Dans une adresse à la nation prononcée sur la télévision publique nigérienne Télé Sahel, Abdourahamane Tiani, chef de la junte, a annoncé la mise en place d’un « dialogue national inclusif » dans un délai de 30 jours et annonce une transition qui « ne saurait aller au-delà de trois ans ».
Dans un message à la nation qu’il a adressé dans la soirée du samedi 19 août 2023, le général de brigade Abdourahamane Tiani, président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), a annoncé la convocation prochaine d’un « dialogue inclusif » pour décider des grandes orientations de la transition, dont la durée ne saurait excéder trois (03) ans ainsi que des principes fondamentaux de la refondation de l’Etat. Le chef de l’Etat a aussi fustigé les sanctions infligées par la Cédéao au Niger suite au coup d’Etat du 26 juillet et a mis en garde contre toute intervention militaire contre le pays qui serait considérée comme « une occupation ».
Dans son allocution télévisée, la seconde du genre depuis les évènements du 26 juillet 2023, le général de brigade Abdourahamane Tiani, a commencé à rappeler que depuis le 30 juillet dernier, « nous vivons dans notre chair les sanctions d’une ampleur sans précédent prises contre notre pays le Niger et son peuple », par la Cédéao. « Ces sanctions visent notamment à nous priver des ressources financières indispensables au fonctionnement de nos institutions, à entraver notre vie quotidienne et à étouffer notre économie et le petit commerce », a poursuivi le chef de l’Etat qui a ajouté, qu’en outre, « ces sanctions vont jusqu’à priver délibérément nos laborieuses populations de tout approvisionnement en produits alimentaires et pharmaceutiques ». Finalement, a-t-il indiqué, « comme s’il y avait un plan visant le démantèlement de notre pays, la CEDEAO s’apprête à agresser le Niger en mettant sur pied une armée d’occupation en complicité avec une puissance qui est étrangère à notre espace communautaire, et notre continent ». Selon le président du CNSP, « ces sanctions sont illégales parce que contraire au principe d’intégration, de solidarité et de libre circulation dans une communauté telle que la CEDEAO ».
« Ce caractère illégal et du reste attesté par la jurisprudence en la matière. Ces sanctions sont surtout inhumaines. Comment comprendre en effet qu’on laisse pourrir aux frontières des produits alimentaires et pharmaceutiques de première nécessité destinés à des populations dans le besoin ? Comment comprendre que l’on impose à des populations les sanctions qui vont jusqu’à les privées de courant électrique en laissant les malades mourir dans les hôpitaux ? Ces sanctions ne sont pas pensées dans une optique de recherche de solutions, mais pour nous mettre à genoux et nous humilier. Comme vous le savez, elles ont été prises sans consultations préalables ni des autorités de transition, ni des instances régionales, ni des Parlement nationaux, ni des populations sœurs des pays de la communauté ».
Selon le Président du CNSP, « ceux qui ont pris ces sanctions cruelles et menacent de tuer des milliers et des milliers de nigériens espèrent ainsi les diviser et imposer ainsi à notre vaillant peuple leur volonté. Ils pensent pouvoir nous contraindre à accepter par la force c’est qui est profondément inacceptable, car contraire à nos intérêts vitaux, et à nos valeurs cardinales. Ils veulent isoler notre pays à un moment où notre peuple a le plus besoin de la solidarité communautaire pour mieux faire face au terrorisme et à l’insécurité ». Le général a aussi souligné qu’ « ils ne semblent pas mesurer l’ampleur, le contrecoup qu’une agression contre le Niger aurait sur toute la région », avant d’ajouter par la même occasion, qu’ « ils semblent ignorer que c’est en partie grâce au professionnalisme et à la vaillance de nos forces de défense et de sécurité que le Niger est resté le verrou qui empêche les hordes de terroristes de déstabiliser l’ensemble de notre région ». Heureusement, s’est-il félicité, « dans plusieurs pays voisins comme lointains, membres de la communauté ou non, des leaders visionnaires ou des populations solidaires ont exprimé et expriment leur rejet à toute intervention qui ouvrirait une véritable boîte de Pandore ».
« Il est paradoxal que les réactions excessives entretenues par certains acteurs externes qui tentent d’imposer les médias une image caricaturale du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie et de son action soient autant en déphasage par rapport aux aspirations du peuple nigérien. La réaction populaire observée dans tout le pays montre pourtant à suffisance que l’action des forces de défense et de sécurité regroupée au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie répond clairement à l’exaspération de l’écrasante majorité du peuple nigérien qui se sent délivré ».
Le CNSP et le gouvernement disponible au dialogue
Dans son message à la nation, le général de brigade Tiani a tenu à réaffirmer que l’ambition du CNSP n’est pas de confisquer le pouvoir. « Je réaffirme aussi notre disponibilité à tout dialogue pour autant qu’il tienne compte des orientations voulues par le peuple nigérien fier et résilient ». Toutefois, a-t-il martelé, « toute approche constitutive et ignorant la quête de souveraineté, de sécurité, et de bonne gouvernance exprimée clairement par la population revient à ignorer les dynamiques profondes en œuvre dans les pays sahéliens abandonnés à leur propre sort depuis plus de 10 ans par ceux-là même au lieu de les aider à combattre les maux qui les assaillent veulent aujourd’hui nous agresser ».
À la vérité, a poursuivi le chef de l’Etat, « la prise de pouvoir par les forces de défense et de sécurité, aussitôt fermement soutenue par nos vaillantes population s’inscrit dans un contexte de rejet du modèle sécuritaire et de mauvaise gouvernance faites d’injustice, de corruption mise en œuvre par des régimes qui se prétendent démocratiques, mais qui en réalité dévoient et discrédites la démocratie ». C’est ainsi qu’il a exprimé et réaffirmé la pleine adhésion du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), au principe de libre choix de gouvernement par le peuple. « Mais pour que le peuple puisse choisir ses dirigeants, il faut un système transparent dans lequel les opposants ne sont pas emprisonnés ou exilés, dans lequel une véritable alternance est possible, et dans lequel la société civile peut librement s’exprimer, et manifester sans être inquiétée », a-t-il soutenu avant d’indiquer que « le soutien massif de population au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie au Niger, comme chez nos frères maliens, burkinabè et guinéens entre autres traduit non pas le désir d’une gouvernance autocratique, mais un désir de démocratie véritable, porteur de bien-être pour tous. Nous en sommes parfaitement conscients ».
« En tant que soldats, nous connaissons le prix d’une guerre. En tant que nigérien et ouest-africain, nous trouverions tragique d’aller en guerre contre nos frères d’armes aux côtés desquels nous étions engagés hier pour sécuriser notre région. Nos populations qui sont les mêmes de part et d’autre des frontières trouvent aberrant d’être opposés les unes aux autres. En somme, ni le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, ni le peuple nigérien ne veulent d’une guerre et demeure ouverts au dialogue. Mais, qu’on ne comprenne bien ! Si une agression devait être entreprise contre nous, elle ne sera pas la promenade de santé à laquelle certains croient. En effet, ils trouveront face à eux 26 millions de Nigériens, les dignes fils de Dounama Dit Balami, de Idriss Alaoma, de Mohamed Kosso, de Mohamed Nafarko, de Amadou Tanimoune Kourandaga, de Souleymane Dan Tchissouma, de Kaoussen Ag Kedda, de Dan Kassaoua Agoradi, de Babari Soba, de Bawa Zangorzo, de Malibero, de Ousmane Dan Fodio, de Soni Ali Ber et de Askia Mohammed entre autres ».
Ainsi, a poursuivi le général, « fort du soutien de notre grand peuple est avec l’aide de nos frères du Burkina, de la Guinée et du Mali, les forces de défense et de sécurité du Niger ne se déroberont pas ». Pour ma part, a-t-il déclaré, « une fois de plus, je tiens à vous réaffirmer mes chers compatriotes, que tout comme les autres membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie et le gouvernement, je suis au service du Niger et de ses seuls intérêts, et que je ne trahirais jamais vos espérances inch’Allah ».
Dialogue inclusif entre nigériens
Poursuivant son allocution, le chef de l’Etat a souligné que conscient de la nécessité de structurer les nouveaux élans de patriotisme qui règnent au Niger, il engage toutes les forces vives de la nation à travers un dialogue national inclusif. L’objectif de l’instance dédiée à ce dialogue, a-t-il indiqué, est de consulter toutes les composantes du peuple nigérien sur les voies les meilleures permettant de poser les fondements d’une nouvelle vie constitutionnelle, sur des piliers profondément ancrés dans nos valeurs traditionnelles et républicaines. Dans cette perspective, a ajouté le patron du CNSP, le gouvernement est d’ores et déjà instruit pour prendre les dispositions urgentes en vue de l’organisation de ce dialogue. C’est ainsi que dans ce cadre et comme l’a dit le chef de l’Etat, les forces vives qui y seront conviées s’attèleront dans un délai de 30 jours à formuler des propositions concrètes devant conduire à définir les principes fondamentaux devant régir la transition; à définir la priorité de la transition dont la durée ne saurait aller au-delà de trois (3) ans ; à définir les priorités nationales durant la transition; et a appelé les valeurs fondamentales devant guider la refondation de la République.
« C’est donc entre nigériens et dans le cadre du dialogue fraternel que nous allons trouver j’en suis convaincu les solutions adoptées à tous les défis qui se posent à nous, accompagnés dans notre élan de sortie de crise et ce dans l’intérêt de tous », a conclu le général Tiani.