de son parti à Berlin. « L’AfD a réussi à doubler son résultat – un succès incroyable qui montre clairement : les citoyens veulent un changement politique », a-t-elle écrit sur son compte X.

« Notre main sera toujours tendue pour participer à un gouvernement et pour remplir la volonté du peuple », déclaré sa cheffe de file, Alice Weidel.

Le SPD d’Olaf Scholz sanctionné en troisième position

Le SPD est clairement puni pour son bilan au pouvoir avec un chancelier Olaf Scholz  historiquement impopulaire. Seulement 16 % dans ses premières estimations, contre 25,7% en 2021. C’est une débâcle sans précédent pour le plus vieux parti d’Allemagne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Au siège du SPD, ce qui était marquant, c’était le silence total à la tombée des résultats, comme si on avait coupé le son, note notre envoyé spécial sur place, Julien Chavanne. Les militants et les sympathisants s’y attendaient, mais la douche a été glaciale. Ce score est un énorme revers pour le SPD et c’est aussi une double peine avec le score historique de l’AfD.

« Quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, c’est dans tous les cas mauvais pour l’Europe, car l’Allemagne aurait dû être un élément sûr pour l’Europe. On verra ce qui se passe, ce sont les premiers chiffres. On verra », glisse une militante, dépitée.

Olaf Scholz n’a en fait eu, à aucun moment, la main sur cette campagne. Ces élections, il ne les voulait pas. Les sujets de campagne lui ont été imposés. Après les attaques menées par des étrangers, la crise économique qui a plombé le bilan du chancelier sortant, et puis les ingérences venues des États-Unis.

Olaf Scholz a dit assumer la responsabilité de cette « amère » défaite, sans se prononcer sur son avenir politique. « Le résultat des élections est mauvais et j’en assume donc la responsabilité », a concédé le chef de gouvernement sortant devant les militants du SPD, félicitant son rival de droite Friedrich Merz pour sa victoire. Après un court discours, il laisse la main pour les prochaines négociations, sans dire ce qu’il comptait faire pour la suite.

Il y a un retour attendu, celui du Parti de gauche Die Linke, crédité à 8,9 %. Le parti avait fait 4,9 % en 2021.

La question est de savoir maintenant, c’est quelle constellation pourra être au pouvoir. Probablement une union entre la CDU-CSU et les sociaux-démocrates. Mais cela suffira-t-il pour avoir une majorité de sièges au Bundestag ? Cela reste encore ouvert.

Friedrich Merz, qui a toutes les chances de remplacer le social-démocrate Olaf Scholz au poste de chancelier, a exclu toute alliance gouvernementale avec l’AfD. Dans le système parlementaire allemand, les négociations peuvent prendre plusieurs mois avant d’aboutir.

Des élections législatives anticipées dans un climat pesant

La campagne électorale, après l’implosion en novembre de coalition au pouvoir, s’est déroulée dans un climat intérieur pesant après plusieurs attaques meurtrières impliquant des étrangers ces dernières semaines, qui ont ébranlé l’opinion et favorisé les mouvements de droite et d’extrême droite. Le dernier a eu lieu vendredi soir, où un jeune réfugié syrien est soupçonné d’avoir grièvement blessé un touriste à coups de couteau dans le Mémorial de l’Holocauste à Berlin. Il voulait « tuer des juifs », selon la justice. Brève et intense, la campagne a aussi été mouvementée, marquée par le retournement d’alliance des États-Unis vis-à-vis des partis centristes en Allemagne, alliée historique de Washington. L’AfD a bénéficié du soutien appuyé pendant des semaines de l’entourage de Donald Trump : son conseiller Elon Musk, homme le plus riche du monde, n’a cessé de promouvoir Alice Weidel sur sa plateforme X. Les législatives anticipées, suite à la rupture en novembre du gouvernement d’Olaf Scholz, se tiennent en outre la veille du troisième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, vécue comme un choc en Allemagne.

RFI