Lors du Conseil des ministres du mercredi 19 février, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a annoncé l’organisation de fouilles archéologiques pour connaître « la vérité » sur le nombre de tirailleurs africains tués par les forces coloniales françaises lors du massacre de Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944, alors qu’ils réclamaient leur solde.
Le vœu des historiens qui réclament leur tenue depuis près de 20 ans est en passe d’être exaucé : lors du Conseil des ministres de ce mercredi 19 février, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a annoncé la prochaine organisation d’une campagne de fouilles archéologiques pour déterminer combien de victimes avaient été tuées lors du massacre de Thiaroye perpétré par les forces coloniales françaises, près de Dakar, dont le Sénégal vient de commémorer le 80e anniversaire, le 1er décembre dernier.
Si aucune date n’a certes été annoncée pour le lancement des recherches, les spécialistes qui travaillent sur le sujet ne s’en cachent pas : ils sont malgré tout très satisfaits de cette décision qu’ils considèrent comme un « un grand pas » en avant. Pour eux, « le feu vert donné par les autorités sénégalaises pour procéder à ces fouilles » est, en effet, le point le plus important à ce stade, certaines associations attendant une telle décision depuis près de 20 ans. C’est par exemple le cas de l’association sénégalaise des professeurs de géographie qui en avait fait la demande dès 2005, sans succès.
« On revient de très loin, explique ainsi l’historien Mamadou Kone, qui est également membre du comité scientifique sur le massacre de Thiaroye constitué l’an dernier. Depuis les années 2005-2006, nous avons toujours dit que, à défaut d’archives, il fallait procéder à des fouilles archéologiques parce que si les archives ont été dissimulées depuis le 1er décembre 1944, il n’y a aucune raison pour qu’on nous les sorte maintenant gentiment en nous disant : « Désolé, on s’était trompé, on vous les remet » ! », poursuit ce dernier.
Localiser des fosses communes et des squelettes
Concrètement, la première étape de ces fouilles devrait maintenant résider dans le sondage d’un cimetière de la banlieue de Dakar où des victimes du massacre sont présumées avoir été inhumées, ainsi que du site de l’ancien camp militaire de Thiaroye. Objectif ? Y localiser des fosses communes ou des squelettes, opération dont le déroulement pourrait être rapide grâce aux radars et au matériel technologique aujourd’hui disponibles, selon l’historienne Armelle Mabon.
La phase la plus compliquée risque de se présenter dans un deuxième temps, lorsqu’il faudra passer aux fouilles proprement dites sur un site aujourd’hui largement construit et où un bassin de rétention d’eau a été installé au niveau de l’ancien camp militaire, ce qui pourrait avoir contribué à dégrader les potentiels squelettes de tirailleurs africains qui s’y trouveraient.
Afin d’avoir une chance d’établir – enfin – un bilan réaliste du nombre de victimes tuées à l’arme automatique par les forces coloniales françaises le 1er décembre 1944, les historiens vont donc devoir faire vite. Si eux estiment à 350 au moins le nombre de tirailleurs massacrés ce jour-là, les archives françaises n’en recensent, elles, que 35 actuellement, un chiffre largement sous-estimé, affirment-ils.