Dans un stade Abdoulaye-Wade neuf et chauffé à blanc, les Sénégalais ont dû attendre la séance de tirs au but pour vaincre l’Égypte et composter leur ticket pour la Coupe du monde au Qatar (0-1, 1-0, 3-2 a.p). En deux mois, les Pharaons auront perdu une Coupe d’Afrique et une place au Mondial face aux Lions de la Teranga.
Le Sénégal attendait de pied ferme l’Égypte. Si les Pharaons ont été chahutés à leur arrivée dans le pays, ce n’était rien par rapport à l’accueil mijoté par les fans des Lions dans le stade flambant neuf de Diamniadio.
« On va les manger ! »
Les Sénégalais se sont déplacés en masse dès l’ouverture des portes à 10 h. À midi, le stade était déjà à moitié rempli dans une ambiance de fête jaune, rouge et verte. Avec un peu de bleu aussi, un drapeau en soutien à l’Ukraine ayant été déployé. À une heure du début du match, les places se faisaient déjà rares alors qu’une longue file de spectateurs attendait toujours de pouvoir rentrer dans l’enceinte.
Pour cette foule de supporters des Lions, la défaite ou la non-qualification semblait inenvisageable : « On va les manger ! On va les manger ! », chantent-ils à destination de leurs adversaires.
Les Lions de la Teranga entrent sous un tonnerre d’applaudissements alors que Sadio Mané, premier sous la pelouse, harangue la foule de grands gestes du bras. Le ton est donné avec la bronca qui accueille les trois premiers Pharaons sous la pelouse. Des lasers sont projetés sur le staff égyptien. Pour les deux prochaines heures, le Sénégal a décidé de laisser tomber son surnom de « pays de la Teranga », ou « hospitalité » en wolof.
À leur arrivée, la dizaine de cars de supporters égyptiens peinent à gagner leur place en tribunes car leurs gradins sont tout simplement occupés. Ils sont d’ailleurs obligés de passer par un des coins du stade et le bord de terrain pour rejoindre la tribune, où ils reçoivent des projectiles malgré les appels au calme du speaker. « Biladi, Biladi, Biladi », l’hymne de l’Égypte est d’ailleurs copieusement sifflé alors que des fumigènes éclatent un peu partout dans le stade.
Dans ces conditions, les Lions savent que la victoire est impérative, surtout avec une défaite 1 à 0 au match aller. Chaque touche de balle, aussi insignifiante soit-elle, donne lieu à une ovation. Les résultats ne se font pas attendre. Sur un coup franc sur le côté droit obtenu par Saliou Ciss, la défense repousse mal. Boulaye Dia profite du cafouillage pour pousser le ballon au fond des cages (7e,1-0). Il devient donc le premier buteur de l’histoire du stade en match officiel.
Un match violent, haché par les fautes
Le match est lancé, et il sera bouillant. Les équipes se rendent coup pour coup, littéralement. Sur son banc, le volcanique Carlos Queiroz s’énerve sur l’arbitre et sur son homologue, Aliou Cissé, qui en perd également son sang-froid. Les deux équipes peinent à se rapprocher du but adverse, si ce n’est sur des frappes lointaines, comme celles de Mohamed Elneny (14e) ou Sarr (28e, 33e), ou corner (24e).
Comme à la CAN-2022, l’Égypte fait montre de son organisation défensive sans faille et d’un bloc compact qui laisse peu de places aux offensives sénégalaises. Les Lions ne s’affolent pas, répondent au défi physique égyptien et cherchent l’ouverture sur coup franc : la balle est glissée à Mané, qui déborde et centre en retrait vers Gueye, qui ne met pas assez de force dans sa frappe (37e). Quelques instants plus tard, c’est Nampalys Mendy qui prend sa chance mais la balle frôle le poteau égyptien (44e).
À la mi-temps, le speaker appelle la foule au calme. Moins de fumigènes, moins de projectiles et davantage d’encouragements, réclame-t-il. Pas de quoi calmer les lasers projetés dans les yeux des Égyptiens, ni les huées au retour des vestiaires.
Trézéguet manque de doucher le stade. Mohamed Salah temporise à l’orée de la surface de réparation et le lance idéalement sur la gauche des 5,50 mètres. L’ailier de Galatasaray arme un tir croisé du gauche qu’Édouard Mendy repousse au sol (52e). Boulaye Dia, trouvé dans la surface, tente de répondre. Les Sénégalais réclament un pénalty à la suite d’une charge d’Emam Ashour, en vain (55e).
Les Sénégalais semblent reprendre leur marche en avant, mais Zizo manque de surprendre ses adversaires en égalisant. L’attaquant des Pharaons est à la réception d’un centre depuis le couloir droit et place une reprise de la tête croisée qui prend Édouard Mendy à contre-pied. Le ballon manque d’un rien le cadre (71e).
El-Shenawy en état de grâce
Le stade retient son souffle lorsque Sadio Mané lance idéalement Ismaïla Sarr dans le dos des défenseurs. L’ailier de Watford se présente face à Mohamed El-Shenawy, mais ouvre trop son pied (82e). Un raté qui pourrait le hanter longtemps, puisqu’il contraint les deux équipes en prolongation.
Et dans ce scénario de match d’une durée de 120 minutes, l’Égypte a prouvé qu’elle n’avait pas son pareil. D’autant que le moindre but rendrait les choses extrêmement compliquées pour les Lions. Ismaïla Sarr échoue à nouveau face au gardien (93e). Pape Abou Cissé et Cheikh Bamba Dieng surgissent tour à tour sur les corners tirés côté gauche par Sadio Mané, et placent des reprises puissantes du crâne que Mohamed El-Shenawy repousse grâce à de belles parades (94e). Les deux hommes échouent à nouveau quelques minutes plus tard (103e). À chaque fois, le portier reste de longues secondes au sol pour gagner du temps.
Moins de deux mois après la finale de Yaoundé, il semble qu’il était écrit que ces éliminatoires se joueraient à nouveau aux tirs au but. Koulibaly rate d’entrée son pénalty, qui rebondit sur la barre transversale, mais Salah fait pire en expédiant le ballon dans les tribunes. Deux ratés des capitaines pour commencer, que Saliou Ciss et Zizo imitent. Pas Ismaïla Sarr, qui après avoir tant buté sur le portier égyptien trouve enfin la faille. Elsoulia fait de même.
Idrissa Gueye redonne une nouvelle fois l’avantage aux siens, tandis que l’Égyptien manque sa tentative. Comme à Yaoundé, la balle de match est à Sadio Mané. La superstar des Lions ne fait pas de détails et fait une nouvelle fois chavirer de bonheur le Sénégal en qualifiant le pays pour son troisième Mondial.
Fumigènes, envahissement de terrain et liesse générale… En apnée depuis près de trois heures, le stade Abdoulaye-Wade laisse éclater sa joie. Il faut croire que le Sénégal a pris goût à la victoire et aux larmes d’Égyptiens.
Avec S.E.