En France, le Premier ministre, Jean Castex, a présenté jeudi 3 septembre un plan de 100 milliards d’euros pour relancer l’économie française, mise à mal par la pandémie de coronavirus et ses conséquences. Dans le paysage politique et social, cette annonce est plutôt bien vue, mais beaucoup de figures médiatiques restent mesurées. Quelques réserves sont pointées, notamment à propos des contreparties requises.
Cent milliards d’euros pour les deux ans à venir, dont 30 milliards d’euros pour la transition écologique et 35 milliards d’euros pour la compétitivité, ainsi qu’une baisse des impôts pour les entreprises : il s’agit d’un plan de relance d’une « ambition et d’une ampleur historique » qu’a présenté jeudi 3 septembre Jean Castex. Après la crise du coronavirus et du confinement qui ont frappé la France en 2020, le gouvernement dévoile sa stratégie pour relancer l’économie. Son plan sera débattu, présenté sans doute en octobre à l’Union européenne, et en place pour 2021 normalement.
Qu’en pensent les formations politiques, les ONG, les instituts de recherche, les syndicats ? Dans leur globalité, ils réservent un accueil plutôt bienveillant aux annonces du chef du gouvernement. Mais ils n’omettent pas quelques critiques.
« Comment on finance ce plan ? »
Pour Damien Abad, « ce plan est nécessaire, compte tenu de la situation économique dans laquelle se trouve la France ». Le patron des députés Les Républicains a toutefois deux reproches. Le premier concerne le calendrier et le « caractère tardif » de la mise en oeuvre du plan de relance. « Je pense qu’il faut qu’il soit mis en oeuvre à l’automne et pas début 2021, pour qu’il y ait un effet immédiat sur les entreprises », confie-t-il.
Ensuite, Damien Abad regrette que ce plan soit présent « dans un climat de morosité absolue », avec les inquiétudes liées à la hausse des cas de Covid-19 et une carte des départements qui se colorie en rouge. « Ça créé un climat de confusion et d’incertitude », pense-t-il. Le député de l’Ain soulève aussi « l’épineuse question du financement ». « Il n’y a pas d’argent magique, il faut donc nous dire comment on finance ce plan. Si on ne nous le dit pas, cela veut dire des impôts sur le dos des Français demain », prévient-il.
Philippe Martinez, lui, s’interroge sur l’emploi des jeunes. Le secrétaire général de la CGT estime que les milliards d’euros prévus seront « d’abord des aides aux entreprises ». Lui voudrait davantage de conditions : « Sur l’emploi des jeunes, par exemple, les 4 000 ou 8 000 euros ne sont pas conditionnés à une embauche en CDI. Or, on a bien vu qu’à la sortie du confinement, qui a trinqué, si je puis dire ? Les 600 000/700 000 chômeurs en plus, ce sont les jeunes, les précaires, les intérimaires. Il faut de l’argent, mais conditionné. À quoi sert l’argent des contribuables s’il est donné aux entreprises ? On a donné de l’argent à Air France et à Renault, et la conséquence, ce sont des suppressions d’emplois. Les aides publiques vont servir à ça ? »
L’aide à la transition écologique, saluée et modérée
Le plan de relance prévoit 30 milliards d’euros pour le verdisssement de l’économie. « C’est une opportunité historique d’investir pour la transition écologique et sociale », remarque Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER (Réseau pour la transition énergétique). Le projet table sur 6,7 milliards d’euros pour la rénovation thermique, 4,7 milliards d’euros pour le rail, 2 milliards d’euros pour l’hydrogène et un peu plus d’un milliard d’euros pour l’agriculture et l’alimentation. Mais certaines organisations non-gouvernementales regrettent l’absence d’objectifs sur la baisse du trafic routier ou aérien, ou le fait que le plan s’appuie toujours sur le nucléaire par exemple. Greenpeace pointe un certain « anachronisme », et une occasion ratée de rompre avec une économie productiviste très carbonnée, incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris.
Pour Alain Coulombel, porte-parole d’Europe Écologie Les Verts, ces 30 milliards d’euros constituent « une bonne nouvelle ». Mais il regrette que « les conditions données à ce fléchage vers la transition écologique restent encore très floues ». « Ce que nous regrettons, globalement, c’est que cette transition écologique ne soit pas transversale à l’ensemble des politiques économiques et de la politique industrielle du pays. C’est un plan qui poursuit plusieurs objectifs en même temps, et des objectifs qui sont pour partie contradictoires », observe-t-il.
Sébastien Treyer, de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), souligne quand même que « c’est un signal important », mais qu’« il reste à en préciser la mise en oeuvre, qui devrait s’accompagner d’une transformation plus profonde de notre modèle économique ».
C’est pas un plan ambitieux. Je ne saute pas sur ma chaise parce qu’on est pas dans une situation où on a un vrai financement, à la hauteur des enjeux historiques et de développements écologiques auxquels on a besoin. (…) Il s’agirait pas ce que soit placé n’importe où et qu’on fasse n’importe quoi avec, et c’est surtout là-dessus qu’on va être très attentif dans les semaines à venir. Et donc il va falloir mettre l’argent là où il le faut.
RFI