A travers la réforme constitutionnelle soumise au parlement, le système partisan béninois connaîtra une profonde révolution. En effet, aux termes de l’article 5 nouveau du projet de loi portant révision de la constitution du 11 décembre 1990, il est prévu que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage.
L’Etat contribue au financement des partis politiques au prorata de leur représentation au parlement.
A travers la réforme constitutionnelle soumise au parlement, le système partisan béninois connaîtra une profonde révolution. En effet, aux termes de l’article 5 nouveau du projet de loi portant révision de la constitution du 11 décembre 1990, il est prévu que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage.
L’Etat contribue au financement des partis politiques au prorata de leur représentation au parlement.
L’alinéa 3 de cet article dispose que «Ne peuvent bénéficier du financement public que les partis politiques ayant obtenu, lors des élections législatives précédant l’exercice au cours duquel le financement est acquis pour la durée de la législature, un nombre de députés correspondant au minimum à un cinquième du nombre de députés composant l’Assemblée nationale et provenant d’un nombre de circonscriptions électorales équivalent au minimum à un cinquième du total des circonscriptions.»
L’article 81 nouveau dudit projet prévoit que «La loi fixe le nombre des membres de l’Assemblée nationale, les conditions d’éligibilité, le régime des incompatibilités, les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants.
Seules les listes ayant recueilli un minimum de 10% des suffrages exprimés au niveau national seront admises à l’attribution de sièges.»
Deux critères nouveaux interviennent dans la rédaction de ces deux dispositions:
-l’éligibilité d’un parti politique au financement public,
-l’éligibilité d’une liste à l’Assemblée nationale.
En ce qui concerne le second critère, il ressort du projet que pour avoir un député à l’Assemblée nationale, une liste doit obtenir au moins dix pour cent des voix au plan national. Autrement dit, un parti politique localement influent qui obtiendrait dans les deux circonscriptions de Cotonou par exemple cinq sièges sur les neuf à pourvoir ne peut siéger à l’Assemblée nationale que si son score atteint dix pour cent des suffrages exprimés au plan national. A défaut, il reviendra à une liste dont les électeurs sont disséminés sur toute l’étendue du territoire national, mais rejetée par les électeurs de Cotonou de siéger à l’Assemblée nationale sans aucune onction de légitimité.
On peut penser que cette disposition vise à contraindre les formations politiques à se regrouper pour constituer de grands ensembles. Mais elle recèle la faiblesse mortelle de détourner le suffrage des électeurs au profit d’une liste pour laquelle ils n’ont pas voté dans une localité.
Conséquence, les députés élus sur une liste par la mécanique des 10% auront le commerce difficile avec leurs bases. Ils seront comme le tonnerre et ses adeptes.
Mieux et concrètement, au regard des dernières élections législatives, si le fameux critère des 10% des voix avait été appliqué, seules trois formations politiques siègeront à l’Assemblée nationale. Il s’agit de :
-Forces Cauris pour un Bénin Emergeant (FCBE): 47 députés,
-l’Union fait la Nation (UN), 27 députés,
-le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) : 12 députés.
Sauf séisme politique d’une rare violence financière, le président de l’Assemblée serait actuellement Komi KOUTCHE et non Maître Adrien HOUNGBEDJI, et le président de la République serait difficilement l’actuel locataire de la Marina.
Ce critère vicieux empêcherait de siéger au parlement, malgré la volonté des populations les listes ci-après:
-l’Alliance Renaissance du Bénin-Réveil Patriotique (RB-RP),
-l’Alliance pour la Démocratie et le Développement (AND),
-les Forces Démocratiques Unies (FDU),
-l’Alliance Soleil,
-Alliance pour un Bénin Triomphant (ABT),
-l’Union pour le Bénin (UB),
-l’Alliance Eclaireur,
-le RESO-ATAO.
Or en dehors des Forces Cauris pour un Bénin Emergeant (FCBE), partis au pouvoir au moment de ces élections, le seuil des 10% ne pourra pas empêcher l’Union fait la Nation (UN) et le Parti du Renouveau Démocratique (PRD), deux formations politiques localement influentes, de siéger au parlement.
En d’autres termes, les 10% ne pourront pas empêcher l’émergence de partis politiques à rayonnement géographique. Les 10% constituent en réalité un critère inique et anti-démocratique pour renforcer et asseoir l’hégémonie de nos dirigeants actuels sur les partis politiques à l’effet de biaiser le jeu démocratique.
En ce qui concerne le second critère sur le financement des partis politiques, il convient de préciser que ceux-ci bénéficient toujours d’un appui public à travers le remboursement des frais de campagne et les aides aux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale au prorata du nombre de députés. L’article 5 nouveau n’apporte aucune innovation majeure. Au contraire, il renforce les grandes formations politiques et asphyxie les moyennes et les petites formations, même si celles-ci sont représentées à l’Assemblée nationale. Si on appliquait le critère de un cinquième au niveau du nombre de voix et du nombre de circonscriptions électorales, le Parti du Renouveau Démocratique (PRD), qui ne dispose des 17 députés représentant les 1/5 serait représentés au parlement, mais n’aura pas accès à la manne publique. Seules l’Union fait la Nation (UN) et les Forces Cauris pour un Bénin Emergeant (FCBE) seront éligibles, pour avoir obtenu de députés dans 5 circonscriptions électorales au moins et dépasser les 17 sur 83. Ce critère est aussi injuste que le précédent. Ces deux critères n’apportent aucune pharmacie aux maux dont souffre le système partisan béninois.
En réalité, au lieu de prétendre régenter les formations politiques au moyen de l’argent, la reforme gagnerait à exiger que celles-ci se dotent d’une idéologie claire, d’un projet de société, d’un plan de renouvellement et de formation de leurs militants. Le gouvernement pourrait commencer par éliminer de son répertoire et ce, en application de la charte des partis politiques, les formations qui ne participent pas régulièrement aux joutes électorales.
Par ailleurs, il est regrettable que la réforme soit restée muette sur le statut de l’opposition et la transhumance politique.
On peut me rétorquer que ces questions n’ont pas leurs places dans une loi fondamentale. Mais alors, qu’est-ce que le financement des partis politiques et les critères d’éligibilité au parlement cherchent dans le projet de réforme constitutionnelle ?
Je demande aux députés, avant toute délibération sur le projet soumis à leur examen, d’y projeter leur carrière politique, sinon ils risquent de voter une loi qui les éliminerait injustement. C’est pourquoi, je souhaite qu’il rejette cette réforme qui ne peut être examinée au forceps. Elle est trop vicieuse pour leur avenir politique et très dangereuse pour la démocratie.