C’est le deuxième et dernier jour de la visite d’État de Vladimir Poutine en Chine. Le président russe participe, ce vendredi 17 mai, à un forum économique à Harbin, dans le nord du pays. Toute cette vaste région bénéficie des relations accrues entre Moscou et Pékin depuis l’invasion de l’Ukraine.
L’avion du président russe Vladimir Poutine est arrivé à Harbin très tôt ce matin en provenance de Pékin, raconte notre envoyé spécial à la frontière sino-russe, Stéphane Lagarde. Pour son deuxième et dernier jour de visite en Chine, il doit notamment rencontrer la communauté d’affaires sino-russe. L’ancienne « ville blanche » située au nord de la Chine est sous très haute surveillance. C’est un véritable défilé d’uniformes sur les avenues empruntées par le convoi présidentiel. Le vert de la police armée du peuple, le bleu de la sécurité publique et des agents en civil, oreillettes, chemise blanche et pantalon noir, tout le long de l’avenue Chang-Jian où les rideaux ont été tirés aux fenêtres des immeubles.
Cette habitante du quartier devra attendre pour faire ses courses : « On ne peut pas emprunter la route principale. Je voulais aller au supermarché, mais il paraît que c’est fermé. J’ai dû prendre des ruelles pour arriver ici. Il y a beaucoup de policiers. On va prendre le métro. »
Le cortège doit se rendre au monument des soldats de l’Armée rouge tués en Mandchourie lors de la guerre avec l’armée impériale japonaise. Dépôt de fleurs au nom de l’amitié sino-russe. Le président russe doit également se rendre au huitième forum d’affaires Chine-Russie qui, selon les organisateurs, rassemblerait 1 500 exposants venu de 36 pays cette année, manière de dire que la Russie n’est pas isolée. Est prévue également une rencontre avec les étudiants de l’Institut de technologie de Harbin, manière cette fois de marquer la solidarité Moscou-Pékin contre les sanctions américaines.
À Suifenhe, ville frontière, les affaires sont prospères
À quelques centaines de kilomètres de Harbin, voilà Suifenhe, ville frontière avec la Russie. Posée sur le parking de « l’empire russe », une matriochka géante, grands yeux clairs et lèvres cerise, attirent les badauds vers les nouvelles boutiques de ce centre commercial, spécialisé dans les produits venus de Russie. La ville de Suifenhe est le principal des quatre passages frontaliers ferroviaires entre la Chine et la Russie.
Dans cette ville, les affaires sont de nouveau prospères. « La zone commerciale regorge d’activités en ce moment et le nombre de camions a augmenté. Il y a ceux qui exportent les produits chinois, des vêtements, des chaussures et des chapeaux. Et ceux qui importent les produits russes comme les crabes et les concombres de mer », explique ce chauffeur.
Diplomatie de la pastèque
C’est à Suifenhe qu’a été inventée l’amitié sino-russe ou au moins dans cette ville qu’ont été relancées les relations commerciales sino-russes. En 1984, il y a quarante ans, Xu Junshu, à l’époque vice-président de l’Association d’amitié sino-soviétique, est directeur de la gare de Suifenhe. Ce dernier traverse alors la frontière avec 500 kilogrammes de pastèques. La presse d’État parle à l’époque de « diplomatie de la pastèque », marquant le début de la coopération commerciale et économique avec l’Union soviétique.
En 2019, autre date importante, une zone de libre-échange est créée à Suifenhe, associée à l’utilisation du rouble et à l’entrée sans visa pour les citoyens russes. Les enseignes et les affiches en cyrillique très présentes en ville rappellent que plus de 500 000 hommes d’affaires et touristes ont passé la douane ici en 2023. Le commerce avec la Russie a augmenté de 29% avec un volume de transactions jamais vu dépassant les 23 milliards de yuans.
Un record d’échanges
Ce boom est lié à « l’amitié » sino-russe, veut croire ce vendeur de miel et de jus d’argousier, venu de Sibérie. « Maintenant, c’est très bien. Mais au début de la guerre, les marchandises russes arrivaient ici au compte-gouttes. Les transports étaient interrompus par les convois militaires qui avaient priorité sur le commerce. Aujourd’hui, c’est reparti et je reçois trois camions de produits chaque jour », observe-t-il.
La deuxième visite en six mois de Vladimir Poutine intervient alors que la Russie est devenue économiquement plus dépendante de la Chine à la suite de la guerre lancée par Moscou contre l’Ukraine, il y a plus de deux ans.
Aujourd’hui, des nuées de camions traversent les forêts de conifères du nord-est chinois et des rizières ou certains agriculteurs élèvent des écrevisses. Parmi les anciens, certains comme la vendeuse de maïs gluant se souviennent pourtant que tout n’a pas été rose entre les deux géants voisins. La preuve : sous le musée de la ville frontière se trouve, paraît-il, un gigantesque abri antiaérien datant de la guerre froide et des tensions entre la Chine et l’URSS.