Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, s’est entretenu mercredi 3 avril par téléphone avec son homologue russe, Sergueï Choïgou. C’est une première depuis octobre 2022. L’entretien a toutefois montré à nouveau la mésentente entre les deux puissances. Ainsi, Moscou a évoqué « une disposition à dialoguer concernant l’Ukraine », ce que Paris a démenti catérogiquement.
Sébastien Lecornu a « rappelé la disponibilité de la France » pour des « échanges accrus » avec Moscou dans la lutte contre le « terrorisme », selon un communiqué, qui souligne que le ministre français a « condamné sans réserve la guerre d’agression que la Russie a lancée en Ukraine ». Cet échange Lecornu-Choïgou intervient aussi après l’attentat près de Moscou le 22 mars, revendiqué par l’organisation État islamique et qui a fait au moins 144 morts et 360 blessés.
Mais les positions des deux pays semblaient marquées mercredi par des lectures opposées des événements. Lors de cette conversation d’une heure, qui s’est tenue à l’initiative de Paris, la France a rappelé qu’elle « ne disposait d’aucune information permettant d’établir un lien entre cet attentat et l’Ukraine » et a demandé à la Russie de « cesser toute instrumentalisation ».
Le ministère de la Défense russe a, quant à lui, dit espérer que « les services secrets français » n’étaient pas impliqués dans cette attaque sanglante. « Le régime de Kiev ne fait rien sans l’aval de ses superviseurs occidentaux. Nous espérons que, dans ce cas, les services secrets français ne sont pas derrière cela », a indiqué Sergueï Choïgou, dans le communiqué de son ministère relatant l’appel.
Moscou évoque une « disposition à dialoguer » concernant le conflit en Ukraine, Paris dément
Des dissensions sur la nature des discussions sont aussi intervenues dans les communiqués des deux capitales, qui ont évoqué la guerre en Ukraine. Moscou a affirmé que les ministres des Armées français et russe ont exprimé « une disposition à dialoguer ». « Il a été noté une disposition à dialoguer concernant l’Ukraine. Le point de départ pourrait être « L’Initiative d’Istanbul pour la paix ». La tenue d’une rencontre à Genève sans participation de la Russie n’a aucun sens », a indiqué le ministère russe.
Ces propos, a priori inattendus de la part de la France, ont été immédiatement démentis par Paris.« La France n’a accepté ni proposé quoi que ce soit » sur ce sujet, a souligné l’entourage du ministre français, démentant les affirmations du gouvernement russe.
Les attaques informationnelles russes semblent se multiplier contre la France, alors que Paris a récemment conclu un accord sécuritaire bilatéral avec Kiev. La Russie a déjà dénoncé l’« implication croissante » de la France dans le conflit.
Le ministère russe est, par ailleurs, à nouveau revenu sur les récents propos polémiques d’Emmanuel Macron, qui avait estimé en février qu’envoyer des troupes en Ukraine ne pouvait pas « être exclu ». « Sergueï Choïgou a indiqué qu’en cas de réalisation de ces déclarations, cela créera des problèmes pour la France elle-même », a affirmé le ministère russe.
En dépit des désaccords et des versions différentes, la discussion entre les deux ministres revêt une certaine, tant les entretiens de haut niveau sont rares entre le camp occidental pro-Ukraine et la Russie. Le ministre des Affaires étrangères russe, Serguei Lavrov, et le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, se sont téléphonés pour la dernière fois en avril 2023, Sergueï Choïgou s’étant lui entretenu avec son homologue américain Lloyd Austin le mois précédent.
La Russie envoie régulièrement Sergueï Lavrov aux réunions du G20, notamment en février de cette année, mais rien n’indique qu’il se soit entretenu directement avec des responsables occidentaux.