Dans le train, l’air est lourd, chargé des parfums du terroir et des bruits assourdissants du fer qui grince sur les rails. La vie y est vibrante, mais le trajet est fastidieux. Les voyageurs, fatigués, partagent leurs histoires, leurs peines, et leurs joies. C’est dans ce cadre qu’une vieille dame aux allures mystérieuses se distingue. Son regard, étrange et perçant, semble se poser curieusement sur le nouveau-né calé soigneusement entre les mains et les bras tolérants et aimables d’Iiya Finan. Ce moment de silence, troublé par cette fixation dérangeante, laisse un sentiment de malaise. La vieille, décidée au début à fixer durablement le bébé, détourne les yeux, visiblement perturbée par les cris rageurs du bébé qui la fixa fermement à son tour.
Maman Domiga se souvient des paroles d’Alpha Olaïlan le célèbre devin du village qui s’est prononcé sur le destin de la quasi-totalité des enfants nés à Odélla, et qui n’avait naturellement pas manqué de révéler ce qui suit au sujet du petit-fils de Domiga : « Cet enfant qui nous est venu est un pur produit des sorciers, il est invincible. » Ces mots résonnent en elle, amplifiés par l’étrangeté de la vieille dame dans le train. Ce voyage devient alors une épreuve où les frontières entre le visible et l’invisible se brouillent. Le paysage défile, magnifique et sauvage, mais l’inquiétude persiste, accroissant l’intensité de cette expérience unique.
Le Bénin, avec ses traditions séculaires et son mysticisme omniprésent, s’impose non seulement comme le décor de cette aventure, mais comme un personnage à part entière, mystérieux et profondément ancré dans l’âme de ses habitants.
Adissa ADENIYI