Le Maroc a organisé ce week-end son premier rendez-vous avec le Mali, le Burkina et le Niger. Le thème : l’ouverture vers l’océan Atlantique et donc le désenclavement de ces pays sahéliens. Les ministres des Affaires étrangères des quatre pays étaient réunis à Marrakech. À la clef, une alliance économique, mais aussi géopolitique.
« Offrir de l’eau, c’est offrir la vie » : les mots du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, ont exprimé, à Marrakech, la gratitude des pays sahéliens envers l’initiative marocaine.
Désenclaver les pays du Sahel en leur permettant un accès à l’océan Atlantique, leur donner accès aux infrastructures du pays, leur ouvrir les portes du commerce international : la promesse du royaume chérifien est belle, ses partenaires se disent intéressés.
Encore faut-il mettre en œuvre concrètement cette initiative restée, de l’aveu même des ministres participants, encore à l’état de projet.
Car pour permettre aux pays sahéliens de bénéficier des avantages de l’ouverture marocaine sur l’Atlantique, de nombreuses infrastructures, routières ou aéroportuaires sont nécessaires.
Si les pays sahéliens affirment vouloir investir pour répondre à la proposition marocaine, la réflexion n’en est encore qu’à son commencement, les quatre ministres se sont d’ailleurs mis d’accord pour créer une task force dans chaque pays intéressé pour préparer et proposer « les modalités opérationnelles de cette initiative »…
Quoi qu’il en soit, si le projet économique doit encore être précisé, la bonne entente diplomatique, elle, est bien réelle.
« Une initiative qui recèle une dimension politique et géopolitique »
Le chercheur Youssef Chiheb, professeur de l’Université Sorbonne Paris Nord analyse ces liens géostratégiques naissants, à travers cette initiative pour l’accès à l’Atlantique, entre le Maroc et les pays sahéliens. « C’est une initiative qui recèle une dimension purement politique et ensuite géopolitique. D’abord politique, ça s’inscrit dans la longue et tumultueuse rivalité entre le Maroc et l’Algérie pour les positions de leadership en Afrique et particulièrement l’Afrique subsaharienne, Sahel et Sahara. Deuxièmement, essayer de d’occuper autant que possible aussi la vacance géostratégique conséquente du retrait précipité des forces françaises du Burkina Faso, Niger, Mali. Donc, la nature a horreur du vide, le Maroc avait sa petite idée, à savoir récupérer ces pays », explique le chercheur..
« Le monde aujourd’hui est.en train de s’orienter vers le Pacifique. L’Afrique n’a aucune chance géopolitique d’être présente, et peut être encore oubliée de ces mutations majeures, donc il reste l’Atlantique. On revient aux fondamentaux. L’Atlantique intéresse peu ou plus les Américains et les Européens, donc le Maroc profite de l’occasion pour présenter donc ces 3 principes : à savoir l’isolement géopolitique de l’Algérie ; la coalition des pays africains francophone maritime pour s’orienter vers le commerce sur l’Atlantique ; et puis le déploiement d’une technologie nouvelle d’usine de dessalement pour pouvoir donc mettre à disposition de l’Afrique son besoin le plus vital dans les 20 prochaines années, qui sera long », conclut Youssef Chiheb.