Le rapprochement à pas réfléchis du Kremlin avec Donald Trump

International

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est attendu ce vendredi 28 février à Washington pour finaliser un accord-cadre sur l’exploitation de minerais. Un déplacement qui intervient sur fond de spectaculaire revirement américain avec Moscou effectué en seulement deux semaines. Un revirement déjà notable en Russie dans l’espace public, mais avec des gestes et des propos calculés au trébuchet.

Cheveux blonds tirant sur le roux, sourire « ultra brite »… On ne voit désormais quasiment qu’elle dans les boutiques de souvenirs de la célèbre rue Arbat du centre de Moscou. « Elle », c’est la nouvelle poupée russe à la mode, celle de Donald Trump. Cette matriochka au succès tout aussi nouveau que foudroyant trône désormais au milieu des classiques à l’effigie de Vladimir Poutine ou de Xi Jinping. Certains sont même déjà allés jusqu’à la rebaptiser informellement « Trumpushka ».

Un dégel express

Ce dégel express est aussi évidemment visible sur le petit écran. De nombreux débats dans les émissions-phares y sont consacrés. Jeudi 27 février, Alexey Zhuravlev, le vice-président de la commission défense de la Douma, avançait ainsi : « Vous savez ce que je pense : faisons « ami-ami » avec les États-Unis et nous dirigerons le monde. Nous avons en ce moment une fenêtre d’opportunité. Trump a besoin de nous, nous avons besoin de lui, nos intérêts coïncident. Contre qui ? Mais contre l’Union européenne ! Quel est le problème avec ça ? Aucun ! Au contraire, c’est super ! il faut que l’on fasse pression sur les Européens. Notre verre est à moitié plein et à moitié vide ».

Présenté comme un expert dans les débats de plateau, Nikolai Starikov ajoutait : « Friedrich Merz, qui a remporté les élections en Allemagne, affiche actuellement une position agressive et répète « Il faut soutenir l’Ukraine ». Mais il n’a pas encore pris l’avion pour rejoindre Trump ! Voyons ce qu’il dira après sa rencontre avec Trump. (…) Nous verrons. Donald Trump a un don incroyable pour changer la position des politiciens européens en une seule conversation. »

Le regard et les propos sur l’ennemi de toujours ont changé, mais pas radicalement. Témoin, la journée de jeudi. Vladimir Poutine faisait un discours devant les responsables du FSB, le service de sécurité intérieur. Le cadre en général pour le chef de l’État russe pour dresser avec solennité la liste de ce qu’il juge être les menaces prioritaires pour la Russie, ainsi que la manière de les contrecarrer. C’est dire si le choix de cette assemblée est un signal particulièrement voulu pour être fort pour prononcer ces mots : « Nous voyons tous à quelle vitesse la situation dans le monde évolue. À cet égard, je voudrais souligner que les premiers contacts avec la nouvelle administration américaine suscitent certains espoirs. »

Faire durer les négociations

Une poignée de dizaines de minutes auparavant, le porte-parole du Kremlin affirmait ne pas s’attendre à des décisions « faciles et rapides » dans les relations avec Washington. Une prudence dans l’expression qui peut aussi indiquer que, malgré un dégel spectaculairement rapide, le pouvoir chercherait à prendre son temps et à faire durer les négociations avec l’administration Trump.

Présenté à satiété comme « doué » dans les médias d’État russes, et jamais attaqué depuis qu’il a été élu,  Donald Trump est aussi en parallèle surtout décrit comme un dirigeant qui aurait simplement eu la sagesse d’accepter la main tendue d’une Russie qui, dans le langage du pouvoir depuis le début de la guerre, inverse les termes et se présente toujours comme « pacifique » et menant une guerre « défensive ».

C’est, au fond, une manière pour le Kremlin de se poser vis-à-vis de son opinion intérieure comme étant à l’initiative. Et qui permet de se garder une porte de sortie : si les pourparlers ne tournent pas totalement comme le pouvoir le souhaite, le récit officiel n’aura pas besoin de modification fondamentale. En attendant, Moscou lance des ballons d’essai. Dernier en date, l’officialisation via un compte-rendu de la diplomatie russe ce vendredi d’une proposition faite aux États-Unis : le rétablissement de leurs liaisons aériennes stoppées en raison de l’offensive russe en Ukraine.