Monseigneur Roger Houngbedji, archevêque de Cotonou au Bénin, est en ce 25 décembre, jour de la fête de Noël, où les catholiques célèbrent la naissance de Jésus-Christ à Bethléem, le grand invité Afrique de RFI.
RFI : Quel est votre message de Noël, cette année ?
Monseigneur Houngbedji : Mon premier message, c’est un message de paix, telle que nous y invite, d’ailleurs, la parole de Dieu de ce jour. Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la Terre aux hommes qu’il aime. C’est parce que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils, et en naissant dans notre histoire, le bien le plus précieux qu’il nous apporte est effectivement la paix. Et c’est en aimant Dieu comme il nous aime que nous pouvons réellement faire régner cette paix sur notre Terre.
Il y a aussi beaucoup de violences au Sahel, et notamment à la frontière Nord de votre pays…
Bien sûr.
Comment pouvez-vous faire face à cela ? Est-ce que votre appel au dialogue est suffisant ? Est-ce qu’il ne faut pas trouver quelque chose d’autre ?
Le dialogue, ça demande que nous puissions nous asseoir et donc créer, quand même, ces lieux de rencontre entre les confessions religieuses, ce que nous essayons de faire dans notre pays actuellement au Bénin. Il y a des rencontres qui se font assez périodiquement entre les confessions religieuses, surtout lorsque ça va mal dans le pays, pour qu’on puisse voir quelles actions communes nous pouvons mener pour pacifier les situations. Je crois que ce dialogue interreligieux, ça produit quand même son effet, quand on voit que des confessions religieuses peuvent se retrouver et essayer de réfléchir ensemble sur quelles actions communes elles peuvent se mobiliser. Ça impacte aussi la vie des autres communautés religieuses.
Alors, depuis la conférence nationale de Cotonou de février 1990, qui était présidée par l’un de vos prédécesseurs, Monseigneur de Souza, l’Église catholique est très impliquée dans la politique béninoise. Que faites-vous aujourd’hui dans ce sens ?
L’Église, ça, je dois le dire, ne fait pas de la politique politicienne. Ce n’est pas son rôle. Tout ce qu’elle essaie de faire, c’est comment entreprendre un dialogue, et donc, lorsque le bien-être de la population, reposant sur les valeurs fondamentales des droits de l’Homme, est en danger, je crois que l’Église a le devoir, c’est sa mission prophétique, d’être la voix des sans-voix et doit toujours tirer la sonnette d’alarme. Et donc, elle essaie autant que possible de garder un contact avec le pouvoir en place, autant que les agendas le permettent, pour essayer d’échanger un peu sur les situations qui prévalent dans la société.
Et dans vos contacts avec le pouvoir en place, est-ce que vous évoquez la situation des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo, qui sont en prison ?
Oui, on essaie de l’évoquer… On a aussi essayé ces derniers temps de revenir, mais c’est le problème des agendas qui ne le permettent pas très souvent. Donc, nous sommes toujours dans l’attente, mais on ne baisse pas la garde. On essaie de prendre les contacts que nous pouvons pour attirer quand même l’attention sur les actions que nous pouvons mener pour sauvegarder réellement la paix.
L’un des événements de ces derniers jours, c’est la déclaration doctrinale du 18 décembre dernier, au Vatican, à Rome, déclaration par laquelle le pape autorise la bénédiction des couples de même sexe, donc, des homosexuels. Quelle est votre réaction ?
Bon, je dois dire qu’avant la sortie de cette déclaration, la Conférence épiscopale du Bénin avait déjà publié une déclaration sur la question de l’homosexualité, attirant l’attention sur les inquiétudes de cette orientation et la responsabilité que cela exige de l’Église. Je crois que la position de l’Église du Bénin ne change pas et je me garde tout de même de porter un jugement sur la dernière déclaration du Saint-Siège du 18 décembre dernier, ceci en tenant compte d’un message que nous avons reçu hier du Sceam, le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, exigeant que la question soit davantage approfondie et examinée au niveau de chaque continent, avant de sortir une voix qui serait une voix commune de toute l’Église d’Afrique. Donc, c’est une question qui est assez délicate, qui exige que nous puissions l’examiner de près, pour voir quelle position nous pouvons prendre.
Mais vous manifestez votre inquiétude par rapport à ce que vous appelez cette orientation ?
Oui, par rapport à cette orientation, il y a des inquiétudes, bien sûr, des inquiétudes qui se basent justement sur les Saintes Écritures, sur la doctrine de l’Église, sur les traditions que l’Église a toujours gardées depuis les origines, jusqu’à ce jour, donc cela ne change pas. Cela ne change pas ma position de ce point de vue.
Et vous attendez une position commune de toutes les Églises catholiques du continent africain et de Madagascar ?
Oui, parce que nous ne voulons pas avoir des voix discordantes, allant dans tous les sens. Et c’est la raison pour laquelle le président du Sceam a demandé que nous puissions avoir une voix commune.