(« Nous ne découronnons personne. Nous ne découronnons aucun roi» rassure le ministre Jean-Michel Abimbola)
Face aux nombreuses interprétations suscitées par la loi N° 2025-09 du 03 avril 2025 portant organisation de la chefferie traditionnelle au Bénin, le gouvernement a initié une séance d’échange avec les professionnels des médias. Objectif : clarifier les motivations, les critères et le processus ayant conduit à l’adoption de cette réforme longtemps attendue. La rencontre s’est tenue le vendredi 25 avril 2025 au sein du ministère des affaires étrangères suite à la promulgation de ladite loi. Une initiative qui vise à calmer les tensions et à mettre fin aux polémiques.
« Cette séance d’échange que le gouvernement vous propose est relative à l’actualité, mais tout particulièrement à la loi sur la chefferie traditionnelle dont notre pays s’est doté à l’initiative du gouvernement », a introduit le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji.
À ses côtés, le ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts, Jean-Michel Abimbola, a exposé les grandes lignes de la réforme. Entre rappels historiques, précisions juridiques et éclaircissements sur le statut des rois, plusieurs zones d’ombre ont été levées. L’approche de cette nouvelle loi n’est ni politique, ni sociale ; elle est purement scientifique, a-t-il précisé, tout en soulignant que le Bénin n’est pas un royaume, mais une République.
Trois niveaux de chefferie reconnus
« Il y a trois types de chefferie : royale, supérieure et coutumière », a affirmé le ministre. Désormais, ceux qui ne répondent pas aux critères de reconnaissance scientifique et historique comme rois ou chefs supérieurs seront considérés comme des chefs communautaires. Une décision issue de plus d’une décennie de recherches sur l’historicité des royaumes et des espaces de pouvoir.
« Nous ne découronnons personne »
Soucieux de dissiper les craintes, Jean-Michel Abimbola rassure les unes et les autres : « Nous ne découronnons personne. Nous ne découronnons aucun roi. Que les rois qui sont établis depuis six mois, six ans, vingt ans ou soixante ans soient rassurés. Ils ont la possibilité et le plein pouvoir de garder leur couronne. Seulement, suivant la loi, ils ne sont ni rois, ni chefs suprêmes, ni chefs coutumiers, mais plutôt chefs communautaires. »
Et en cas de destitution ?
À la question de savoir si un roi peut être destitué et devenir un « ex-roi », le ministre a été clair : l’État ne « découvre personne ». « Un individu ayant porté les attributs du roi pendant des années ne sera pas écarté du jour au lendemain, mais reclassé, le cas échéant, comme chef communautaire. Il est chef communautaire, point. On ne dit pas qu’il doit partir », a-t-il insisté.
Une réforme construite depuis 2012
Le ministre a rappelé que les décisions actuelles sont issues d’un processus amorcé dès 2012, avec pour base l’ouvrage collectif L’historicité des royaumes et des espaces de pouvoir, dirigé par le professeur Félix Iroko. Ce travail a été enrichi par d’autres recherches scientifiques et validé par une commission mise en place de 2022 à 2024, chargée d’examiner la légitimité des prétendants à la royauté.
Quand 100 rois se réclament d’une même commune
Jean-Michel Abimbola a également évoqué une anecdote révélatrice : « Dans une commune pas loin de Cotonou, on a recensé déclarativement 100 rois. » Une situation qu’il juge absurde et révélatrice d’une confusion persistante. « On connaît des rois sans royaume, et des royaumes sans roi », ironise-t-il. D’où la nécessité de mettre en place une commission scientifique et technique.
Le dernier mot à la science et à l’histoire
La réforme des chefferies ne relève donc pas du ministère seul, mais d’un travail collectif s’appuyant sur des critères historiques, anthropologiques et politiques. « Ce n’est pas à moi, en tant que ministre, de décider », a conclu Jean-Michel Abimbola, tout en soulignant l’importance d’une démarche rigoureuse documentée.
La séance a également connu la présence du comité scientifique, représenté par son président et son rapporteur. Ces derniers ont, à leur tour, apporté des éclaircissements sur la méthodologie adoptée, les critères retenus et les fondements historiques ayant guidé l’élaboration de cette réforme qui ouvre une nouvelle ère pour les autorités traditionnelles béninoises où la science et la tradition devront cohabiter pour une meilleure lisibilité institutionnelle.
Mireine YAHOUNGO