Bénin : Le Sg Cosi-Bénin invite le chef de l’Etat à ne pas promulguer la loi organique sur le CES

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(« Le chef de l’Etat comprendra que cette loi sur le CES ne mérite pas d’être promulguée en l’état. Le faire, c’est créer dans notre pays une situation inédite », dit-il)

Au Bénin, l’adoption de la loi organique sur le Conseil économique et social et la décision de la Cour qui déclare ladite loi conforme à la constitution fâche les syndicalistes. Au détour d’un entretien avec la presse, le secrétaire général de la Confédération des Organisations Syndicales Indépendantes du Bénin ( Cosi-Bénin), Codjo HINLIN, invite le chef de l’Etat, Patrice Talon, « à ne pas promulguer la loi organique sur le CES en l’état. Le faire, c’est créer dans notre pays une situation inédite », dit-il. Et pour cause.

« Il y a des situations qui fâchent et sortent du silence les travailleurs, même s’ils ne sont pas compris ». Le cas le plus récent est l’adoption de la loi organique sur le Conseil économique et social (CES).  Les syndicalistes n’entendent pas se taire après la décision de la Cour Constitutionnelle, mardi 16 juillet 2024, qui déclare conforme à la constitution la loi N°2024-26, portant loi organique sur le CES, adoptée par l’Assemblée Nationale en sa séance du 21 juin 2024.

Pour le secrétaire général de la Confédération des Organisations Syndicales Indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin), Codjo HINLIN, «le chef de l’Etat comprendra que cette loi sur le CES ne mérite pas d’être promulgué en l’état. Le faire, c’est créer dans notre pays une situation inédite ». Le SG Cosi Bénin ne manque pas d’arguments pour convaincre.

« Dans aucun pays au monde, dit-il, il n’existe de conseil économique et social sans les organisations syndicales ». Et ce n’est pas fini. Le SG Cosi Bénin fait savoir que « Même le conseil économique et social de l’Union africaine a prévu de sièges pour les représentants des travailleurs ».  C’est pourquoi le syndicaliste trouve « vraiment bizarre, inconcevable que le Bénin puisse se particulariser de façon aussi négative en mettant en place un conseil économique qu’il nous sera difficile d’appeler social parce que les vrais représentants qui devaient y être sont exclus ». Plusieurs se demandent pour quelle raison les syndicalistes n’auront plus de représentants au sein du CES? Comme plusieurs de ces camarades, le SG COSI pense que, « c’est pour réprimer nos réactions (des travailleurs, ndlr) face à la vie chère, et à la brutalité policière que la loi a été ainsi conçue ». C’est pourquoi le SG COSI fait cet appel au président de la république. « Nous appelons le chef de l’Etat à ne pas promulguer cette loi parce que ce n’est pas une loi juste, ce n’est pas bien…».

Une réaction à la marche des travailleurs ?

L’adoption de la nouvelle loi organique sur le CES est vue comme une réaction des autorités à la marche des travailleurs. Le SG COSI en parle. « Qu’il vous souvienne le 27 avril 2024, six (06) centrales et confédérations syndicales se sont mises ensemble pour organiser une marche pour dénoncer la vie chère dans le pays et la brutalité qui caractérisait la répression des infractions au code de la route. Cette marche qui n’avait pas été formellement interdite a été réprimée par la police. Nous étions près de trois dizaines à avoir été arrêtés. Nous avions passé la journée dans les locaux de la police judiciaire pour être libérés autour de 22 heures. Et ceci certainement à cause de la pression qui s’exerçait aussi bien à l’intérieur que depuis l’extérieur ».

« Cette marche a été reprise le 11 mai 2024 avec succès. Mais avant que l’ensemble de ces centrales et confédérations ne reprennent cette marche le 11 mai 2024, il y a une centrale qui avait aussi organisé la même marche pour les mêmes motifs. Au nombre des manifestants, plusieurs dizaines avaient été arrêtés, placés en détention avant d’être libérés progressivement jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul ». Quelle relation la marche des travailleurs a avec l’adoption d’une loi à l’assemblée nationale ?

Un vieux projet de l’ère Kérékou sorti des tiroirs

Le SG COSI Bénin pointe du doigt la commission des lois. « C’est dans cette ambiance que l’assemblée nationale sort un projet de loi datant de 2004, donc de 20 ans, du temps du général feu Mathieu Kérékou pour l’étudier et l’adopter. Même si nous prenons ce projet de loi, il est dit dans ce projet de loi que le CES comporte 45 membres. Lorsque vous décomptez au niveau des catégories professionnelles, vous constatez qu’il y a au total 40, ce qui veut dire qu’il y a des catégories prévues par ce projet de 2004 qui ont été sorties au niveau de la commission des lois. Donc, la commission des lois se basant sur un vieux projet est venue 20 ans après écrire une nouvelle loi organique sur le conseil économique et social qui a été adoptée le 21 juin 2024 malgré notre démarche vers l’assemblée nationale, pour leur demander de ne pas passer à l’acte avec ce qu’ils veulent faire ».

Ce n’est pas seulement au CES que les travailleurs n’auront plus de représentants. Il y a une autre structure. « Il faut aussi le dire, la veille, l’assemblée nationale avait adopté la loi sur la commission des droits de l’homme. Cette loi adoptée quelques heures plus tôt supprimait aussi le représentant des centrales et confédérations devant siéger au niveau de cette commission », fustige le SG COSI Bénin.

Pour Codjo HINLIN, « lorsque nous faisons le recoupement, on se dit c’est en réponse à la manifestation des travailleurs sous l’égide des centrales et confédérations pour dénoncer la vie chère, la brutalité policière qui caractérisait à l’époque la répression des infractions au code de la route ».  Et donc, selon la lecture que fait le syndicaliste de cette situation, « cette loi organique sur le CES a été prise pour punir les centrales et confédérations pour avoir osé dire qu’à la gouvernance, il y a des aspects qui méritaient d’être revus ».

« Les sages ont certainement leur raison que nous ignorons »

Les syndicalistes s’étonnent de voir les sages de la Cour déclarer conforme à la constitution la loi organique sur le CES. « Nous pensons que les sages ont certainement leur raison que nous ignorons. Cette loi a été prise pour réprimer les organisations syndicales pour avoir osé dire un certain nombre de choses ».

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La décision de la Cour constitutionnelle sur la loi organique sur le CES

Les décisions de la Cour sont sans recours. Les syndicalistes ne devraient-ils pas laisser les choses continuer ? Pour le SG Cosi Bénin, « Il est vrai les décisions de la Cour sont sans recours, mais on peut les commenter », dit-il. Et Codjo HINLIN d’ajouter : « Nous trouvons que la Cour a manqué une occasion de nous convaincre de la qualité des hommes qui la composent. Honnêtement, nous sommes déçus du fait que la Cour n’a pas su regarder tous les contours de cette loi pour l’apprécier à sa juste valeur. Tout se passe un peu comme si on doit apprécier à l’unisson ce qui se fait par le gouvernement ».

Parlant des sages de la Cour, le syndicaliste rappelle qu’il y a des professeurs de rang magistral. C’est des professeurs de haut rang. « Nous allons diffuser dans le monde leur décision pour que leurs collègues qui se trouvent dans d’autres pays ou continents puissent apprécier la qualité de leur travail en tant que sages au niveau de la cour constitutionnelle du Bénin», informe le SG COSI Bénin.

Le Secrétaire Général de COSI-BENIN rassure que son intention en se préoccupant de ce sujet n’est pas pour perturber la gouvernance du pays. « Nous n’avons pas mandat pour rendre un pays ingouvernable. Bien au contraire, l’objectif de notre confédération syndicale, c’est de faire des contributions de qualité pour que la gouvernance puisse être la plus juste possible au profit de tous les citoyens que nous sommes », dit-il.

Au Bénin, « Nous sommes conscients qu’il y a beaucoup de bonnes choses qui se font. Mais de la même manière, toute œuvre humaine a des côtés perfectibles. Qu’ils nous permettent de relever ces côtés qui ne sont pas parfaits afin d’aider la gouvernance à se perfectionner. C’est ce que nous essayons de faire, mais il me semble que nous sommes mal compris. E beaucoup de travailleurs grognent », conclu le SG COSI Bénin.

A.C.C.

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