Le pasteur Michel Alokpo parle de Talon et de Yayi

Politique

Le Pasteur Michel Alokpo est revenu de l’Afrique du sud où il est allé passer quelques jours…Aussitôt revenu, il est sorti de son silence. Dans une interview qu’il nous a accordée, il nous parle du Président de la république Patrice Talon et de son prédécesseur Boni Yayi. On se rappelle, suite à son appel à voter pour Patrice Talon au second tour de l’élection présidentielle 2016 au Bénin, Michel Alokpo a été invité au Palais de la Marina. Il revient sur les circonstances de sa déclaration, les événements qui se sont passés après cette déclaration jusqu’à son « kidnapping ». Michel Alokpo parle de sa rencontre avec le chef de l’Etat qui l’a fait appeler d’abord à son domicile où il a connu des déboires alors qu’il honorait ainsi un rendez-vous de la première personnalité de son pays. C’est finalement au Palais de la Marina que Michel Alokpo a été reçu. Que s’est il passé au Palais ? Michel Alokpo en parle dans l’entretien. Il parle aussi et surtout de Talon et lui prodigue des conseils pour la réussite de son mandat. Entretien.

Les 4 Vérités : Monsieur Michel ALOKPO, vous avez fait une déclaration et appelé à voter pour le candidat Patrice TALON au second tour de l’élection présidentielle de 2016. Pouvez-vous aujourd’hui donner les raisons qui ont motivé ce choix et votre déclaration ?

Michel ALOKPO : Je remercie les amis de la presse. Je remercie le peuple béninois. Il faut reconnaitre que j’ai travaillé pour le gouvernement de YAYI Boni pendant les dix dernières années. Je voudrais reconnaitre aussi que dans l’ensemble nous n’étions pas d’accord pour un certain nombre de choses. Nous nous sommes prononcés. Chaque fois que nous nous rencontrions, je ne suis pas de ceux qui font le bénit oui, oui. Je suis un homme de vérité, j’ai toujours dit la vérité. J’ai été souvent mal compris et puis avant le 1er tour des élections présidentielles, je suis intervenu sur le plateau de Golfe TV. J’ai exprimé mes sentiments par rapport à la situation socio- politique. En ce moment, j’étais allé sur le plateau au nom du Cadre de concertation des confessions religieuses (CCCR°). J’ai repris in extenso les critères, le diagnostic fait parle CCCR et j’ai peint la situation socio politique et dit ce qui n’a pas marché sous le mandat de Yayi Boni. Cela a été mal apprécié par les amis, parents et entourage de Yayi Boni. Et on m’a appelé une nuit : « Pasteur Alokpo vous avez dit quoi à la télévision ? On n’a plus besoin de vous ». A partir de ce moment, j’ai pris du recul, puisqu’on n’a plus besoin de nous parce que j’ai dit la vérité. Il faut aussi reconnaitre qu’au nombre de ce que j’ai eu à dire et reproché au gouvernement de Yayi Boni pour le fait qu’il n’a pas réussi sur le plan de la moralisation de la vie politique, au niveau de la lutte contre la corruption et l’impunité, la mal gouvernance, le gouvernement de Dr Yayi Boni a failli. J’en ai apporté des preuves sur le plateau de Golfe TV. Toute chose qui n’a pas plu à bon nombre des amis des membres du gouvernement défunt. Donc, je ne me suis pas affiché publiquement au premier tour pour le candidat Talon, mais j’ai travaillé dans l’ombre. Au deuxième tour, j’ai pris mon courage à deux mains pour me prononcer en faveur du candidat Talon, j’ai choisi d’accompagner le candidat Talon parce qu’il est un ami de vieille date. Nous avions eu à travailler aux cotés du président Yayi Boni en 2005, 2006. Nous avons parcouru tous les départements du Bénin, il a souffert entre les mains du méchant, des gens qui ont voulu à sa vie. Et nous avons eu en son temps appelé le chef de l’Etat Yayi Boni à se réconcilier avec son ami d’hier, l’actuel chef de l’Etat, son Excellence Patrice Talon et ça nous a couté très cher. Nous étions allés sur le plateau de canal 3 où nous avons fait une déclaration en faveur de la réconciliation des deux hommes.

Vous avez beaucoup œuvré pour cette tentative de réconciliation entre Talon et Yayi. Est-ce qu’aujourd’hui vous pouvez nous parler des démarches et autre appels que vous aviez faits en son temps pour la réconciliation entre Talon et Yayi ?

Nous avions demandé à Canal3 de nous permettre de nous permettre de nous prononcer. Nous avions fait alors une déclaration sur cette chaine de télévision. Ensuite, nous avions fait appel au doyen Emile Paraiso pour l’impliquer dans ce processus de réconciliation par l’entremise du clergé catholique. Ce qui fut fait. Du retour de l’Evêque de Djougou, ce dernier a rencontré l’actuel Président de la République pendant trois heures d’horloge. Ensuite il a rencontré Yayi Boni pendant deux heures d’horloge. Ils ont échangé sur le différend qui oppose les deux hommes. Nous étions là quand un groupe d’hommes d’affaires est arrivé de l’Afrique de l’Ouest pour entamer une autre nouvelle procédure de réconciliation qui n’a pas abouti. La démarche entreprise par Monseigneur Vieira pour unir, c’était la meilleure démarche ; les deux amis sont des chrétiens. Il ne peut y avoir la paix sans Dieu, sans Jésus. Mais les proches de Yayi ont envenimé la situation Moi-même on m’a traité d’être de connivence avec Talon, on m’a dit que j’ai été financé par Talon pour faire de déclaration, pour certaines démarches. Même ses proches parents m’ont interpellé à la présidence et m’ont presque injurié. J’ai été l’objet d’injures, de mensonges, d’attaques. Depuis ce temps, il y a eu du froid dans les relations entre Yayi et moi. Il est vrai, on se voit par moments, on ne s’appelle plus, on n’avait plus besoin de moi. J’ai été la personne la plus marginalisée dans le sciage du chef de l’Etat, Dr Yayi Boni. Moi j’ai fait ce que je pouvais pour cette réconciliation mais rien n’a bougé.

Après votre déclaration en faveur du candidat Talon, on vous a vu au domicile de Yayi Boni en son temps. Certains ont dit qu’on vous a kidnappé. De quoi s’est-il agit en réalité monsieur Alokpo?

C’est vrai, suite à une déclaration pour demander de voter pour le candidat Talon, l’entourage de Yayi Boni a dit que je ne pèse rien, que je n’ai personne derrière… Mais, j’ai reçu des coups de fil de toutes parts, la panique est rentrée dans leur camp. Le chef de l’Etat Yayi Boni m’a fait appeler en demandant de venir le voir à 21h. J’ai pris conseil auprès des amis qui n’ont dit de ne jamais aller chez le président une nuit. Dans cette même nuit à 2 h du matin, je reçois un coup de fil et celui qui était au bout du fil me dit : « Mr Alokpo, on vous a dit de venir, vous êtes où ? ». J’ai demandé à venir le lendemain qui est un vendredi. Donc le vendredi qui a suivi ma déclaration, je me suis rendu au domicile du chef de l’Etat. A peine arrivée à la guérite, une foule enragée m’attendait. La foule criait : « Alokpo, faux pasteur, il cherche quoi ici, vous avez demandé de voter Talon, nous on n’a plus besoin de vous, Gardes, ne lui permettez pas de rentrer chez le président Yayi Boni ». Ils ont failli me lyncher, mais j’ai été protégé par la Garde républicaine qui m’a permis de rentrer au domicile du chef de l’Etat. Lorsque le Président Yayi m’a vu, il m’a dit Pasteur Alokpo, je te reçois à la Présidence. A peine sorti du domicile du chef de l’Etat, la foule était surexcitée. Je ne pouvais pas bouger d’un pas. Ils criaient dans tous les sens. « Allez ce monsieur il faut l’expédier, il faut lui faire vomir tout ce qu’il a eu à dire ». C’est dans ces circonstances que le ministre de l’intérieur qui assistant à la scène a demandé à son chauffeur de venir. Entouré des Gardes du chef de l’Etat, on m’a fait monter à bord du véhicule du ministre de l’intérieur et nous avons pris le départ pour le palais de la république. Ceux qui voyaient la scène de loin ont su que quelque chose n’allait pas. Monsieur Alokpo est venu avec sa voiture et son chauffeur, maintenant il est rentré dans le véhicule du ministre de l’intérieur pour quelle direction ? Nous sommes donc partis à la Présidence. A peine une demi heure, il y a eu une alerte qui faisait croire que j’ai été kidnappé. C’est vrai que j’ai failli été lynché par la population ; je ne sais pas celui qui a organisé cela, je ne saurai le dire à mon arrivée comme à mon départ.
Je suis allé au palais de la république, le chef de l’Etat, Yayi Boni m’a reçu, il était scandalisé par la déclaration que j’ai eu à faire ; je lui ai dit les injures et attaques de ces proches qui faisaient croire que j’étais au solde de Talon. J’ai alors dit au Dr Yayi Boni que je préférais me ranger derrière celui pour lequel il croyait que je mouillais le maillot et j’ai vu juste parce que la tendance était Talon. Pour qu’il y ait la paix dans un pays, il faut que ce soit l’homme que le peuple a choisi.

A voir la suite de la réalité, c’est dire que vous aviez vu juste…

Après ma declaration, malgré les injures et coups de fil, j’ai vu que Dieu a décidé comme j’ai souhaité. J’ai eu des menaces malgré cela j’ai vu que Dieu a décidé à ma faveur. C’est pour dire que le fauteuil présidentiel, Dieu le donne à qui il veut. Nous avions vu à travers l’élection du président Talon l’histoire de Saül et de David. Saül a persécuté et mit en danger la vie de David ; malgré cela David n’a pas cherché à tuer Saül. Dieu a préservé David des mains de Saül ; en fin de compte Dieu a élevé David. Saül a été rejeté par Dieu parce qu’il lui a désobéi. Il n’a pas respecté les consignes de Dieu. Pour moi, ce qui est arrivé au gouvernement de Yayi Boni, c’est un châtiment de Dieu. Je pense que Dieu a voulu corriger son fils ; Yayi Boni car il a commis beaucoup d’erreurs, il ne priait plus, il ne rassemblait plus les hommes de Dieu autour de lui ; le Dr Yayi Boni a beaucoup compté sur ses propres forces. A commencer par les dernières élections municipales et législatives ; Dieu lui a montré des signes à travers les résultats ; mais il n’a pas appris la leçon. Je pense que Dieu a permis que le Dr Yayi Boni se repose…La réconciliation qui a été entamée à Abidjan moi je la souhaite de tous mes vœux parce que entre deux amis, il ne peut y avoir la guerre. Les deux se sont battus pour que l’un ait le pouvoir et se fasse réélire en 2011. Aujourd’hui Yayi a terminé son mandat et Talon est élu, nous devons le soutenir.
Je pense que quel qu’en soit ce qu’on peut reprocher au président Patrice Talon dans le passé, il est un être humain comme nous et nous sommes des êtres faillibles. Je pense qu’il a tiré leçons des trois années qu’il a passées hors de son pays le Benin. Il a tiré leçons de tout ce qu’il a vécu et de ses éventuelles erreurs également. Je pense que le changement que nous avons appelé de tous nos vœux en 2006 puis la refondation en 2011, c’est ça qui est en train d’être capitalisé par le président Talon à travers le Nouveau départ. Le Nouveau départ, ce n’est rien d’autre que nous devons finir avec les vieilles habitudes ; nos manières de faire ; Nouveau départ, nous devons arrêter le moteur, nous devons procéder au diagnostic des pièces qui sont gâtées dans le moteur, nous devons diagnostiquer les maux qui minent le gouvernement au Benin et nous devons finir avec les hommes, ceux qui ont plongé notre pays dans l’impasse politique, l’impasse économique et l’impasse sociale. C’est vrai, Dieu ne rejette personne, nous sommes tous des pécheurs, on peut donc réformer ceux qui sont prêts à se reconvertir pour le Nouveau départ. Mais d’abord, il faut les mettre de côté pour les observer pendant un temps pour savoir que les hommes qui ont gouverné sous Yayi Boni, il y en a qu’on peut récupérer. Avec le président Talon qui veut former, reformer l’administration béninoise et qui parle de compétence nécessaire, je pense qu’en matière de compétence on en a mais il faut charger la mentalité. Le président Feu Mathieu Kérékou l’a dit : « des intellectuels tarés ».

Michel Alokpo, le président Talon a dit que le Benin est un désert de compétences. Qu’en dites-vous ?

Le président Talon a dit que le Benin est un désert de compétences ; c’est vrai que notre intelligence, nous l’avons utilisée dans le mal, nous ne l’avons pas utilisée pour le bien. Nous avons certes des compétences. La plupart des cadres sont partis à la retraite et nous n’avons pas eu le temps de former une nouvelle génération. Talon veut réformer les cadres béninois, il veut faire en sorte qu’il y ait l’excellence dans l’administration publique. Nous devons en appeler aux centrales syndicales afin qu’elles soutiennent cette formation de cadres, l’excellence et que nous puissions sortir de l’ornière. Je pense qu’il faut revoir la gouvernance au niveau de l’administration publique. Il faut aussi le retour des valeurs éthiques. C’est en cela que je suis fier du ministre d’Etat Koupaki avec l’idée de la Nouvelle conscience. Je suis entrain de travailler sur un livre d’éthique ; c’est là où le gouvernement Yayi a failli. Il n’y a pas eu d’éthique, il a beaucoup écrit mais cela n’a pas été traduit dans les actes. Les lois que nous avions votées, les structures et institutions, c’est des hommes qui les gèrent, est-ce que ces hommes sont-ils des patriotes ? C’est en cela qu’il faut qu’on revienne à l’idée qu’on avait eu à la conférence nationale des forces vives de la nation : mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, pas nécessairement des gens qui ont des doctorats mais des gens qui ont l’expérience, des gens matures, capable d’inventer, des leaders, nous avons besoin d’avoir des leaders à tous les niveaux de l’administration publique ; des gens qui ont une vision, des gens qui ont une passion , un amour pour leur pays. C’est de ceux là qu’on a besoin aujourd’hui pour changer notre pays.

Et si on vous demandait de conseiller le président Talon, quels sont les conseils que vous allez lui prodiguer ?

Je trouve que son excellence Patrice Talon doit cultiver d’avantage le pardon. Le pardon est une vertu. Vous aviez vu ce qui est arrivée en Afrique du Sud. Si Nelson Mandela qui a passé plusieurs années en prison n’a pas pardonné, ceux qui l’ont mis en prison, il n’y aura pas cette évolution en Afrique du sud. Je reviens de ce pays il y a une semaine. Nous avons entendu parler du Rwanda. S’il n’y a pas eu le pardon entre les Hutu et les Tutsi, bref les rwandais, on n’assistera pas à cette transformation. Ce que je dois conseiller au président Talon, c’est de pardonner tout ce qu’il a vécu. Pardonner ne veut pas dire corriger tout ce qui a été fait dans le mal. Je ne pense pas que c’est ce que l’ancien gouvernement a laissé comme ardoise, il faut que tout ce qui ont participé à plonger notre pays dans le désert en réponde. Dieu aime la justice. Il faut que le président Talon soit un homme de justice. Dieu condamne l’injustice. Il faut que le président Talon mette les choses à leur place. Il faut qu’il rétablisse la justice dans ce pays. Le président Talon doit lutter contre l’impunité et la mal gouvernance, le plus criard, c’est le régionalisme. Je soutiens le président Talon par rapport à la suspension des concours frauduleux. Cette décision c’est une décision salutaire qui permettra de remettre le compteur à jour. Talon ne dois pas aussi favoriser la familiarité. C’est vrai, il a eu à promettre qu’il ne va pas politiser l’administration politique, qu’il réussisse à éviter la politisation de l’administration politique. C’est l’une des erreurs du défunt gouvernement. Le peuple béninois a donné la leçon au gouvernement Yayi qui est en tournée gouvernementale presque chaque week-end. Talon doit éviter aussi le clientélisme. Nous voulons la compétence. C’est en cela que j’apprécie la démarche du président Talon de restructurer l’administration publique, d’en finir avec la mal gouvernance. Autre conseil, que le président Talon ait du respect aux ainés.. Ce qui est aussi important, c’est l’unité nationale. Il faut qu’il travaille à ce qu’il y ait la paix dans le pays, qu’il y ait une véritable cohabitation entre les citoyens béninois et les religieux ; il faut qu’il y ait le dialogue inter religieux. Vous savez que Al Qaida, Boko Haram ne sont pas loin de nous. Il faut donc prendre les mesures sécuritaires afin de pouvoir barrer la route à ces forces du mal.
Le président Talon doit travailler pour la paix, l’unité, le dialogue inter religieux, le dialogue politique, chercher le consensus par tous les moyens. Eviter des bras de fer. Il a eu trop de bras de fer sous le mandat de Yayi Boni. Au finish, c’est tout cela accumulé qui a fait que le peuple a rejeté ses consignes en faveur de son dauphin.
Il est important que le président Talon soit à l’écoute du peuple. S’il travaille en équipe, il faut qu’il apprenne aussi à déléguer le pouvoir quand il n’est pas là. Il faut qu’il évite de créer des emplois temporaires en désordre. Tout cela a contribué à créer des problèmes au niveau des finances au Bénin. Il faut qu’il relance notre économie pour que le Benin retrouve ses lettres de noblesse et que le pays soit mis sur les rails.

Nous sommes au terme de cet entretien Pasteur Alokpo. Et si on vous demandait de conclure ?

Je voudrais dire merci au peuple béninois pour le choix du président Talon. Je voudrais demander aux béninois de prier pour la paix dans notre pays. Je voudrais dire aux hommes politiques que rien n’est encore perdu. Il faut que chacun reconnaisse là où il a failli, et que nous reprenons le Nouveau départ avec le président Talon et surtout ne pas lui mettre les bâtons dans les roues.

Propos recueillis par Blaise TOSSOU